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DEGRÉ

D’ÉVAPORATION SOLUBILITÉ ADHÉRENCE TOXICITÉ

Pétrole léger (1) élevé élevée nulle élevée

Pétrole

moyen à lourd (2) < 50 % moyenne

légère à moyenne

variable selon la composition

Pétrole lourd (3) < 20 % basse élevée couverture et adhérence (asphyxie faune et flore)

Pétrole résiduel (4) nul très basse très élevée couverture et adhérence (asphyxie faune et flore)

Figure 40 : Toxicité des hydrocarbures sur le vivant (Source : O’Sullivan & Jacques, 1991, in Page-Jones, 1996)

AMOCO CADIZ ERIKA -PRESTIGE

Évaporation 40 % Négligeable

Dispersion dans l’eau Importante Négligeable

Sédimentation Importante Négligeable

Biodégradation Oui Très faible

Figure 41 : Évolution du pétrole de l’Amoco Cadiz, de l’Erika et du Prestige déversés dans le milieu marin

(Source : Bastien-Ventura et al. (2005) d’après ITOPF)

Les produits chimiques

Les produits chimiques sont transportés en vrac ou en colis. Environ 600 substances dangereuses peuvent être transportées en vrac par voie maritime (Marchand, 2001). L’annexe II de la convention MARPOL 73/78 classe en quatre catégories les substances liquides nocives transportées en vrac selon les dangers décroissants qu’elles représentent :

ƒ « Catégorie A : Substances liquides nocives qui, si elles sont rejetées à la mer lors des opérations de nettoyage des citernes ou de déballastages, présentent un risque grave pour les ressources marines ou pour la santé de l’homme ou nuisent sérieusement à l’agrément des sites ou autres utilisations légitimes de la mer et justifient en conséquence la mise en œuvre de mesures rigoureuses de lutte contre la pollution.

ƒ Catégorie B : Substances liquides nocives qui, si elles sont rejetées à la mer lors des opérations de nettoyage des citernes ou de déballastages, présentent un risque pour les ressources marines ou pour la santé de l’homme ou nuisent à l’agrément des sites ou autres utilisations légitimes de la mer et justifient en conséquence la mise en œuvre de mesures particulières de lutte contre la pollution.

ƒ Catégorie C : Substances liquides nocives qui, si elles sont rejetées à la mer lors des opérations de nettoyage des citernes ou de déballastages, présentent un faible risque pour les ressources marines ou pour la santé de l’homme ou nuisent quelque peu à l’agrément des sites ou autres utilisations légitimes de la mer et appellent en conséquence des conditions d’exploitation particulières.

ƒ Catégorie D : Substances liquides nocives qui, si elles sont rejetées à la mer lors des opérations de nettoyage des citernes ou de déballastages, présentent un risque discernable pour les ressources marines ou pour la santé de l’homme ou nuisent très légèrement à l’agrément des sites ou autres utilisations légitimes de la mer et appellent en conséquence certaines précautions en ce qui concerne les conditions d’exploitation particulières ».

Une révision de cette annexe II de la convention MARPOL 73/78 est entrée en vigueur au 1er janvier 2007. En 1992, la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement (CNUED) a adopté un programme d'harmonisation des classes de risque et d'étiquetage des substances chimiques. Ceci a conduit à la mise en place d'un système général harmonisé (SGH) de classification et de communication des risques en matière de transports, de défense des consommateurs, de sécurité du travail et de protection de l'environnement. Le GESAMP (Group of Experts on the Scientific Aspects of Marine Environmental Protection) a débuté la révision de sa méthode d'évaluation des risques pour s'aligner sur le SGH des Nations Unies, en particulier en réexaminant les produits figurant dans le Recueil IBC11 afin qu'ils aient tous un profil de risque correspondant à cette nouvelle taxinomie. Suivant la même logique, l’OMI a entrepris la révision de l'Annexe II de MARPOL afin que tout nouveau système de catégories se fonde sur les critères utilisés par la méthode révisée d'évaluation des risques. Dans le cadre de cette révision, il a été décidé de réduire le nombre des catégories de pollution. L'Annexe II révisée instaure désormais un système à trois catégories (X, Y et Z), qui classe les substances selon leur nocivité supposée pour l'environnement, la santé ou les ressources marines. La catégorie X est celle des produits réputés présenter le plus de risques pour le milieu marin, tandis que les produits à faibles risques sont classés dans la catégorie Z. L’OMI a, par ailleurs, décidé de classer sans risque un petit nombre de produits, autrefois en catégorie D, en les mettant dans la catégorie « Autres substances » et pour lesquelles les dispositions de l'Annexe ne s'appliquent pas. On y trouve les huiles végétales et animales, ce qui explique que dans notre classification des pollutions, les pollutions par huiles végétales aient été placées dans la catégorie « Autres pollutions ».

