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Les tuteurs de résilience

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 57-60)

2. Revue de littérature

2.4 La résilience en formation infirmière

2.4.4 Les tuteurs de résilience

Alors que la « vocation des enseignants est plus éducative que thérapeutique » (Tisseron, 2007), le rôle de ceux-ci et des acteurs du parcours scolaire en général comme facteur externe de résilience apparaît indispensable. Il apparaît dans les écrits que ce groupe de professionnels favorisant la résilience d’un élève en situation de vulnérabilité ou traumatisé, peut être qualifié de tuteurs de résilience.

Premièrement, Ionescu (2011) annonce clairement que dans le processus de résilience, les personnes ont « toujours » besoin de quelqu’un d’autre. D’une part, l’interaction avec l’entourage pour un individu blessé lui permet de reprendre contact

avec autrui, avec la vie et avec lui-même par ce décloisonnement des ruminations internes et cette reprise du lien (Tisseron, 2007). D’autre part, selon Cyrulnik (2012), écrire et verbaliser ses souffrances n’apportent pas toujours un soulagement. Parler de ses émotions négatives en est source dans un premier temps, mais cela peut entretenir le mal-être à force de les ruminer (Rimé, 2009 ; Cyrulnik, 2012). Les individus n’ont pas seulement besoin de partager leur malheur dans le cas du traumatisme. Il leur faut reprendre vie, reprendre un développement interrompu grâce à l’identification et à la projection de ses propres affects sur autrui. Ces deux phénomènes rendraient l’appui sur un tuteur de résilience nécessaire.

Dans la littérature, nous pouvons trouver les notions de tuteurs de développement et de tuteurs de résilience. Lighezzolo et De Tychey (2004) clarifient le sens des deux termes. Les premiers seraient plutôt envisagés pour les personnes de l’entourage familial et affectif proche. Les autres sont ceux dont ce rôle est tenu par « tous les autres modèles environnementaux que le sujet peut rencontrer lorsque les modèles parentaux sont défaillants ou insuffisants » (Lighezzolo et De Tychey, 2004). Dans tous les cas, ils prennent une fonction importante dans les mécanismes d’identification et de transfert d’affectivité lorsque ceux-ci sont défaillants chez les parents, premiers modèles et repères d’attachement et de tendresse. L’utilisation du terme tuteur de résilience est aujourd’hui majoritaire dans les écrits.

Les auteurs semblent unanimes quant à la désignation du tuteur de résilience en général. En effet, une personne ne s’autoproclame pas tuteur, mais elle est choisie inconsciemment par le sujet en processus de résilience. Ce choix s’effectue selon les nécessités de l’individu et en fonction des attributs apportés par le tuteur. Autrement dit, l’être en résilience prend ce dont il a besoin chez les autres en fonction de ce qui lui manque. Anaut (2012) situe ce dernier au niveau des liens d’attachement défaillants, inexistants ou inopérants, dans le cadre de la famille. Le sujet procède par identification et projection le tissage de « liens d’attachement alternatifs. Les liens trouvent de nombreux supports dans la périfamille » (Anaut, 2012). Mais ces tuteurs peuvent être également toute personne rencontrée qui a pu manifester soit de l’écoute, du soutien, des encouragements, des félicitations... , « soit à partir de ce que le sujet va projeter sur eux en leur attribuant une valeur de modèle identificatoire » (Anaut, 2012). Les tuteurs peuvent être alors des amis, le conjoint et même de manière plus symbolique, la culture.

Le tuteur est à ce moment-là encore plus « un tuteur qui s’ignore » lorsque celui qui est choisi par le sujet est « un sportif, un musicien, un comédien, un écrivain qui correspond à la relation qu’espère le traumatisé » (Cyrulnik, 2014). Les tuteurs peuvent aussi se

trouver dans l’institution scolaire : les professeurs, les camarades, les assistants sociaux...

(Tisseron, 2007 ; Bouteyre, 2008). De manière également symbolique à l’école, c’est celle-ci dans son ensemble qui fait office de maillage de tuteurs grâce à tous les intervenants qui la composent, par ses règles structurantes imposées à l’individu, ou dans le fait que l’élève vulnérable à l’extérieur de l’école est considéré comme un autre individu en son sein (Bouteyre, 2008).

