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La résilience

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2. Revue de littérature

2.2 La résilience

2.2.1 Définition et évolution du concept

L'origine du mot est un dérivé du latin. Il se retrouve pour la première fois dans la langue anglaise autour de 1926 dans Sylva Sylvarum ou histoire naturelle de Bacon, pour désigner la manière dont l’écho « rebondit » (Ionescu, 2012). Nous voyons ici le premier sens de la résilience qui est « rebondir », « se ressaisir » ou « se redresser ». Son application se retrouve dans différents contextes. Mais déjà dès 1668, le philosophe More l'utilise dans le champ de la psychologie. Il parle de résilience face « à la misère et au péché ». En 1830, l’Oxford English Dictionary cite des exemples pour évoquer ce terme dans le sens de « se lever à nouveau facilement après avoir été déprimé » et, donc, devenir

« joyeux, enjoué, exubérant ». En 1857, un médecin explique la résilience des Japonais confrontés à la « calamité » des tremblements de terre dans un ouvrage The American in Japan.

En physique, Tredgold (1814) dans son livre intitulé Traité pratique sur la solidité de la fonte et d’autres métaux, use du terme de résilience et non de résistance en référence à un certain Dr Young qui utilisait ce terme. Il le faisait pour parler de l’élasticité et de la résistance des matériaux. Aujourd’hui encore, dans le champ de la physique, la résilience fait référence à l’énergie cinétique absorbée pour résister au choc et reprendre son aspect initial. Le parallèle avec l’usage actuel en psychologie est limpide. De manière métaphorique, l'esprit est le métal. L'événement traumatique est le choc. Le sujet résilient verra son psychisme reprendre forme après avoir été agressé psychologiquement. Il saura rebondir, se ressaisir, se redresser, faire preuve d’élasticité telle que le métal le fera après avoir été choqué.

Ionescu (2012) note la première apparition du terme en 1942 dans un écrit de Scoville dans l’American Journal of Psychiatry. Ce texte est consacré à l'activité des travailleurs sociaux psychiatriques en Grande-Bretagne, pendant la Seconde Guerre mondiale. Scoville souligne « l’étonnante résilience des enfants confrontés à des situations dangereuses pour leur vie » tout en citant un article de la même année de

Burlingham et A. Freud qui « notaient que 138 jeunes ayant vécu des bombardements répétés et très destructeurs ne présentaient pas de signes observables de “choc traumatique” ».

Le CNRS, dans le Trésor de la langue française, parle de la résilience qui apparaît sous le terme résélience en 1906, puis résilience en janvier 1911. L’adjectif résilient se trouve dans le Larousse en 1932. Tisseron (2007) ajoute que le français a accepté avec plus de retard son sens actuel, car sa racine latine était plus proche de résiliation qui signifie la libération d’un contrat. À l'origine de « résiliation » et de « résilience », il y a le mot latin resilire, fabriqué à partir du verbe salire, qui veut dire « sauter », et du préfixe

« re » qui indique un mouvement vers l'arrière. Toutefois, l’évolution anglaise du terme, a emprunté le participe présent du latin resilire, resiliens, et de ce fait a retenu le sens de rebond après le saut. C’est ce sens qui a donné le paradigme du rebond après le choc dans la résilience telle qu’elle est entendue aujourd’hui. Après des difficultés à traduire la résilience de resilience en anglais, la définition actuelle a accepté les deux dimensions apportées par l’histoire étymologique du mot : la capacité à absorber un choc et celle de pouvoir rebondir et se reconstruire après celui-ci.

Au fil des recherches, nombreux sont les auteurs à avoir donné un sens au terme de résilience. L'origine de la résilience est rapportée à la physique et l'énergie cinétique absorbée par un métal. Exprimée en joules par centimètre carré, la résilience a pour signification la résistance au choc (Lighezzolo, De Tychey, 2004). Transposé à la psychologie, le terme veut dire la capacité de l’esprit à absorber les chocs de la vie. Plus que résister aux épreuves, la résilience dont fait preuve l’individu met en évidence la compétence de son psychisme à reprendre forme après avoir été vulnérabilisé. Cyrulnik (2012) explique qu’elle est « un processus biologique, psychoaffectif, social et culturel ».