Environ 2 000 produits chimiques sont, quant à eux, transportés en colis (Marchand, 2001). Ils sont répertoriés selon la réglementation internationale du transport maritime de matières dangereuses (Code IMDG, International Maritime Dangerous Goods) qui fait partie de l’annexe III de la convention MARPOL 73/78. Le code IMDG reconnaît neuf classes de substances dangereuses (cf. figure 6). Connaître le comportement d’un produit chimique en cas de déversement accidentel en mer est indispensable pour élaborer une réponse opérationnelle adaptée et déterminer les potentiels impacts environnementaux. Leur état (solide, liquide ou gazeux) et leur comportement en contact avec l’eau sont les principaux éléments à définir. On distingue quatre principaux types de réaction des substances chimiques au contact avec l’eau de mer : s’évaporer, flotter, se dissoudre ou couler (Marchand, 2001).

ƒ Les produits qui s’évaporent : leur évaporation ne prend généralement que quelques heures, voire quelques minutes. Les nuages gazeux se déplacent et se dispersent ensuite dans l’atmosphère en fonction des vents.

ƒ Les produits flottants : ils ont un comportement analogue à celui des hydrocarbures. Flottant à la surface de l’eau, ils s’étalent et se déplacent sous l’action conjointe des vents et des courants de marée.

ƒ Les produits qui se dissolvent : une fois dissous dans la masse d’eau, ils se déplacent en fonction des courants.

ƒ Les produits coulants : solides ou liquides, ils ont une densité supérieure à celle de l’eau de mer. Ils coulent et se déplacent en fonction de l’inclinaison des fonds en s’accumulant dans les dépressions. La plupart des produits dits coulants finissent, à plus ou moins long terme, par se dissoudre dans la masse d’eau.

Les travaux réalisés dans le cadre de l’Accord de Bonn ont permis l’élaboration des critères de classification du comportement à court terme des substances chimiques déversées accidentellement en mer (chapitre 25 du manuel de lutte). Les substances chimiques sont classées en douze groupes en fonction de leur état physique et de leurs caractéristiques physico- chimiques : densité, pression de vapeur et solubilité (figure 42).

DÉSIGNATION COMPORTEMENT

DE LA SUBSTANCE EXEMPLE

Produits gazeux

G Gaz Propane, chlorure de vinyle, chlore

GD Gaz qui se dissout Ammoniac

Produits qui s’évaporent

E Produit qui s’évapore Benzène, hexane

ED Produit qui s’évapore et se dissout Acétate de vinyle, acrylate d’éthyle Produits

flottants

F Produit flottant Décanol, huiles végétales

FE Produit flottant qui s’évapore Toluène, xylène FED Produit flottant qui s’évapore et se

dissout Acrylate de butyle

FD Produit flottant qui se dissout Aniline, cyclohexanol Produits

qui se dissolvent

D Produit qui se dissout Acide sulfurique

DE Produit qui se dissout et s’évapore Acétone, acrylonitrile Produits

coulants

S Produit coulant Chlorobenzène, créosote

SD Produit coulant qui se dissout Dichlorométhane, disulfure de carbone

Figure 42 : Système de classification européen

du comportement des substances chimiques déversées accidentellement en mer (source : Marchand, 2001)