Lecomte (2005) a constaté une récurrence d’attitudes qui reviennent chez ces tuteurs, sans que celles-ci soient une garantie non plus pour mener à la résilience « à coup sûr ». Selon Lecomte (2005), ces caractéristiques sont :

• Ils manifestent de l’empathie et de l’affection,

• Ils s’intéressent prioritairement aux côtés positifs de la personne,

• Ils laissent à l’autre la liberté de parler ou de se taire,

• Ils ne se découragent pas face aux échecs apparents,

• Ils respectent le parcours de résilience d’autrui,

• Ils facilitent l’estime de soi d’autrui,

• Ils évitent les gentilles phrases qui font mal.

L’auteur les détaille ainsi. Tout d’abord, à propos de l’empathie et l’affection, ces deux attitudes sont des « facilitateurs de résilience ». L’intérêt manifesté et la sensibilité à la souffrance de l’autre lui permettent d’entrer dans ce processus car il peut se sentir reconnu, soutenu et étayé. Concernant les côtés positifs, le tuteur de résilience, bien que conscient des « zones d’ombre » de l’autre, croit au potentiel d’autrui, l’incite à le reconnaître et lui permet ainsi de se développer. Également, les tuteurs de résilience « ne se découragent pas face aux échecs ». Lecomte explique qu’il est normal d’avoir envie que celui qu’on accompagne se développe de manière « linéaire ». Mais les insuccès faisant partie de la vie, le tuteur sait faire prendre conscience au sujet en résilience qu’il s’agit d’une « étape dans un parcours de vie », avec des obstacles plutôt que des échecs.

De plus, les tuteurs « respectent le parcours de résilience d’autrui ». Lecomte donne l’exemple de certains pour qui la religion sera d’une grande aide dans le parcours de résilience et pour d’autres ce sera la thérapie psychologique. Les tuteurs de résilience laissent la liberté au sujet de choisir. Ils n’imposent pas un cheminement ou un moyen en généralisant ce qui aurait marché chez d’autres.

Par ailleurs, ils sont des individus qui facilitent l’estime de soi. Selon Lecomte,

« deux éléments majeurs sont susceptibles de faciliter le développement de l’estime de soi : sentir qu’on a de la valeur aux yeux d’autrui, se prouver à soi-même qu’on a de la valeur ». Ainsi, les tuteurs qui encouragent et mettent en valeur les progrès facilitent la résilience. Également, nous pouvons encore comprendre cette notion de résilience dans

le cadre scolaire par la revalorisation de l’individu qu’il obtient par ses succès à l’école, notamment lorsque les objectifs sont suffisamment hauts pour être valorisant et bien accompagnés pour qu’ils ne le mettent pas en échec. Lecomte explique qu’à terme l’attitude des tuteurs permettra à l’individu de croire en ses capacités. Ainsi, les tuteurs de résilience garantissent la difficulté des paliers à grimper : « un défi trop élevé risque de conduire à l’échec et donc au découragement ; un défi trop facile risque d’être pris comme une marque de dévalorisation ».

Également, dans le cadre de l’attitude empathique des tuteurs, ceux-ci sont vigilants aux « gentilles phrases qui font mal ». Lecomte donne l’exemple de « je me mets à votre place ». En effet, sous une approche qui se veut bienveillante, l’aidant n’aide pas vraiment, car par cette phrase, il ne reconnaît pas totalement la souffrance de l’autre qu’il peut déposséder de celle-ci en la banalisant ou la généralisant. Par ailleurs, « fournir des repères » est un élément caractéristique des tuteurs de résilience. L’affection n’est pas la seule chose dont un être nécessite. Il a également besoin de se structurer avec des règles :

« le lien sans loi s’apparente à du laxisme de la part de l’adulte et risque de générer un sentiment de toute puissance chez le jeune. De l’équilibre entre les deux peut émerger la cohérence éducative et, par voie de conséquence, la résilience » (Lecomte, 2005). Dans le même ordre d’idée, le tuteur est également quelqu’un qui fournit des repères, mais sait aussi décrypter la réaction de l’autre face à cette contrainte. L’auteur entend par ici que le tuteur met des limites, encadre et peut être amené à sanctionner. Mais, il revient toujours vers le sujet pour analyser ce qu’il s’est passé et permettre par conséquent de reprendre un développement. Nous pouvons ainsi faire le lien avec le processus de mentalisation indispensable dans la résilience.

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 57-60)