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Chapitre 1- Problématique générale

4. Associations entre la consommation de sucre et la santé

4.1. Portrait général de la littérature sur les associations entre la consommation de sucre et la santé

4.1.1. Types de sucres : libres/ajoutés vs naturellement présents

Tel que mentionné, étudier les sucres totaux ne permet pas de bien comprendre le lien entre la consommation de sucre et la santé. Il importe d’abord de différencier les sucres totaux en sucres libres/ajoutés et naturellement présents puisque, tel que le démontrent les quelques exemples suivants, qui sont d’ailleurs rares dans la littérature, ceux-ci ne semblent pas associés de la même façon à différentes variables de santé [9]. Par ailleurs, les résultats peuvent également différer parmi les études évaluant le même type de sucre, selon la forme physique dans laquelle il est consommé. Cet aspect sera discuté à la section suivante.

Dans une étude prospective américaine menée par Yang et coll., la consommation de sucres ajoutés a été associée à un risque accru de mortalité liée aux maladies cardiovasculaires [101]. Les individus consommant entre 17%É et 21%É sous forme de sucres ajoutés (4e quintile) avaient un risque de mortalité liée aux maladies cardiovasculaires 38% plus important que ceux qui consommaient environ 8%É sous forme de sucres ajoutés [101]. Dans une autre cohorte prospective américaine, Tasevska et coll. ont plutôt montré que ceux consommant le plus de sucres ajoutés (5e quintile) n’avaient généralement pas un risque augmenté de mortalité, comparativement à ceux consommant le moins de sucres ajoutés (1er quintile) [93]. Le portrait se précisait quand les sources liquides et les sources solides de sucre étaient considérées de façon distincte [93], tel que discuté dans la prochaine section.

O’Connor et coll. ont publié une étude observationnelle transversale, qui, à notre connaissance, est une des seules à avoir évalué l’effet des sucres libres et non libres (c.-à-d. naturellement présents) sur des marqueurs de santé cardiométabolique (hémoglobine glyquée, résistance à l’insuline, CRP et score Z de syndrome métabolique) dans un échantillon d’adultes [90]. Leurs résultats ont montré que les sucres libres étaient associés

positivement à l’hémoglobine glyquée, la CRP et le score Z de syndrome métabolique, alors que les sucres naturellement présents n’y étaient pas associés ou étaient négativement associés (avec la CRP) [90].

Les sucres libres/ajoutés sont généralement associés à un profil de santé détérioré. Toutefois, les conclusions des études sur le lien entre la consommation de sucres libres/ajoutés et des variables de santé, le développement de maladies chroniques comme le diabète ou des maladies cardiovasculaires ou la mortalité sont parfois divergentes [86], selon la source alimentaire, tel que discuté plus loin. Concernant les sucres naturellement présents, il semble y avoir peu d’ambiguïté : ceux-ci montrent soit aucune association avec des variables de santé ou soit des associations favorables. Même si les études évaluant les associations entre l’apport en ces deux types de sucre (libres/ajoutés et naturellement présents) et des variables de santé cardiométabolique sont rares [102], il semble qu’on doive bel et bien faire la différence entre les deux si on souhaite étudier de façon juste le lien entre la consommation de sucres et la santé.

En effet, il est reconnu que la consommation de fruits et de produits laitiers, dont le yogourt, est associée favorablement à la prévention de diverses maladies non transmissibles comme le diabète [37,103]. Pourtant ces aliments contiennent naturellement du sucre, parfois de façon importante. D’un point de vue métabolique, il semble étonnant que le même sucre soit associé de façon divergente à des variables de santé selon l’aliment d’où il provient. Diabète Canada affirme que bien que les sucres libres et naturellement présents soient métabolisés de la même façon, les sucres libres, comme ils ne sont pas attachés à une matrice alimentaire, sont digérés et absorbés plus rapidement [24].

Le simple fait que les fruits et les boissons sucrées, deux aliments riches en sucres, aient des effets divergents sur diverses variables de santé cardiométabolique montre que l’explication du lien entre le sucre et la santé va au-delà de l’aspect métabolique. Cette affirmation semble encore plus logique si on remarque que les aliments riches en sucres libres contiennent souvent peu d’éléments nutritifs, tandis que les aliments riches en sucres naturellement présents ont une plus haute valeur nutritive [24]. En effet, généralement, les aliments riches en sucres naturellement présents, dont les fruits, sont aussi riches en nutriments ayant des effets bénéfiques sur la santé, comme des fibres et des vitamines [104,105]. Par exemple, comme hypothèse pour expliquer le lien protecteur entre la consommation de fruits et le risque de mortalité, Schwingshackl et coll. mentionnent le contenu en fibres des fruits qui améliorerait la réponse insulinémique [103]. Au contraire, certains aliments riches en sucres libres/ajoutés contiennent aussi du sodium ou des gras saturés, qui ont plutôt des effets néfastes démontrés sur la santé [15]. Donc ce ne serait pas tellement le sucre en tant que tel qui aurait une influence sur la santé, mais plutôt l’aliment dans lequel on le consomme. Ceci suggère donc que l’aliment duquel provient le sucre joue un rôle important [76] et qu’il y a probablement d’autres nutriments ou composantes des aliments qui modulent l’effet métabolique du sucre, d’où l’importance de différencier les sucres libres/ajoutés des sucres naturellement présents.

Aussi, le regroupement des formes solides et liquides de sucres libres/ajoutés pose problème et peut entraîner des conclusions biaisées, puisque les associations entre le sucre dans les aliments solides et la santé seraient différentes de celles observées entre le sucre dans les boissons sucrées et la santé. Le lien entre le sucre dans les aliments solides et la santé est d’ailleurs moins bien compris et entraîne davantage de controverse [11]. Donc, afin de dresser un portrait plus juste et pour mieux se prononcer sur l’impact du sucre sur la santé, il importe d’étudier plus précisément le type de sucre, mais aussi la forme dans laquelle le sucre est consommé [10].