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CHAPITRE 2. CADRE THEORIQUE ET CONCEPTUEL DE LA RECHERCHE

2.2. TYPES D’AGRICULTURE FAMILIALE SELON LEUR INTEGRATION AU

Dugué (2006) montre que le degré d’intégration au marché diffère selon l’organisation des filières (exportations ou marché local), la facilité d’accès au marché (régions enclavées ou non) et les systèmes de production, capables ou non de dégager des surplus de production :

 les exploitations agricoles familiales orientées sur le marché d’exportation. Elles sont organisées autour d’une culture d’exportation comme le coton, le café, les fruits et les légumes. Souvent fortement spécialisées, ces exploitations sont sujettes aux risques importants des fluctuations et des bas prix sur le marché mondial ;

 les exploitations agricoles où les cultures vivrières équilibrent largement les cultures d’exportation. Elles ont souvent une production diversifiée, ce qui leur permet de se protéger contre les aléas climatiques et les risques du marché;

 les exploitations agricoles qui se concentrent exclusivement sur la production de cultures vivrières. Une partie de cette production couvre les besoins domestiques, l’autre est destinée à la vente, essentiellement sur les marchés locaux. Cette catégorie regroupe les foyers les plus pauvres. Soumis aux risques locaux et à la libéralisation des marchés locaux, ils n’ont qu’un accès limité aux intrants et aux marchés, peu de matériel et peu de cheptel;

 l’agriculture de subsistance n’entretient pas ou peu de liens avec le marché et produit presque exclusivement pour sa propre consommation. Cette forme d’agriculture est de moins en moins courante.

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Tableau 1. Comparaison entre exploitations familiales et agriculture commerciale

Caractéristiques Exploitations familiales Agriculture commerciale Rôle de la main-

d’œuvre du ménage

Important Faible ou nul

Liens communautaires Forts : fondés sur la solidarité et l’entraide entre ménage et groupe plus large

Faible : souvent aucune connexion sociale entre entrepreneur et communauté locale

Objectifs prioritaires Consommer Stocker Vendre

Vendre Acheter Consommer Diversification Forte : pour réduire l’exposition au

risque

Faible : spécialisation dans cultures et activités très limitées

Flexibilité Forte Faible

Taille de l’exploitation Tend a être réduite : 5 à 10 ha en moyenne

Grande : peut excéder 100 ha

Liens avec le marché Faibles : mais grandissants Forts

Accès aux terres Par héritage et arrangements sociaux Assez souvent par achat

Source : Toulmin et Guèye (2003)

Guèye (2006) montre les différents avantages qu’offrent les exploitations agricoles familiales et illustrant leur caractère multifonctionnel et qui méritent d’être soulignés :

(i) elles s’appuient sur un portefeuille d’activités diversifiées et intégrées, ce qui leur permet d’anticiper les conséquences d’une fluctuation des facteurs climatiques, de faire face à la saisonnalité des revenus agricoles, et de limiter les risques liés à une forte dépendance sur le marché en privilégiant une association équilibrée entre cultures commerciales et cultures tournées vers la satisfaction des besoins alimentaires;

(ii) elles disposent d’une grande flexibilité et une solide capacité d’adaptation qui leur permettent d’opérer les ajustements nécessaires dans l’allocation de leurs ressources pour répondre à des situations inattendues voire saisir des opportunités qu’offre le marché. Cette flexibilité est souvent absente dans les exploitations commerciales généralement très spécialisées, dépendantes du système financier formel et par conséquent très vulnérables aux fluctuations des marchés financiers et des produits agricoles;

(iii) Elles s’appuient sur des valeurs de solidarité et maintiennent un ancrage communautaire fort, qui comme on le sait constitue un des éléments clés de la lutte contre la pauvreté en milieu rural. Aujourd’hui ces mécanismes de solidarité se sont non seulement diversifiés mais ont également connu un degré de complexification et d’organisation très poussé. Les différentes formes de « mutualité » axées sur la fourniture de crédits, la généralisation des groupements à vocation économique, les caisses de solidarité, les banques céréalières ou de semences, constituent autant d’instruments endogènes pouvant contribuer à la réduction de la vulnérabilité des ménages ruraux;

(iv) elles organisent leurs activités économiques selon une hiérarchie d’objectifs, à savoir consommer d’abord, stocker ensuite et enfin vendre même si dans la réalité le système ne garde pas un caractère aussi linéaire. Ces choix stratégiques montrent toute leur pertinence

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dans un contexte où les revenus tirés des produits agricoles d’exportation sont durement affectés par la libéralisation des marchés. Par conséquent, pour lutter contre la pauvreté rurale, il faut donner la priorité à la sécurité alimentaire;

(v) elles disposent de solides capacités d’innovation et manifestent un souci affirmé de conservation des ressources naturelles dont dépend leur survie. Elles favorisent par conséquent les pratiques d’agriculture durable, contrairement aux exploitations de type commercial, plus guidées par la rentabilité financière à court terme qui essaient par conséquent de tirer le maximum des ressources naturelles par des pratiques agricoles qui ne reposent pas généralement sur des principes ancrés de durabilité.

Contrairement à une conception répandue, elles valorisent la taille de la population comme un moyen de lutte contre la vulnérabilité et de gestion des risques. En effet, les capacités de diversification et d’adaptation dépendent en grande partie de la taille de la population de l’exploitation. Plusieurs études (Toulmin et Guèye, 2003; Mortimore, 2003) ont montré que le degré de vulnérabilité des exploitations était souvent fortement corrélé avec le faible effectif de la main-d’œuvre. En effet, en l’absence d’un niveau convenable de mécanisation, la faiblesse de la main-d’œuvre limite l’importance des superficies cultivées ainsi que les possibilités de diversification. En conséquence, les familles nucléaires sont souvent beaucoup plus vulnérables aux risques et ne peuvent bénéficier des économies d’échelle en matière de production, d’investissement et de diversification des revenus.