Selon Bessoles (2001), ce processus est inconscient et est imagé par l’homéostasie du corps permettant instinctivement à l’homme de vivre sans avoir à penser à respirer, faire battre son cœur... Pour De Tychey (2001), le sujet effectue tout le même un travail intrapsychique à la fois conscient et inconscient notamment au moyen de mécanismes de défense. Il s’inscrit en même temps dans un processus de mentalisation, c’est-à-dire il relie les ressentis dus aux contextes et événements délétères avec ces événements, et en les partageant avec d’autres, en les verbalisant afin de communiquer sur ceux-ci.

La résilience appliquée au domaine de la psychologie est un processus dynamique, à la fois mental, biologique, social et culturel, qui se met en place après des événements délétères de la vie. Ces derniers peuvent être traumatiques ou résultants de l’accumulation de facteurs de vulnérabilisation. Le psychisme de la personne résiliente va être pressé par

le contexte ou la situation traumatogène à l’image des matériaux dans le champ de la physique, et le trauma pourra éventuellement s’installer dans le Moi du sujet. Mais, cet esprit va pouvoir se ressaisir et reprendre forme afin de pouvoir se développer à nouveau avec des conséquences limitées voir avec une force renouvelée. L’individu acquière des capacités de résilience au moyen de facteurs protection et devient plus solide en ayant surmonté l’expérience traumatogène (Anaut, 2015b). Ces facteurs peuvent être individuels ou environnementaux avec ceux reliés à la famille et d’autres extra-familiaux.

2.2.2 Les facteurs de protection individuels

Les facteurs de protection sont à la fois présents pour préserver l’individu des agressions extérieures, mais aussi pour favoriser l’entrée dans un processus de résilience.

Ils ne sont pas à envisager comme une liste permettant de déterminer un profil type de personnes résilientes. Ils sont plutôt à considérer comme des « caractéristiques qui sont susceptibles de favoriser un processus de résilience » (Anaut, 2015b). Les facteurs de protection individuels sont composés des différents traits de caractère recensés chez le sujet résilient. Ceux-ci déterminent l’entrée dans le processus et forment les compétences pour l’activer. Ces facteurs seraient intéressants à déterminer pour pouvoir l’accompagner (Ionescu, 2011 ; Anaut, 2015b). Avant d’énoncer les différents traits de caractère permettant d’identifier le sujet résilient, il est nécessaire de préciser ce que cet individu n’est pas.

D’abord, cet individu n’est pas un être invincible ou invulnérable. Comme le métaphorise Anaut (2015 b), il s’agit plus d’un Batman que d’un Superman. Il n’est pas un surhomme doté de super pouvoirs. Mais il est une personne capable de s’adapter aux situations et de développer des forces face à l’adversité. Bien qu’il éprouve des émotions et qu’il puisse être blessé, il se relève et surmonte les difficultés. Par conséquent, la personne résiliente n’est pas un être qui ne souffre pas. Il peut rencontrer des limites à son processus. Dans le même ordre d’idée, il ne l’est pas en permanence. « Rien n’indique que le sujet qui se montre résilient à un moment donné de son parcours de vie le sera tout le temps et face à tout » (Anaut, 2015b).

Les traits de caractère reconnaissables pour identifier un individu capable de résilience ont émergé années après années. Hamelin et Jourdan-Ionescu (2011) ont synthétisé ces traits de caractère qui ont été identifiés au fil des recherches. Nous pouvons

déterminer la liste non exhaustive suivante. Le sujet de capable de résilience serait quelqu’un qui a la capacité d’être heureux, a la capacité d’engagement dans un travail productif, a un sentiment de sécurité émotionnelle ainsi que des capacités à développer et d’entretenir des relations satisfaisantes. Par ailleurs, l’individu résilient est quelqu’un qui a connu des réussites, des succès. Il possède un sens de l’humour et sait s’adapter aux changements, ou encore il est capable de faire preuve d’optimisme et d’espoir.

