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Les troubles de la relation mère-enfant et leur influence sur le développement de la

Chapitre I. Le développement de l’enfant et les troubles de la personnalité

I.4. Les troubles de la relation mère-enfant et leur influence sur le développement de la

R.Spitz a réalisé une étude longitudinale sur la relation mère-enfant au cours de la première année de la vie de l’enfant. Cette étude reste poignante dans la compréhension du développement de l’individu, des troubles de la personnalité et en particulier du passage à l’acte dans lequel on relève un trouble de la relation à l’autre. Spitz pense en effet que le progrès et le développement dans le domaine psychologique, à la base de l’équilibre personnel, repose essentiellement sur l’établissement des relations objectales et sociales. Et, ces relations doivent être suffisamment bonnes. G. Simmel, repris par Spitz a montré que c’est à partir des relations mère-enfant que se définit tout développement ultérieur des relations sociales. En d’autres termes la qualité de la relation mère-enfant influe sur la qualité des relations sociales ultérieures de l’adulte que deviendra l’enfant. C’est d’ailleurs G.Simmel qui mettra au point le concept de la « dyade » (primitive) pour rendre compte de cette relation privilégiée et capitale entre la mère et son enfant. Pour Spitz, donc, la sécurité de l’enfant vient de l’attitude de sa mère.

Très proche du concept de la « mère suffisamment bonne », Winnicott (1987/88) relève un autre concept de « la mère ordinaire, normalement dévouée » ; cette mère qui donne les soins nécessaires aux besoins de son enfant. Ainsi, l’échec ou la défaillance de la mère de cette fonction de « mère ordinaire, normalement dévouée » serait à l’origine de l’autisme, par

exemple, chez l’enfant ; cette défaillance serait aussi déterminante dans les troubles de comportements. « En outre, dit-il, nous devons nous tourner vers l’étiologie et, éventuellement affirmer que certains troubles du comportement que nous rencontrons proviennent d’une défaillance de « la mère ordinaire, normalement dévouée », à un moment donné ou pendant une période donnée ». Il pense, et avec raison, qu’il est vital que quelqu’un facilite les touts premiers moments des processus du développement psychologique ou psychosomatique du bébé ou encore du développement de sa personnalité extrêmement immature au cours de cette période de dépendance absolue. Et la personne habilitée pour ce travail c’est certainement la mère.

Mais, il arrive que la mère soit absente ou réponde mal aux besoins de l’enfant détériorant ainsi la relation objectale et libidinale de celui-ci. Dans ce cas, la relation est inexistante et génératrice de troubles. Des auteurs ont montré que la discontinuité du processus maternant dans la première enfance était particulièrement grave. En matière de personnalités criminelles et délinquantes, il a par exemple été démontré chez les sujets une « incrustation » dans les comportements antisociaux dont l’étiologie se trouve dans les expériences traumatiques et frustrantes de la prime enfance ; notamment dans la relation mère-enfant. R.Spitz, relève par exemple les troubles psychiques occasionnés par la rupture du lien maternel chez l’enfant ; des troubles allant des réactions caractérielles, au marasme, et à la mort pour les cas les plus désespérés. Lorsque les affects de la mère sont changeants par exemple ou les relations objectales avec l’enfant sont impropres, insuffisantes ou quasi-inexistantes, il se crée une

déviation pathologique de la norme relationnelle mère-enfant favorisant ainsi des troubles

graves dans le développement du sujet. Parmi les enfants observés par Spitz, les influences nocives sur leur développement provenaient uniquement de la relation mère-enfant non satisfaisante et carencée. Il distingue à cet effet deux catégories de relations néfastes au développement de l’enfant.

1°) La relation mère-enfant impropre.

Relation dans laquelle les comportements de la mère agiraient comme une « toxine psychique », créant des « troubles psycho-toxiques de l’enfance ». Ces comportements « toxiques » et nuisibles sont :

–Le rejet primaire manifeste regroupant un « rejet actif » et un « rejet passif » avec un retrait de la mère vis-à-vis de l’enfant associée à une inacceptation au préalable de la grossesse, de l’enfant, voire de l’acte sexuel.

–La sollicitude primaire anxieusement exagérée, avec surprotection (maternal over

protection, de David Lévy) ou « sur affection » de l’enfant par la mère.

–L’hostilité déguisée en angoisse.

–L’oscillation rapide entre gâterie et hostilité agressive.

–Les sautes d’humeurs cycliques à onde longue de la mère. Ces sautes d’humeurs se manifestent à travers des changements brusques d’attitudes de la mère vis-à-vis de l’enfant. « L’attitude de ces mères reste constante pendant une série de mois. Soudain, elle tourne à l’opposé, après …elle reste constante de nouveau pour une assez longue période ». Les sautes d’humeurs seraient caractéristiques de la dépression chez ces mères.

–L’hostilité consciemment compensée. Ici, le comportement maternel serait le résultat d’un conflit conscient. « Pour ces mères, l’enfant est un objet de satisfaction narcissique et exhibitionniste. Ce n’est pas un objet d’amour, mais elles se rendent compte consciemment de ce que leur attitude envers leur enfant a d’impropre et essayent de la compenser par une attitude très typique : …un mélange de douceur angélique, onctueuse et en même temps subacide. C’est un phénomène qu’on retrouve surtout dans les milieux intellectuels »26. Les enfants élevés dans un tel environnement s’intéresseraient peu aux contacts humains et seraient hostiles quand on les approche.

2°) La relation mère-enfant insuffisante

Dans ce type de relation, les enfants sont séparés de leurs mères et ont un substitut inadéquat. Ou bien, la mère ne fournit pas d’apport affectif répondant aux besoins de l’enfant. Apparaissent alors des « troubles de la carence affective », consécutifs à une privation des provisions libidinales. Ainsi, selon l’intensité de la privation de provisions libidinales on observera soit une carence affective partielle, ou une carence totale chez l’enfant. Le tableau suivant a été mis au point par R.Spitz, il retrace les troubles infantiles correspondants aux attitudes comportementales déviantes des mères, au cours de la relation mère-enfant.

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Tableau 1. « CLASSIFICATION DES TROUBLES PSYCHOGENES DE L’ENFANT RELIES A L’ATTITUDE MATERNELLE PREVALENTE »

Troubles Psychogènes Attitudes Maternelles Maladies de l’enfant

Troubles Psycho-Toxiques

1°- Rejet primaire passif 2°- Rejet primaire Actif

3°- Sollicitude Primaire Anxieusement Exagérée 4°- Hostilité déguisée en angoisse

5°- Oscillation rapide entre gâterie et hostilité agressive 6°- Sautes d’humeurs cycliques…

7°- Hostilité consciemment compensée

Coma du nouveau-né…

Vomissement du nouveau-né, maladie respiratoire Coliques du premier trimestre

Eczémas infantiles

Hyper motilité (balancement) Jeux fécaux

Hyperthymie agressive… Carence Affective 1°- Privation affective partielle

2°- Privation affective totale

Dépression anaclitique Marasme (voire mort).

On convient donc avec R.Spitz, W. D. Winnicott, M. Klein, S. Freud et bien d’autres auteurs que le développement normal des relations objectales constitue le prélude du fonctionnement normal du psychisme. A cet effet, les déformations ou les déviations de ces premières relations objectales créent des désordres dans la formation du psychisme à son début et laissent des cicatrices sur les quelles se grefferont d’éventuels troubles à un âge avancé. D’autres parts, ces déviations ou déformations des relations objectales peuvent être aussi le fait d’une culture.