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Les n´egociations de 1873 constituent la troisi`eme tentative de traiter avec les Indiens du lac des Bois, et les n´egociateurs reconnaissent qu’il est

n´eces-saire d’offrir des conditions plus g´en´ereuses que par le pass´e. Rien n’indique dans les documents existants si l’on en ´etait venu au cours des n´egociations pr´ec´edentes `a discuter d’offres pr´ecises du gouvernement au sujet de la mise de c ˆot´e de certaines terres; nous ne savons pas tr`es bien non plus comment on en est arriv´e `a la formule de 1873. Le nouveau lieutenant-gouverneur du Canada, Alexander Morris, sera nomm´e pour n´egocier le trait´e, mais, bien qu’il entretienne une abondante correspondance au sujet des cadeaux et des annuit´es `a offrir, deux semaines avant de revenir de Fort Garry, il n’aura toujours pas re¸cu d’instructions au sujet des r´eserves

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. William Spragge, le sous-surintendant g´en´eral des Affaires indiennes, note dans son registre de mai 1873 que les r´eserves auront la mˆeme superficie que ce qu’indiquent les Trait´es n

os

1 et 2, mais les instructions que Morris recevra par t´el´egramme du ministre de l’Int´erieur, le 20 septembre 1873, l’autorisent `a accorder des r´eserves d’au plus un mille carr´e par famille de cinq, ou dans la mˆeme proportion pour les autres

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. On ne sait ni pourquoi ni comment ce nouveau calcul a ´et´e d´ecid´e.

Le 2 octobre, apr`es que les commissaires ont pr´esent´e les conditions du projet de trait´e, Morris rapporte ce qui suit : [traduction] «Les commissaires se sont concert´es et ont convenu, apr`es avoir constat´e qu’ils ne pouvaient esp´erer conclure `a moindre prix, d’offrir cinq dollars par tˆete, un pr´esent de dix dollars et des r´eserves pour la culture ainsi que des terres qui serviront `a d’autres fins, mais qui ne feront pas plus d’un mille carr´e par famille de cinq ou dans la mˆeme proportion pour les autres; ces sommes sont conformes aux instructions re¸cues

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.» On peut trouver dans les documents de Morris des notes dat´ees du 3 octobre 1873 et intitul´ees Surveying of Reserves, indi-quant ce dont les commissaires pourraient avoir discut´e en ce qui a trait aux r´eserves :

[Traduction]

D’ici un an, les r´eserves seront arpent´ees et clairement d´elimit´ees, et la portion culti-vable de ces terres sera divis´ee en lots de 160 acres. Ensuite, chaque famille qui ne sera pas encore install´ee aura le droit de choisir son lot. En cas de conflit, la d´ecision

33 T´el´egramme de A. Morris au ministre de l’Int´erieur, [?] septembre 1873 : «Je suppose que des r´eserves seront accord´ees aux Indiens, mais je n’ai re¸cu aucune instruction (. . .)». Archives publiques du Manitoba (APM), MG 12, B1, no 439, in Wayne Daugherty, Rapport de recherche sur les trait´es: Trait´e trois (Ottawa, MAINC, 1986), 28.

34 AN, RG 10, vol. 724, le 31 mai 1873; APM, MG 12, B1, no 490, Campbell `a Morris, le 20 septembre 1873.

35 Morris au ministre de l’Int´erieur, le 14 octobre 1873, (Documents de la CRI, Washagamis, p. 70 `a 103).

sera rendue par le commissaire ou par toute personne nomm´ee par lui, selon le principe voulant que le premier occupant ait priorit´e. Le lot appartiendra `a la famille

`a laquelle il aura ´et´e attribu´e36.

