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Trudeau exige un examen approfondi de la politique concernant les affaires indiennes

Cet examen se solde par la publication, en juin 1969, du Livre blanc sur la politique indienne du gouvernement du Canada

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. Dans ce livre blanc, le gouvernement f´ed´eral propose d’abroger la Loi sur les Indiens et de pren-dre des mesures l´egislatives pour que les Indiens prennent en main leurs terres et soient investis `a cet ´egard du droit de propri´et´e, de liquider le minist`ere des Affaires indiennes, d’engager des cr´edits pour favoriser le d´eve-loppement ´economique des Indiens, de s’acquitter de ses «obligations l´egales» `a l’´egard des revendications et des trait´es, et de c´eder aux provinces la gestion de programmes comme ceux de l’´education, de la sant´e et de la s´ecurit´e sociale. Le Canada invite «les Indiens, les provinces et tous les Cana-diens» `a l’aider dans cette tentative de se d´emarquer de «(ces) traditions d’autorit´e des administrations coloniales de jadis» et de poursuivre plut ˆot une politique d’int´egration et «du droit des Indiens de participer compl`ete-ment et ´egalecompl`ete-ment `a la vie culturelle, sociale, ´economique et politique du Canada». Toutefois, les Indiens r´eagissent imm´ediatement, d’un seul choeur, et de fa¸con tr`es n´egative

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, et, en mars 1971, le Livre blanc est rel´egu´e aux oubliettes.

Le Livre blanc entraˆıne, en d´ecembre 1969, la nomination de Lloyd Bar-ber `a titre de commissaire aux revendications des Indiens. D`es le d´ebut, toutefois, Barber est gˆen´e par un mandat le limitant `a envisager des m´ecanis-mes devant permettre de r´egler les griefs et les revendications, et `a faire rapport sur ces m´ecanismes. Il n’a, en effet, aucun pouvoir pour r´egler ces griefs et revendications. De mˆeme, il est souvent la cible des critiques et de l’opposition des Indiens croyant que la Commission a ´et´e cr´e´ee pour tenter de leur imposer la politique ´enonc´ee dans le Livre blanc. La Commission est dissoute en mars 1977, «les moyens offerts pour r´egler les revendications demeurant essentiellement inchang´es»

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. La Commission des droits des Indiens du Canada, qui est cr´e´ee en 1976 pour faciliter le processus bilat´eral de r`eglement des revendications pr´esent´ees au gouvernement f´ed´eral par les Indiens, est dissoute en janvier 1979 quand l’Association des premi`eres nations se retire.

125MAINC, La politique indienne du gouvernement du Canada, 1969 [Le Livre blanc] (Ottawa : Imprimeur de la Reine, 1969) [ci-apr`es appel´e Livre blanc].

126Chefs indiens d’Alberta, Citizens Plus [Le livre rouge ] (1970; repr. Edmonton, 1995).

127Richard C. Daniel, A History of Native Claims Processes in Canada, 1867-1979, r´edig´e pour le MAINC, Direction g´en´erale de la recherche (Ottawa : MAINC, f´evrier 1980), p. 228.

Dans l’intervalle, les d´emarches pour r´egler les revendications territoriales des Autochtones se poursuivent. Au d´ebut des ann´ees 70, le gouvernement f´ed´eral commence `a allouer des fonds aux organisations autochtones provin-ciales, territoriales et r´egionales ainsi qu’aux bandes indiennes pour leur permettre de faire des recherches et de documenter leurs revendications. Il continue, d’ailleurs, d’octroyer ces cr´edits. En juillet 1974, le Bureau des revendications autochtones est cr´e´e au minist`ere des Affaires indiennes et du Nord canadien (MAINC) pour r´egler le nombre croissant de revendications particuli`eres et globales. Travaillant en ´etroite collaboration avec le minist`ere de la Justice, il a pour fonction premi`ere «d’effectuer des recherches de base, de repr´esenter le gouvernement dans le cadre des n´egociations annon-c´ees avec les groupes autochtones concernant le r`eglement de leurs cations, et de formuler des politiques relatives `a la pr´esentation des revendi-cations et `a la conduite des n´egociations»

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.

Le Bureau des revendications autochtones ne connaˆıt qu’un succ`es mitig´e pour ce qui est du r`eglement des revendications particuli`eres. En 1981, seu-lement 12 sur plus de 70 revendications particuli`eres accept´ees pour n´ego-ciations ont ´et´e r´egl´ees. Quatre-vingts autres demandeurs attendent toujours de savoir si leur revendication sera accept´ee ou non. `A la suite d’un examen de la politique et de ses applications par le Minist`ere en 1981, plusieurs changements sont apport´es. On cr´ee, entre autres, une direction g´en´erale distincte charg´ee de s’occuper uniquement des revendications particuli`eres.

N´eanmoins, `a la fin de la d´ecennie, seulement trois ou quatre r`eglements par ann´ee ont pu ˆetre n´egoci´es — soit un nombre inf´erieur `a celui des revendi-cations pr´esent´ees, avec pour r´esultat que l’arri´er´e de revendirevendi-cations particu-li`eres non r´egl´ees continue de croˆıtre

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. En avril 1991, apr`es avoir consult´e les chefs indiens sur la fa¸con d’am´eliorer le processus, le Premier ministre annonce une nouvelle initiative du gouvernement «afin de r´egler les revendi-cations plus rapidement, efficacement et ´equitablement». Elle comporte, entre autres, des ressources accrues, des r´eajustements de la politique admi-nistrative (par exemple, un processus «acc´el´er´e» pour r´egler les revendica-tions moins importantes), l’inclusion des revendicarevendica-tions ant´erieures `a la Conf´ed´eration, la cr´eation d’une commission des revendications particuli`eres des Indiens qui sera charg´ee d’examiner les revendications rejet´ees et, enfin, l’´etablissement d’un groupe de travail mixte des Premi`eres Nations et du

gou-128Ibid., p. 228.