Anaut (2015 b), en référence aux travaux de Cyrulnik (1998), propose une synthèse de ce que certains auteurs évoquent comme des compétences de l’individu résilient :

« avoir un Q.I. élevé, être capable d’être autonome et efficace dans ses rapports à l’environnement, avoir le sentiment de sa propre valeur, avoir de bonnes capacités d’adaptation relationnelles et d’empathie, être capable d’anticiper et de planifier, avoir le sens de l’humour ». Le terme de « compétence » semble assez adapté, car comme le précise Cyrulnik, la résilience ne se résume pas à un ensemble de traits de caractère.

L’individu mobilise ses facteurs de protection personnels et les facteurs environnementaux afin de « tisser sa résilience » (Anaut, 2015b).

2.2.3 Les facteurs de protection environnementaux

Les facteurs de protection familiaux sont très importants pour la résilience d’un individu. Selon la synthèse d’Anaut (2015b), ils sont représentés par : « des parents chaleureux » et soutenants ; « de bonnes relations parents/enfants » ; « une adéquation relationnelle/éducative » ; « une harmonie parentale (entente) ». Ils renvoient à la notion d’attachement. En effet, une relation d’attachement sécurisante permet « de fonder à la fois la qualité de la mentalisation et, partant de là, la résilience future de l’individu. » (Anaut, 2002). Lighezzolo, De Tychey (2004) ont synthétisé les différents styles d’attachement : l’attachement « sécure autonome » ; l’attachement insécurisé-évitant (« insecure ») ; l’attachement insécurisé ambivalent ; l’attachement insécurisé-désorganisé. L’attachement sécure a permis à un individu d’explorer son environnement autonome, d’être capable de l’affronter sans trop être déstabilisé par celui-ci, et est heureux de retourner vers ses parents. L’attachement insécurisé-évitant (« insecure ») s’est instauré entre un enfant et un parent « qui est dans l’incapacité de tenir compte de son état émotionnel. L’enfant est alors dans l’impossibilité de partager ses ressentis, ce qui va le pousser à ne plus en tenir compte en optant de manière défensive pour un déni de ses affects » (Lighezzolo, De Tychey, 2004). Dans le cadre de l’attachement insécurisé

ambivalent, l’enfant s’est structuré dans le cas de « conflits parentaux non résolus conduisant l’adulte à investir l’enfant pour combler un manque affectif » (Lighezzolo, De Tychey, 2004). L’enfant est tantôt ignoré, tantôt surinvesti affectivement. Enfin, concernant celui qui est insécurisé-désorganisé, l’enfant construirait le plus souvent à la suite de traumatismes non résolus des parents comme des deuils ou carences graves et développe ainsi des peurs inexpliquées. C’est l’attachement sécure qui est corrélé au tempérament résilient et qui favorise le processus de mentalisation et de résilience.

Néanmoins, les auteurs précise qu’un attachement défaillant dans la prime enfance ne détermine pas pour une vie entière les capacités ou non d’un individu à entrer en résilience.

En effet, la qualité de l’attachement évolue tout au long de l’existence. Cyrulnik (1998) précise que même si le sujet garde des séquelles de son premier style d’attachement, celui-ci peut changer dans la vie de l’individu. La reconstruction d’un lien avec l’entourage est essentielle et constitue un facteur de protection important et favorisant le processus de résilience.

Les facteurs qui se situent au niveau extrafamilial sont aussi cruciaux. Il s’agit du

« réseau de soutien social (pairs, communauté d’appartenance idéologique, religieuse, spirituelle, etc.) » (Anaut, 2015b) et du conjoint ou thérapeute (Cyrulnik, 2012). Ce sont également des « expériences de succès scolaires [ou d’autres réussites extrascolaires] » (Anaut, 2015b). Les individus identifiés comme résilients soulignent « l’importance des liens relationnels ou affectifs qu’ils ont noués avec des personnes qui ont contribué à les soutenir pendant des périodes difficiles » (Anaut, 2015b). Appelés au départ tuteurs de développement, ils sont nommés aujourd’hui tuteurs de résilience (Cyrulnik, 2012).