Ce passage ne fait pas partie du trait´e proprement dit, ni des rapports pr´e-sent´es `a l’administration centrale au sujet des d´elib´erations. Morris indique plut ˆot qu’il n’a pas ´et´e en mesure de d´efinir pr´ecis´ement les limites des r´eserves au moment de la conclusion du trait´e, et il recommande vivement que l’arpentage soit effectu´e le plus t ˆot possible :

[Traduction]

Je dois ajouter qu’il a ´et´e impossible de d´eterminer les r´eserves `a octroyer aux Indiens, en raison de l’´etendue de la contr´ee vis´ee et du peu d’information dont nous disposons sur la situation de chaque bande. Il a donc ´et´e convenu que les r´eserves seront choisies par les agents du gouvernement, qui consulteront plusieurs bandes et qui tiendront compte comme il se doit des terres qui sont d´ej`a cultiv´ees par elles (. . .) Je me permets de recommander qu’instruction soit donn´ee `a M. Dawson de choisir les r´eserves le plus rapidement possible et que, pour pr´evenir toute complica-tion, aucun brevet ni aucun permis d’exploitation mini`ere ou foresti`ere ne soit accord´e `a l’´egard de ces terres jusqu’`a ce que la question des r´eserves soit r´egl´ee37.

En juillet 1874, Simon Dawson et Robert Pither sont charg´es par d´ecret de choisir les terres de r´eserve apr`es consultation des Indiens int´eress´es.

Le Trait´e n

o

4 (1874)

Le lieutenant-gouverneur Morris presse le gouvernement de poursuivre le processus de conclusion des trait´es vers l’Ouest. Dans le territoire de Qu’Appelle et de Fort Ellice, vis´e par le Trait´e n

o

4, les facteurs d´eterminants ne sont pas l’avance de la colonisation, ni le d´eveloppement des ressources naturelles, ni les itin´eraires de transport, mais bien les pr´eoccupations de Morris quant `a l’agitation des M´etis et `a leur influence sur les Indiens de la r´egion. En fait, ces derniers s’inqui`etent beaucoup des activit´es d’arpentage en cours, particuli`erement en ce qui a trait aux terres de la Compagnie de la Baie d’Hudson qui leur ont ´et´e promises lors du transfert de la Terre de Rupert au Canada. Une abondante correspondance pr´ec`ede les n´egociations concernant la superficie du territoire qui sera vis´e par le trait´e et la

nomina-36 APM, Documents Morris, le 3 octobre 1873, article 510, cit´e in John Taylor, Manitoba Treaty Land Disparity Research Report, r´edig´e pour le compte du Treaty Land Entitlement Committee of Manitoba Inc. et du ministre des Affaires indiennes, Ottawa, ao ˆut 1994, p. 33.

37 Morris, Treaties, p. 52.

tion des n´egociateurs gouvernementaux, mais rien n’indique que Morris a re¸cu d’Ottawa des instructions d´etaill´ees concernant les termes mˆemes du trait´e. Toutefois, ´etant donn´e que le ministre de l’Int´erieur, David Laird, fait partie de la commission charg´ee des n´egociations, on peut supposer que pareilles instructions n’´etaient pas n´ecessaires dans le cas qui nous occupe.

D’apr`es les documents consult´es, il semble qu’il y ait eu tr`es peu de dis-cussions relativement aux modalit´es du trait´e. Pr´eoccup´es par la question des terres de la Compagnie de la Baie d’Hudson, les Indiens tentent `a maintes reprises d’amener les commissaires `a aborder le sujet. Ce n’est que dans l’apr`es-midi du 12 septembre que le gouvernement est en mesure de pr´esen-ter son offre :

[Traduction]

(. . .) les commissaires ont pr´esent´e les conditions du trait´e propos´e, lesquelles sont semblables `a celles ´etablies dans le cas de l’Angle Nord-Ouest, `a l’exception du pr´e-sent en argent qui s’´el`eve `a huit dollars par tˆete plut ˆot qu’`a douze38.

Dans tout le dossier, il ressort clairement que les repr´esentants du gouverne-ment sont d’avis que la colonisation n’est pas appel´ee `a progresser rapide-ment dans cette r´egion et que, par cons´equent, les r´eserves ne constituent pas un besoin urgent : [traduction] «Nous avons voyag´e dans ce pays pen-dant plusieurs jours et nous y avons vu des collines, mais peu d’arbres et, en maints endroits, peu d’eau, et il pourrait s’´ecouler beaucoup de temps avant que des colons blancs viennent en grand nombre s’y ´etablir

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.» Toutes les fois qu’il est question d’arpenter des r´eserves, aucune date pr´ecise n’est fix´ee, si ce n’est que cela doit se faire au cours des deux prochaines d´ecennies :

[Traduction]

Nous sommes dispos´es `a promettre de verser 1 000 dollars par an, pendant vingt ans pour vous permettre d’acheter de la poudre, du plomb et de la ficelle, et j’esp`ere que d’ici l`a vous aurez vos petites fermes. Si vous d´ecidez de vous ´etablir, nous mettrons des terres de c ˆot´e pour vous, soit un mille carr´e pour chaque famille de cinq (. . .) Lorsque vous serez prˆets `a planter, les hommes de la Reine r´eserveront des terres d’une dimension d’un mille carr´e pour chaque famille de cinq (. . .)