Indépendamment de la nature du transport maritime des produits, en vrac ou en colis, deux types de risques peuvent être distingués : ceux touchant les personnes (équipage, personnel d'intervention, population environnante) et ceux concernant plus spécifiquement l'environnement. Certaines substances présentent un risque majeur pour les personnes (OTSOPA, 1999), comme par exemple :

ƒ les bouteilles d’une tonne chacune de chlore, gaz hautement réactif et corrosif, perdues par le Sinbad (Hollande, 1979) ;

ƒ l'acrylonitrile, produit toxique, inflammable et explosif perdu par l’Anna Broere, (Hollande, 1988), qui, en cas d'incendie, entraîne le dégagement de phosgène, gaz hautement toxique ;

ƒ l'acétate de vinyle, produit plastifiant inflammable et polymérisable, qui présente un risque d’explosion important : dans le cas de l'incident du Multi Tank Ascania (Grande- Bretagne, 1999), la zone d'explosion était évaluée à 2 km de long sur 1 km de large. Les risques pour l’environnement sont multiples, en particulier lors du déversement en mer de pesticides (près de 200 000 sachets de thiocarbonate à la dérive avec le Sherbro, France, 1993) ou de la perte d'un conteneur de 5 tonnes de lindane (Perintis, France, 1989).

Enfin, même les substances a priori non polluantes, classées dans la catégorie « Autres pollutions », peuvent présenter des risques pour l’environnement. C’est le cas notamment des huiles végétales (Allegra, France, 1997) qui peuvent entraîner des mortalités d'espèces dans l'environnement ou des perturbations du milieu. Même une substance aussi inoffensive que le blé, produit alimentaire, peut présenter des risques élevés. En France, en 1997, le Fenes, s’échoua dans les bouches de Bonifacio : si, a priori la pollution ne semblait pas hautement préjudiciable au milieu, la fermentation du blé en milieu marin, donc anoxique, conduisit au dégagement d'hydrogène sulfuré, gaz hautement toxique, ce qui nécessite le port de masque de protection pour le personnel d'intervention sur site et asphyxie durablement les fonds marins sur lesquels le blé avait été répandu.

La quantité déversée

De façon évidente, de la quantité d’hydrocarbures déversée dépendent les techniques de lutte anti-pollution à mettre en œuvre et les conséquences sur le milieu naturel. Cependant, certains hydrocarbures sont plus nocifs que d’autres pour le milieu, les fiouls bruts en particulier. À quantités égales, les dommages pourront, par conséquent, varier, mais, globalement, les contraintes de gestion sont proportionnelles à la quantité déversée. Les conséquences sont analogues pour les substances non dangereuses, telles les huiles végétales, les céréales ou autres cargaisons non polluantes transportées en vrac. En revanche, ce n’est pas du tout le cas des produits chimiques. Certains d’entre eux sont, en effet, hautement toxiques en très faible quantité, tandis que d’autres sont quasiment inoffensifs en grande quantité.

Le lieu du déversement et le littoral touché

Le lieu du déversement joue également un rôle essentiel. Dans la plupart des cas, la pollution n’est traitée qu’en cas de risque d’arrivée à la côte. Une pollution même majeure en pleine mer n’aura pas le même impact qu’une pollution à proximité immédiate d’un littoral. Par ailleurs, la gravité d’une pollution dépendra également de la vulnérabilité, et dans les faits principalement de la vulnérabilité économique, du littoral sur lequel elle survient. Ainsi une pollution sur le littoral d’un pays pauvre n’aura pas les mêmes conséquences économiques que sur les rivages d’un pays d’Europe par exemple, tandis que la vulnérabilité écologique ne sera pas une priorité dans les pays pauvres, faute de moyens.