2.2.4 Mécanismes de défense et résilience

Lors du processus de résilience, nous retrouvons l’utilisation des mécanismes de défense. Ceux-ci sont « des processus psychologiques automatiques qui protègent l’individu de l’anxiété ou de la perception des dangers ou de facteurs de stress internes ou externes » (Ionescu, Jacquet, Lhote, 2012). Ils servent donc à préserver le Moi de l’angoisse.

Dans la première phase de la résilience, le sujet doit se protéger de l’adversité ou du trauma. La variété, la nature et la souplesse des mécanismes de défense doivent être là pour faire face au « déplaisir » et aux « représentations » ces contextes délétères pour le

sujet (Lighezzolo, De Tychey, 2004). Dans la deuxième phase, ces mécanismes ont un rôle dans le processus de mentalisation c’est-à-dire, en psychanalyse, lors du « travail de la pensée sur elle-même pour traduire les excitations en représentations partageables ce qui implique une opération de symbolisation » (Lighezzolo, De Tychey, 2004).

Les auteurs retiennent certains mécanismes comme jouant un rôle plus important que d’autres. Leur fonction sera différente dans le processus de résilience suivant leur usage souple ou rigide. Cela dépendra de leur nature : « immature » (projection, fuite dans l’agir...) ; « adaptatifs dans des situations légitimes de défense » (clivage, déni...) ou

« constructifs matures dont le sujet peut tirer des bénéfices pendant toute sa vie » (sublimation) (Lighezzolo, De Tychey, 2004).

Par exemple, l’imagination et notamment le refuge dans la rêverie semble avoir une fonction indispensable dans l’équilibre psychique. Ils aident l’individu confronté aux images terribles du trauma à faire partir son esprit vers des pensées plus agréables. De même, le clivage consiste à « séparer les représentations entre elles ou les affects des représentations, afin de mettre à l’écart les plus insupportables » (Lighezzolo, De Tychey, 2004). Il s’agit d’une défense immédiate qui peut entraver le développement de la personnalité à plus long terme. L’utilisation du déni comporte les mêmes enjeux : son rôle est seulement protecteur dans l’immédiat et « contrairement à son usage dans les fonctionnements psychotiques, il porte davantage sur la signification affective de la réalité insupportable que la réalité en elle-même chez le sujet résilient ». (Lighezzolo, De Tychey, 2004). Son usage à plus long terme marquerait les signes d’un processus psychopathologique. Dans un autre ordre d’idée, selon ces mêmes auteurs,

« l’intellectualisation […] constitue un moyen de se protéger de l’intensité des affects de déplaisir en les évacuant pour privilégier le monde des idées et de la rationalisation logique ». En outre, l’altruisme favorise le déplacement des ressentis en s’investissant dans l’aide à autrui (Anaut, 2005). Enfin, l’humour est un mécanisme majeur dans le processus de résilience (Anaut, 2014). C’est une « défense permettant une sublimation des pulsions agressives, c’est-à-dire une élaboration de ces dernières et des excitations qu’elles génèrent par un canal d’expression socialement valorisé » (Lighezzolo, De Tychey, 2004).

Ces mécanismes de défense sont des facteurs de protection du Moi. S’il les mobilise de manière souple et variée, l’individu n’est pas malade parce qu’il les utilise.

L’usage de défenses moins matures (clivage, déni, fuite…) doit faire place à plus long terme à des défenses favorisant la mentalisation. En effet, selon Lighezzolo et De Tychey

(2004), dans le cadre du processus, il y a rupture de résilience si l’emploi de ces mécanismes ne permet pas de gérer les excitations causées par le trauma, quand il y a passage à l’acte agressif notamment. Son processus est aussi suspendu lorsque l’individu ne peut pas partager les affects liés au trauma en utilisant des mécanismes de défense favorisant la sublimation comme l’écriture (Anaut, 2002), l’humour (Anaut, 2014) ou l’affiliation.

2.3 La vulnérabilité en formation infirmière

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