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Les troubles bipolaires sont associés à des perturbations des cycles naturels de l’organisme. La donnée clinique la plus retrouvée est la perturbation du cycle veille/sommeil (195-197), mais les cycles de température, du cortisol sont aussi atteints (198). La structure et le timing des veilles/sommeil sont sous l’influence combinée des pacemakers circadiens (« processus C ») et de l’homéostasie des processus du sommeil, dépendant principalement du temps éveillé (« processus S ») (199-200). Ces deux processus gouvernent respectivement l’initiation du sommeil et le maintien (201-203). Ces systèmes sont interconnectés, mais bien que les troubles bipolaires soient hautement héréditaires, les gènes spécifiques ne sont pas confirmés. Les troubles bipolaires, constituant une entité phénotypique complexe, ne peuvent être simplement décrits par la mutation d’un gène particulier. Il a été proposé que les troubles bipolaires résulteraient d’une désynchronisation du système circadien. Un découplage des oscillateurs majeurs ou mineurs situés dans l’hypothalamus sous tendrait ces perturbations (160, 192, 202, 203). Le traitement par lithium, bien que l’on ignore les mécanismes exacts, permettrait une resynchronisation selon certains auteurs (204, 205).

Malgré ces observations scientifiques, une relation causale ne peut être établie. Les changements observés peuvent être une cause des troubles bipolaires ou une conséquence de la maladie.

g. Comorbidités

Considérant l’impact des troubles du sommeil dans les troubles bipolaires, il est légitime d’explorer les interactions de ses deux grandes catégories de troubles. Ainsi le syndrome d’apnée obstructif du sommeil (SAOS) et le syndrome des jambes sans repos font partie des troubles du sommeil primaire, impactant celui-ci, retrouvé respectivement à hauteur de 2 à 4% et 2 à 7% dans la population générale (135). Certaines études tendent à mettre en évidence une prévalence supérieure du SAOS chez les patients bipolaires en comparaison à la population générale. Une étude retrouve, au sein d’un échantillon de sujets issus de la « Veterans Administration

Association » ayant reçu un diagnostic de SAOS, 4,65% de troubles bipolaires associés

(206). Cette prévalence, supérieure à la population générale laisse présager d’un possible lien entre ces deux entités. L’obésité, bien que ne faisant pas partie des critères diagnostics de SAOS, en est l’un facteur de risque, et est également retrouvé de manière importante dans les troubles bipolaires (135). Des chercheurs explorent (207) par polysomnographie, la présence de SAOS chez 482 patients souffrant de troubles bipolaires (type 1, type 2, type NOS) traités en clinique, au Colorado. Un SAOS a été retrouvé chez 21% de la population de l’étude. Il n’y a pas de différence entre les hommes et les femmes à âge égal, IMC et diagnostic comparable. Cette étude est la première à avoir effectué une recherche systématique de SAOS chez des patients souffrant de troubles bipolaires. Dans ce sens, Fagiolini et ses collaborateurs retrouvent chez les patients bipolaires ayant également une obésité, d’avantage d’épisodes maniaques et dépressifs (208).

Pante et Winkelmann avaient suggéré en 2008, la recherche systématique, en routine, de SAOS chez tous les patients souffrant de troubles bipolaires.

lien avec les troubles bipolaires.

Le lien entre le SAOS et troubles bipolaires est à ce jour inconnu. Deux hypothèses sont actuellement explorées : l’une considérant les troubles bipolaires comme une pathologie multi-systémique impactant, entre autre, le système métabolique dont l’une des expression serait l’obésité ; et une autre dans laquelle l’obésité entrainerait des apnées obstructives du sommeil, lesquels causeraient des perturbations de l’humeur. Une troisième éventualité serait un lien bidirectionnel mais cela reste à étudier. Dans ce sens, l’équipe du professeur Leboyer fait état d’une pathologie multi systèmes, les troubles n’étant pas limités à une atteinte psychique. L’obésité n’est qu’une partie des atteintes cardio-vasculaires et métaboliques qui font des comorbidités des troubles bipolaires un axe majeur de prise en charge (209).

h. Conclusion

L’ensemble de ces résultats permet de concevoir les troubles du sommeil comme l’un des mécanismes physiopathologiques des troubles bipolaires de l’humeur, et non uniquement comme un simple symptôme.

Son évaluation et sa prise en charge s’appliquent aussi bien aux périodes thymiques qu’intercritiques. Les patients bipolaires durant les périodes intercritiques ne sont pas comparables aux sujets sains. Les cycles veille/sommeil semblent perturbés, de même que la stabilité dans le temps, et la perception qu’en ont les patients est révélatrice de la chronicité des troubles.

Comme nous l’avons vu, le sommeil peut être un élément « état » ou « trait » des troubles, perturbé également chez les sujets à risque de développer un trouble affectif bipolaire. Il s’agit d’un élément diagnostique, pronostique et thérapeutique, le plaçant ainsi au cœur des troubles bipolaires de l’humeur.

Les données récentes de la littérature intègre ces troubles dans un modèle multi systémique. Bien que nous ignorons à ce jour la nature exacte du lien existant entre les dimensions impactées (sommeil, risque métabolique, risque cardio-vasculaire, etc.) la

recherche clinique de chacune d’entre elle est nécessaire pour une prise en charge du patient dans sa globalité.

4. Lien entre réactivité émotionnelle et trouble du

sommeil

a. En population générale

i. Trouble du sommeil et mémoire émotionnelle en

population générale

Il est important de comprendre les mécanismes physiologiques sous-tendant l’acquisition émotionnelle afin d’apprécier les perturbations qui peuvent en découler. Tous les individus sont exposés à des évènements de vie au quotidien. De quelle manière sont-ils intégrés ? Quels poids la mémorisation joue-t-elle ? En quoi le sommeil intervient dans le processus mnésique ? 1) Encodage L'encodage est la capacité d'acquérir de nouvelles informations en provenance de nos sens : la vue, l'ouïe, le toucher, l'odorat et le goût. Cette première étape de mémorisation peut-être fortement modulée par les émotions lors de l’apprentissage (210). Les premières expériences sur les rats ont montré que la privation de sommeil et spécifiquement de sommeil paradoxal perturbe l’encodage (211). A un niveau cellulaire, la privation de sommeil paradoxal ne réduit pas seulement l’excitabilité des neurones hippocampiques (212), mais impacte significativement la formation de potentialisation à long terme (=PLT) (processus cellulaire et moléculaire de renforcement synaptique) de ces neurones (213-214). De plus, malgré la diminution des PLT, si ceux-ci peuvent rester efficaces, les neurones hippocampiques ne peuvent