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Deuxième partie : Théorie

E. Les troubles des interactions

Ces troubles sont à envisager dans une perspective diachronique ou synchronique.

• La perspective synchronique étudie la forme prise par l’interaction à un moment donné. Trois grands types de dysfonctionnements interactifs sont décrits :

- L’excès de stimulation ; - Le manque de stimulation ;

- Les simulations paradoxales qui brouillent la communication.

On parle ici des stimulations que le parent adresse à l’enfant. Un même niveau de stimulation peut convenir à un nourrisson, constituer un excès de stimulation pour un autre dont le seuil de perception est bas, ou inversement une hypostimulation chez un nourrisson plus calme.

Le caractère insuffisant ou excessif de la stimulation peut venir :

- D’une mère énergique ou hyperenthousiaste, ou manifestant une hypersollicitation anxieuse, ou déprimée, ou ayant des comportements d’évitement phobique ou délaissant l’enfant ;

- De l’enfant avec une hypersensibilité innée ou à l’inverse hyporéactif. • On parle de perspective diachronique concernant le déroulement temporel prolongé de

l’interaction et de son évolution. L’on observera alors la stabilité du mode interactif, le caractère de fixation et de régression du mode interactif et l’aspect oscillant des perturbations des interactions avec soit une alternance de hyper et de hypo stimulations, soit une incohérence des stimulations.

Selon Gauthier dans le livre de psychiatrie de l’enfant de Lamour et Lebovici (1979), l’on pourrait parler plutôt de vulnérabilité de la relation parent-enfant. Elle se définit comme la sensibilité particulière de la relation aux facteurs de risques. Elle peut varier dans le temps en fonction des étapes de développement de l’enfant. On repère trois catégories de risques :

• Facteurs liés à l’enfant

Ces variations peuvent aller de la normale comme les différences de tempérament, jusqu’à une pathologie plus grave, somatique ou psychopathologique. L’analyse des interactions mère-nourrisson montre un ajustement plus ou moins difficile. Certains enfants peu actifs et peu sensibles aux stimulations incitent le parent à stimuler l’enfant de plus en plus, provoquant l’effet inverse, créant une insatisfaction mutuelle et une diminution du plaisir dans l’échange. La caractéristique de ces nourrissons est l’absence de clarté des messages rendant la communication difficile. Ils sont moins actifs, moins vigilants, vocalisent moins et ont plus souvent des comportements de retrait comme l’évitement du regard et du contact. Ils ont aussi une capacité plus limitée de traitement de l’information, nécessitant des arrêts plus fréquents de l’interaction. La dynamique des interactions est alors perturbée, on remarque une asynchronie.

Les signes précoces de non-intégration sont :

- Le retard de l’apparition du sourire, sa rareté ensuite ;

- La mauvaise qualité du contact au visage, notamment l’absence d’enthousiasme ; - Les hypertonies ;

- Les hypotonies.

• Facteurs liés aux parents

L’on trouve dans ces facteurs, les familles carencées avec une absence d’organisation de la vie quotidienne, une fréquence de situations de crise, une importante carence sanitaire, éducative et sociale, l’histoire des parents marquée par la carence, une psychopathologie grave chez ces parents comme une psychose chronique, une dépression chronique ou du post- partum.

• Situations particulières de risque Entrent en compte :

- Les événements traumatiques comme des deuils, un handicap venant troubler les ressources des partenaires et charger les relations parent-bébé de culpabilité réveillée par de tels événements.

- Les inégalités sociales peuvent agir sur la qualité des interactions. Les familles d’immigrés posent un problème dans la difficulté d’évaluation liée à la méconnaissance des particularités culturelles. Les codes, la

transmission familiale sont souvent sous-tendus par des conflits interculturels auxquels sont soumis les parents.

• Perturbations de l’attachement

C’est une psychopathologie spécifique des interactions et sont un pivot pour comprendre les problèmes relationnels parents-enfant. Ces distorsions dans la relation ne permettent pas au bébé de faire l’expérience d’un parent fiable contre les dangers externes et sa détresse interne. L’on trouve trois formes de perturbations de l’attachement : l’absence d’attachement, l’attachement anxieux ou ambivalent et les ruptures d’attachement par séparation. A cela il faut articuler les différents niveaux de l’interaction décrits précédemment.

II. LE ROLE DU TONUS ET DU DIALOGUE TONIQUE DANS LES INTERACTIONS

Dans le chapitre suivant sur la trisomie 21, je décrirai l’une des caractéristiques des bébés porteurs de trisomie 21, l’hypotonie. Celle-ci était bien présente chez Manuela et Claire à la naissance, et dans une moindre mesure chez Ahmed. Cette hypotonie a une grande influence, à mon sens, sur la mise en place des interactions entre le parent et le bébé au travers du dialogue tonique que je vais décrire.

Le mot tonus trouve son origine étymologique dans le mot grec tonos qui veut dire « action de tendre, tension », ici nous parlons du tonus musculaire.

Le tonus musculaire est :

« l’état de légère tension des muscles au repos, résultant d’une stimulation continue réflexe de leur nerf moteur. Cette contraction isométrique (la tension augmente mais pas la longueur) est permanente et involontaire. Elle fixe les articulations dans une position déterminée et n’est génératrice, ni de mouvement, ni de déplacement. Le tonus maintient ainsi les stations, les postures et les attitudes. Il est la toile de fond des activités motrices et posturales. »16

Cette définition précise bien que le tonus est à la base de la motricité globale. Il est aussi prédominant dans la communication non-verbale et verbale. Le tonus est aussi l’expression de la vie affective et des modalités relationnelles utilisées dans le rapport à l’environnement en particulier les modalités d’échange qui vont s’instaurer et se renforcer entre la mère et l’enfant.

Wallon définit le tonus comme « un champ de fluctuation qui oscille entre l’état de tension et celui de détente lié organiquement aux réponses que l’enfant a tendance à établir avec l’environnement. »17 C’est une modalité de communication initiale avec un contenu émotivo-relationnel : l’hypertonie d’appel et l’hypotonie d’écoute.

Selon Franco Boscaini, « le tonus est la fonction qui exprime le mieux la dimension psychomotrice de l’homme sur le versant conscient et inconscient, en synthétisant le présent, le passé et le futur de l’individu. »18