38 Ibid., p. 81.

39 Ibid., p. 96.

Si la Reine lui [la Compagnie de la Baie d’Hudson] c`ede des terres qu’elle conti-nuera de r´egir, ce qu’elle a parfaitement le droit de faire, elle a tout autant le droit d’en r´eserver pour vous si vous acceptez de vous y ´etablir40.

Comme pour les pr´ec´edents trait´es, les commissaires savent que les Indiens en cause n’assistent pas tous aux n´egociations. L’´evaluation faite dans ce cas pr´ecis par les commissaires est si ´eloign´ee de la r´ealit´e que les fonc-tionnaires qui viendront l’ann´ee suivante verser les annuit´es devront cˆabler deux fois `a Ottawa pour obtenir les sommes suppl´ementaires dont ils auront besoin pour payer les nombreux Indiens qu’ils rencontreront

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.

Le Trait´e n

o

5 (1875)

La partie sud de la r´egion vis´ee par le Trait´e n

o

5 fera l’objet de n´egociations en 1875-1876, et le lieutenant-gouverneur Morris et James McKay y seront d´epˆech´es par le gouvernement. Il n’existe malheureusement aucun compte rendu ni aucune note du secr´etaire sur ce qui s’est dit au cours des ren-contres, et pourtant, le Trait´e n

o

5 pr´esente des caract´eristiques uniques qui ont leur importance dans une discussion de port´ee g´en´erale sur les terres de r´eserve auxquelles les signataires avaient droit. Le rapport du lieutenant-gou-verneur Morris sur la n´egociation du trait´e ne donne pas toujours les rensei-gnements qui permettraient d’expliquer pourquoi les choses se sont pro-duites ainsi.

Tout d’abord, Morris re¸coit de David Laird, le ministre de l’Int´erieur, ins-truction d’offrir seulement 160 acres par famille de cinq. Rien n’explique directement pourquoi on ne poursuit pas la g´en´ereuse r´epartition des Trait´es n

os

3 et 4, mais le Ministre laisse par contre entendre que les terres vis´ees repr´esentent, pour l’heure, une valeur moindre aux yeux du gouvernement :

[Traduction]

(. . .) ´etant donn´e l’´etendue comparativement faible du territoire qu’il est propos´e de c´eder et le fait que le gouvernement du Dominion n’en a pas imm´ediatement besoin, ni pour le chemin de fer, ni pour d’autres travaux publics, il est `a esp´erer qu’on ne jugera pas n´ecessaire d’offrir aux Indiens, en pr´esent ou comme indemnit´e annuelle, un montant sup´erieur aux cinq dollars vers´es aux Indiens qui ont sign´e les r´ecents Trait´es num´eros 1 et 242.

40 Ibid., p. 93, 96 et 100.

41 Ibid., p. 117 et 85-86.

42 Laird `a Morris, le 10 ao ˆut 1875, in Kenneth S. Coates et William R. Morrison, Rapport de recherche sur les trait´es: Trait´e cinq (Ottawa, MAINC, 1986), p. 16.

Cette impression sera confirm´ee l’ann´ee suivante lorsque les bandes du Pas et de Cumberland, au courant des conditions plus g´en´ereuses n´egoci´ees aux forts Carlton et Pitt (Trait´e n

o

6), refuseront d’adh´erer au trait´e n

o

5. Thomas Howard, charg´e des adh´esions,

[Traduction]

(. . .) r´eussit enfin `a leur faire comprendre la diff´erence entre leur situation et celle des Indiens des Plaines en soulignant que le territoire qu’ils c´ederaient ne serait d’aucune utilit´e `a la Reine, tandis que ce que les Indiens des Plaines ont c´ed´e a de la valeur `a ses yeux, car ses enfants blancs pourront y construire des maisons43.

Autre caract´eristique qui lui est propre, le Trait´e n

o

5 pr´evoit une plus