Le type de côte touchée influera également sur la gravité de la pollution. Une côte sableuse rectiligne sera plus aisée à nettoyer qu’une côte rocheuse escarpée et sinueuse ou un marais maritime (cf. chapitre 2). La survenue d’une pollution dans un secteur refermé peut aussi présenter des avantages en diminuant le risque de dispersion hors de la zone. C’est le cas notamment des pollutions portuaires. Lorsque la pollution est circonscrite dans l’enceinte du port, il est plus aisé de mettre en œuvre les moyens adéquats. On retrouve une logique analogue dans la démarche de zones refuges. L’objectif est, en cas de déversement en mer, de réduire au maximum l’étendue du secteur touché.

La marée a aussi une incidence sur la gravité de la pollution. En effet, les courants de marée participent à la remobilisation du polluant et à son dépôt, tandis que le marnage détermine le niveau d’estran atteint par la pollution. Le marnage varie fortement le long des côtes françaises. La façade Manche - mer du Nord connaît le marnage le plus élevé : de 5 à 11 m en moyenne, avec un maximum de près de 15 m dans la baie du Mont Saint Michel (carte 26). Sur la façade Atlantique, il se situe entre 4,3 et 6,6 m (figure 43) et n’est que de l’ordre de 0,3 m en Méditerranée., avec un minimum de 0,17 m aux abords de Monaco, excepté dans les fonds de baie (Venise, Gabès, etc).

Carte 26 : Lignes cotidales et d’isomarnage dans la Manche (Source : Instructions nautiques, 2002)

Ports Marnage Saint Nazaire 6,0 m La Rochelle - La Pallice 6,6 m Cordouan 5,5 m Pointe de Grave 5,5 m Boucau 4,3 m

Saint Jean de Luz 4,9 m

Figure 43 : Marnage des principaux ports de la façade Atlantique (Source : Instructions nautiques, 2003)

La période de l’année

La période de l’année est aussi à prendre en compte. En France, les littoraux sont fortement anthropisés et soumis à la pression touristique. Une pollution survenant en novembre n’aura donc pas le même impact qu’une pollution arrivant à la côte en juin. À l’approche de la saison touristique, les contraintes et impératifs de nettoyage déterminent souvent les mesures mises en œuvre. Ce n’est pas le cas en France, mais on notera également que, dans les pays froids, une autre contrainte peut découler de la période de l’année à laquelle la pollution se produit. En effet, en Alaska par exemple, dans la baie du Prince William Sound où transitent des flux d’hydrocarbures considérables, l’englacement durant plusieurs mois dans l’année contraint d’autant les techniques de lutte envisageables (cf. paragraphe 8.4.2.).

La récurrence de la pollution

Certains territoires subissent plus que d’autres les pollutions maritimes. Le recensement des pollutions survenues au large des côtes françaises a permis de déterminer que des zones avaient connu un plus grand nombre de pollutions que d’autres, la Bretagne en particulier. Certaines pollutions se sont, en outre, produites sur le même territoire à très peu d’intervalle. Citons l’exemple de l’Amoco Cadiz et du Tanio qui atteignirent les côtes nord de la Bretagne à moins de deux ans d’intervalle. Certes, la pollution du Tanio était de moindre ampleur (6 000 T) que celle de l’Amoco Cadiz (227 000 T), mais elle eut des conséquences dommageables sur un territoire qui peinait déjà à se remettre de la pollution précédente. La succession rapprochée de pollutions sur un même littoral est, par conséquent, un facteur aggravant les conséquences d’une pollution.

Le risque de suraccident

Enfin, dans les zones à forte densité de trafic, un navire immobilisé ou ayant fait naufrage constitue un obstacle à la navigation et présente un risque de suraccident évident. L’exemple du

Tricolor est, à ce titre, tout à fait probant. En décembre 2002, suite à une collision avec le Kariba,

ce navire transportant des voitures s’échoue dans le détroit du Pas de Calais par 30 m de fond. Les opérations de découpage et de relevage du navire s’étaleront jusqu’en septembre 2004. En dépit d’un balisage important de l’épave, deux navires percutèrent le Tricolor : le caboteur néerlandais Nicola en décembre 2002, le pétrolier turc Vicky en janvier 2003.