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(recueil subjectif lors d’épisode maniaque, difficultés de recueil, caractéristiques cliniques différentes, thérapeutiques et comorbidités associées, faible taille des échantillons etc.). L’action thérapeutique sédative des benzodiazépines et neuroleptiques n’a pas été évaluée spécifiquement, bien que les observations laissent supposer que le retour à un sommeil efficient marque une amélioration clinique globale.

Bersani et Garavini (165) évaluent l’action de la mélatonine comme hypnotique chez onze patients chez qui les benzodiazépines n’ont pas été efficaces. Un maintien du traitement est fait durant 30 jours. Les résultats sont très décevants avec une persistance de l’épisode maniaque et une aggravation des symptômes thymiques.

Des stratégies comportementales de contrôle des paramètres du sommeil ont été expérimentées mais la variabilité des données rend les études non comparables et les résultats isolés. Citons pour exemple l’étude de Barbini ses collaborateurs (154) qui ont testé une obscurité forcée de 14h par jour lors d’hospitalisation pour un épisode maniaque. Il est retrouvé une diminution du score YMRS si la thérapie est réalisé dans les deux semaines suivant le début de l’épisode. De plus la durée totale d’hospitalisation est plus courte et les posologies des traitements anti maniaques plus faibles.

Au total, la qualité de sommeil est en lien étroit avec la manie sans que le sens de cette relation ne soit clairement authentifié. Les recommandations internationales soulignent l’importance de l’intégration du sommeil dans la prise en charge globale du patient (165)

ii. Episode dépressif

Les troubles du sommeil font partie des critères diagnostics des épisodes dépressifs, qu’ils soient unipolaires ou bipolaires (16).

Les différentes études retrouvent des proportions variables mais toujours importantes de troubles du sommeil durant un épisode dépressif : l’insomnie à hauteur de 100%, des difficultés à trouver le sommeil 58% (166), des perturbations globales du sommeil (85%), éveil matinal précoce (77%), difficulté d’endormissement (60%) (167) Un intérêt particulier a été porté sur la recherche de critères permettant de distinguer ces deux entités cliniques (uni vs bipolaire). Malheureusement, les études objectives de la qualité de sommeil (par polysomnographie par exemple) ont retrouvé des perturbations similaires, bien que quelques données limitées suggèrent que les patients bipolaires ont un lever matinal plus précoce et une densité totale de sommeil paradoxal supérieure (168).

Néanmoins le recueil de données subjectives permet, sans être pathognomoniques, d’orienter le type de dépression. Mitchell et ses collaborateurs (169) ont mis en évidence l’intérêt de la recherche de symptômes « atypiques ». Dans un groupe de patient souffrant d’épisode dépressif majeur, ils comparent les caractéristiques des patients unipolaires et bipolaires. Bien que la sévérité de la dépression est comparable, les patients bipolaires rapportent significativement d’avantage de caractéristiques « atypiques » dont une hypersomnie. Cette donnée est confirmée en comparant les sujets « mélancoliques ». L’hypersomnie pourrait ainsi être considérée comme une « signature de la dépression bipolaire » (170)

Bien que repris par d’autres auteurs (171-172), Nofzinger remet en cause l’hypersomnie comme orientant la dépression vers une bipolarité sous-jacente (173). Ainsi en comparant l’hypersomnolence de patients bipolaires durant un épisode dépressif avec des sujets souffrant de narcolepsie par mesure objective (« Multiple

Sleep Latency Test ») aucune différence n’est retrouvée quant à une somnolence diurne

excessive. Ils suggèrent que l’hypersomnolence serait le reflet de la perte d’énergie et de la fatigue.

Le sommeil a été, par le passé, un axe de recherche dans le traitement des épisodes dépressifs. Comme nous l’avons vu précédemment la privation de sommeil permet une levée de la symptomatologie dépressive, parfois au risque d’un virage de l’humeur. Néanmoins une rechute thymique est le plus fréquemment observée après régulation

du sommeil, limitant l’action de la privation de sommeil à une amélioration à court terme et transitoire.

iii. Episode mixte

Une étude s’est intéressée au rapport subjectif du sommeil lors d’épisode mixte selon le DSM-IV-TR. Elle retrouve une diminution du temps de sommeil de sévérité faible chez 100%, et des troubles du sommeil de « présence indiscutable » chez 91%. (140).

Bien que l’impact exact des perturbations sur les caractéristiques physiques du sommeil soit méconnu, l’ensemble de la littérature s’accorde à dire que le sommeil est la pierre angulaire des épisodes thymiques.

e. Trouble du sommeil en période euthymique

Le défaut d’études des troubles du sommeil au sein des patients souffrant de trouble bipolaire de l’humeur et les perturbations persistantes du fonctionnement global ont motivé les chercheurs à explorer les caractéristiques du sommeil durant les périodes intercritiques ainsi que leurs conséquences.

i. Données épidémiologiques

Selon les études réalisées, nous retrouvons des taux de perturbation du sommeil chez les sujets souffrant de trouble bipolaire en période euthymique allant de 15 à 100% (174). L’hétérogénéité des troubles bipolaires ainsi que la complexité de recueil à grande échelle rend difficile les études du sommeil en période intercritique, et explique la diversité des résultats.

ii. Caractéristiques physiopathologiques

Harvey et ses collaborateurs ont comparé de manière subjective (agenda du sommeil) et objective (actigraphie) la qualité du sommeil de patients bipolaires euthymiques avec des patients souffrant d’insomnie et des témoins, durant 8 jours et nuits consécutifs (175). Au total, 70% des patients bipolaires rapportent des troubles du sommeil, dont 55% remplissent les critères d’insomnie (à l’exclusion du critère D). En comparaison aux autres groupes, les patients bipolaires ont une efficience de sommeil moindre, un niveau d’anxiété et de peur concernant leur qualité de sommeil plus élevée et une activité diurne moindre. Les représentations du sommeil (ici altérées) sont comparables aux sujets insomniaques et diffèrent significativement des sujets sains.

Ces résultats se recoupent en partie avec l’étude de St Amand et ses collaborateurs (176). Dans cette étude, les groupes de patients souffrant de troubles bipolaires et d’insomnie sont comparables sur de nombreux points. Les patients souffrant de troubles bipolaires se rapprochent cliniquement des patients insomniaques quant à la diminution de l’activité diurne, la variabilité des activités réalisées au jour le jour plus importante et une somnolence diurne majorée. Néanmoins, le recueil des paramètres du sommeil (agenda, questionnaires et actigraphie) ne montrent pas de différence significative avec les sujets sains, à l’inverse des sujets insomniaques.

Talbot et ses collaborateurs (177), confirment les similitudes entre les patients bipolaires et les patients insomniaques. A cela, ils démontrent que la durée totale d’éveil un jour est suivie d’une « humeur négative » le lendemain. Réciproquement, une « humeur négative » le soir est suivie d’une durée d’éveil supérieure le lendemain. Ce cercle vicieux peut aboutir, lors d’un épisode aigu, à une issue fatale comme décrit par Bell au milieu du XIXème siècle (178). Ses rapports d’observations cliniques font le constat de décés suite à un mois et demi d’évolution d’un épisode maniaque où l’insomnie était presque totale.