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D) Evolution des séances depuis septembre

III. L’ÉQUILIBRE SENSORI-TONIQUE

L’équilibre sensori-tonique avait été développé auparavant par Henri Wallon en ces termes, c’est « l’état interne de l’organisme qui permet de recevoir, sans désorganisation, les signaux issus de l’extérieur »2, c’est un ensemble de signaux cohérents, les flux sensoriels, qui ne perturbent pas l’état tonique et qui permettent le guidage de l’action. André Bullinger nous dit que l’équilibre sensori-tonique résulte des différentes contraintes biologiques, physiques et sociales et compose une plateforme à partir de laquelle un individu peut réaliser des actions vers le milieu extérieur. La stabilité de cette plateforme détermine la stabilité de l’individu, elle est définie principalement par l’opérativité.

Les signaux cohérents qui ne perturbent pas l’état tonique, permettent le guidage de l’action et une régulation tonique adaptée permet les comportements d’exploration et les interactions. Cette surface d’équilibre garantit le sentiment d’exister de façon stable.

L'opérativité est la capacité de penser et de se représenter les choses, c’est la compréhension du monde. Elle permet d'avoir une régulation tonique plus stable et donc d'agir sur le monde.

Plus la représentation psychique est grande, plus la régulation est stable et plus la surface de la pyramide est augmentée. Plus on descend dans la pyramide, plus l'opérativité est grande donc plus notre capacité à agir sur le monde est importante.

Un être humain se développe et construit sa subjectivité au sein de la niche écologique, qui comprend trois éléments. L’articulation de ces trois éléments conditionne, dès la naissance, la stabilité de la surface de l’équilibre sensori-tonique et un développement harmonieux, ces trois éléments sont :

- Le milieu biologique, ce qui constitue l’organisme : l’intégrité des systèmes sensoriels, des supports neuro-physiologiques intacts, pour traiter les signaux issus des flux sensoriels et pour former des habitudes et des activités instrumentales ;

- Le milieu physique : il transporte les stimuli et permet l’adaptation à la vie sur terre, ce sont les conditions matérielles de l’environnement, la cohérence du milieu, des flux sensoriels qui ont du sens, la compréhension du milieu de vie (sur-, sous-, dys- stimulation) et l’adaptation de l’état tonique ;

- Le milieu humain avec ses attentes et sa culture : cet élément est essentiel à la survie de l’enfant, c’est la sécurité de base, l’espace de survie, l’espace de communication (dialogue tonique, surprotection), les appuis tonico-émotionnels sur le corps de l’autre, le jeu des synchronies et des échanges ; le dialogue tonico-émotionnel permet un progressif détachement de l’espace de fusion.

Composantes de l’équilibre sensori-tonique3

Cette notion d’équilibre sensori-tonique donne une vision multifactorielle avec les trois dimensions qui intègre les différents milieux (biologique, humain et physique). Lorsque l’équilibre sensori-tonique est de bonne qualité l’enfant s’organise des actions construites. Il montre comment s’articulent la croissance organique et les moyens émotionnels et cognitifs qui permettent au bébé de participer à son milieu. Les sensations peuvent être traitées sans perte de contrôle et l’équilibre sensori-tonique permet l’acquisition de la capacité de tolérer des stimulations de plus en plus importantes et de supporter les effets en retour des actions instrumentales ; cela permet la formation d’habitudes et d’anticipations. Si l’une des trois dimensions s’amenuise la surface d’équilibre se réduit considérablement. Les efforts sur les autres dimensions ne compensent que très difficilement les manques. Le travail préventif et thérapeutique consiste à élargir cette surface : « on n’apprend rien à l’enfant mais on offre des appuis et des moyens de régulation tonico-émotionnelle »4.

Au même titre que son organisme et que les autres éléments du milieu, l’environnement humain proche est un appui. Il est une source multisensorielle omniprésente d’où l’importance du portage. Les interventions du milieu humain, sa stabilité, viennent à la rescousse du bébé et l’aident à constituer des représentations de son corps.

3 Figure issue de Bullinger A., Le développement sensori-moteur de l’enfant et ses avatars, page 157, Toulouse,

Editions Érès, 2013

4 BULLINGER A., cité par Bernard Meurin à l’occasion du cours sur le Développement Sensori-moteur, IFP 1ère

Le potentiel inné (ou biologique) de l’enfant et son milieu déterminent ensemble son développement. Ainsi le franchissement des différentes étapes dépendra de l’ajustement du milieu à ses besoins particuliers. La détermination de ces besoins associe la recherche de déficits sensoriels et moteurs à l’inventaire des conditions du milieu, sans attendre l’installation de handicaps. « L’apparition de comportements atypiques est comprise comme l’effet d’un mésusage de l’organisme, d’un usage à visée adaptative. »5

A mesure que l’enfant intègre les différents segments de son organisme et que cette intégration se maintient dans la plupart de ses états toniques, les conduites exploratoires se multiplient et le jeu se diversifie. Dans le cas contraire, l’enfant continue à rechercher des co- variations de signaux, il oriente ses conduites selon les écarts sensoriels présents dans le milieu, ou en génère par son organisme, ce sont les conduites stéréotypées. L’enfant se cramponne à ces comportements sans finalité instrumentale faute d’appui mentalisé. Quand ces comportements prennent toute la place A. Bullinger parle d’agrippement. L’agrippement n’apparaît que si les étapes antérieures de l’intégration de l’organisme ne se sont pas réalisées et s’il s’installe précocement il perturbe toute la suite du développement.

Le bébé doit se développer, répondre à ses besoins primaires et aux attentes du milieu. Pour cela il doit donc être capable de s’adapter à différents milieux, grâce à la plasticité cérébrale notamment. Si l’enfant est porteur d’un déficit – un écart relatif à un fonctionnement type - une grande partie de ses ressources sera consacrée à contourner ou dépasser son déficit. Il va alors s’écarter des attentes de son milieu et n’aura plus les ressources pour les satisfaire. L’écart entre la réalité de son fonctionnement et les représentations de son milieu à son égard va se creuser, c’est le handicap. Ainsi le handicap est toujours en fonction des attentes du milieu, à ne pas confondre avec le déficit qui est un écart par rapport à un fonctionnement typique.

La réduction du handicap se fait par une meilleure compréhension par les proches et les thérapeutes, du fonctionnement de cet enfant, pour permettre le meilleur ajustement des interactions avec l’enfant. Le déficit subsiste mais on réduit le handicap. Là se trouve le rôle premier des institutions comme le CAMSP et en particulier le rôle du psychomotricien dans ses interventions spécifiques auprès de l’enfant et des familles.

5 LIVOIR-PETERSEN (2011) page 108