129MAINC, Politique du gouvernement f´ed´eral en vue du r`eglement des revendications autochtones (Ottawa : MAINC, mars 1993), 20.

vernement sur la politique des revendications particuli`eres et ses applica-tions, lequel groupe aura pour mandat «d’examiner tous les crit`eres actuels d’acceptation et d’indemnisation sur lesquels se fonde la politique des reven-dications particuli`eres, ainsi que de formuler des recommandations»

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. Obligation l´egale

Dans le Livre blanc de 1969, le Canada d´eclare, d’entr´ee de jeu, qu’il faut

«(. . .) que l’on reconnaisse les droits l´egitimes des Indiens», et que telle doit ˆetre la politique publique devant s’appliquer aux revendications et aux trait´es. Aucune d´efinition n’est donn´ee, mais le gouvernement laisse enten-dre, entre autres choses, que «les termes et les effets des trait´es entre les Indiens et le gouvernement sont le plus souvent mal compris. Il suffit d’en prendre connaissance pour constater qu’ils ne comportent gu`ere qu’un mini-mum de promesses, promesses g´en´eralement tr`es restreintes (. . .)»

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. Tou-tefois, on ne donne aucun autre ´eclaircissement sur cette politique.

En janvier 1972, le MAINC demande au minist`ere de la Justice de se pro-noncer sur «l’interpr´etation des trait´es et des ententes f´ed´erales-provinciales pertinentes en ce qui a trait `a la date de recensement sur laquelle fonder les droits fonciers (. . .) il n’existe aucun pr´ec´edent judiciaire qui puisse nous aider `a d´eterminer la position du gouvernement f´ed´eral. Comme toute d´eci-sion du Cabinet risque d’ˆetre contest´ee devant les tribunaux (. . .), elle doit reposer sur des principes l´egaux reconnus (. . .)»

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. Le gouvernement ne devait jamais rendre publique la r´eponse du minist`ere de la Justice, en admettant que celui-ci ait seulement donn´e suite `a cette demande, mais en mars de l’ann´ee suivante, le ministre des Affaires indiennes et d’autres repr´e-sentants de son minist`ere laissent clairement savoir `a la bande indienne d’Island Lake, au Manitoba, que l’«obligation l´egale» du Canada consiste `a fournir des terres de r´eserve selon la population d´enombr´ee `a la date du premier arpentage (bien que dans ce cas pr´ecis, le Canada ait ´et´e prˆet `a d´eborder cette obligation et `a demander des terres additionnelles `a la province) :

Le 15 mars 1973, J.G. McGilp (qui, `a l’´epoque, semble avoir travaill´e `a titre de repr´esentant sp´ecial du MAINC) ´ecrit ce qui suit aux chefs d’Island Lake :

130Ibid., 22-23.

131Livre blanc, p. 12.

132H.T. Vergette `a R.M. Connelly, 12 janvier 1972, dans Tyler and McCardle, Multiple Surveys Report (rapport sur les arpentages multiples), doc. 116.

[Traduction]

Vous trouverez ci-joint un ´enonc´e de la position du gouvernement concernant votre demande de respecter les droits fonciers qui vous ont ´et´e conf´er´es par trait´e (. . .) Le gouvernement est prˆet `a s’acquitter de son obligation l´egale. Il lui serait tr`es possible de soutenir que cette obligation l´egale consiste `a fournir 2 939 acres [les terres non r´eclam´ees `a la date du premier arpentage]. Il reconnaˆıt, toutefois, que pendant de nombreuses ann´ees les bandes d’Island Lake n’ont pas joui des terres en question. Le gouvernement est donc prˆet, si les bandes y consentent, `a proposer une formule `a la province133.

Plus tard le mˆeme mois, le Ministre ´ecrit aux chefs sur la question suivante :

[Traduction]

En 1924, quand cette terre a ´et´e choisie, la bande d’Island Lake comptait 649 per-sonnes selon la liste des b´en´eficiaires du trait´e. Par cons´equent, selon l’obligation

´enonc´ee dans le trait´e no 5, il convenait de cr´eer des r´eserves ne d´epassant pas 20 768 acres. Deux r´eserves ont ´et´e r´eclam´ees par la bande d’Island Lake en 1924, puis arpent´ees en 1925. Comme elles couvre 17 829 acres, ce qui nous laisse une portion de 2 939 acres.

Pour se conformer aux dispositions du trait´e, le gouvernement doit encore mettre de c ˆot´e 2 939 acres de terres de r´eserve. Je suis prˆet `a le faire ainsi qu’`a effectuer les d´emarches n´ecessaires aupr`es du gouvernement du Manitoba (. . .).

Plus encore, je suis dispos´e `a demander `a la province que, comme la terre r´ecla-m´ee en 1925 repr´esente 85,9 p. 100 de la superficie exigible, les 14,1 p. 100 qui restent soient calcul´es selon la population de vos bandes au 31 d´ecembre 1972. Cela signifie que 14 000 acres seront ajout´es aux r´eserves.

Un r`eglement conclu aux conditions ´enonc´ees ci-dessus n’empˆechera pas vos bandes de faire des propositions fond´ees plut ˆot sur des crit`eres d’ordre social, ´eco-nomique ou autres. Je crois, toutefois, que les droits fonciers conf´er´es par trait´e `a vos bandes doivent ˆetre r´egl´es en premier lieu maintenant (. . .)134.

Six mois plus tard, le ministre des Affaires indiennes r´eit`ere publiquement