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Troisième dispositif : « Quand exercer son autorité éducative vaut pour savoir tenir sa classe »

III. Former à l’autorité

3. Troisième dispositif : « Quand exercer son autorité éducative vaut pour savoir tenir sa classe »

Le dispositif « Tenue de Classe » proposé à l’ensemble des professeurs titulaires stagiaires depuis 2011 est un dispositif en ligne hébergé sur le site du Scéren CNDP-CRDP (http://www.cndp.fr/tenue-de-classe) Ce dispositif a pour objectif d’aider les enseignants novices des premier et second degrés à entrer dans le métier. Il se compose d’un espace « ressources » de vidéos, de témoignages et de fiches pratiques.

Au cœur de ce dispositif, la problématique de l’autorité est principalement travaillée notamment dans le cadre de l’item « Autorité et respect ». Ce dernier est composé, d’une part,

d’une vidéo d’apports théoriques délivrés par le philosophe Yves Michaud et, d’autre part, d’une vidéo de conseils pratiques dispensés par Sébastien Clerc, professeur de français en banlieue parisienne.

Les apports théoriques sont essentiellement ciblés sur la description des différentes formes d’autorité que sont, entre autres, l’autorité politique, religieuse, parentale, des anciens et du professeur. Sont aussi décrites les différentes sources d’autorité et la mise en tension entre cette l’autorité et le respect.

Les conseils pratiques associés à ces aspects théoriques se veulent utiles à l’action de la classe. Ils ont pour objectif d’aider les enseignants novices à construire leur autorité et à l’exercer dans leur classe. Les contenus abordés sont plus précisément agencés selon sept grands points que sont la rigueur, le charisme, la bonne forme physique, l’usage de la voix, le respect, l’inégalité pédagogique et le territoire classe. La rigueur affichée, qui peut être optimisée par un langage adapté et contrôlé en classe, une gestion pertinente du tableau ou encore une organisation pensée du bureau par l’enseignant constituent, par exemple, un gage de son autorité. Le charisme et la présence sont considérés comme nécessaires. Ils peuvent être renforcés en travaillant sur la posture, le regard et la réactivité face aux élèves. Pour asseoir son autorité, l’enseignant se doit par ailleurs d’être en pleine forme à la fois physique et morale. Pour cela, il doit avoir une alimentation saine, un sommeil de qualité, une activité physique régulière. La voix est également une composante essentielle de l’autorité. Ainsi, selon Clerc (2011), une voix plus aiguë peut agacer. Le respect qui existe encore y compris dans les établissements difficiles doit être promu. Pour cela, il est conseillé de dispenser des cours de politesse aux élèves basés sur des QCM, du type « Comment faut-il saluer un

policier ? ». Le respect de soi est également essentiel. Pour les élèves, il est lié à une bonne

présentation des copies, dont le non-respect doit est sanctionné par « -1 » en cas d’absence par exemple du prénom ou de la date. L’inégalité pédagogique pose qu’au sein de l’établissement le professeur occupe une place particulière, une fonction qui lui permet d’exiger l’obéissance des élèves. Cette inégalité est marquée par des signes tels que la tenue vestimentaire. Enfin, il existe dans la classe des enjeux de territoire entre le travail et les bavardages. Il est donc nécessaire de faire en début d’année un plan de la classe qui permet de positionner de façon stratégique les élèves bavards et les élèves calmes.

IV. Délimitation de l’objet de l’étude

Assez paradoxalement, alors que les travaux sur l’autorité sont nombreux et entrepris dans plusieurs domaines scientifiques, ceux portant sur comment former à l’autorité sont très limités en nombre et en contenus. Complémentairement, il est aisé de constater à leur lecture qu’ils adoptent unanimement des formats de formation plutôt individualistes, magistraux et ponctuels.

A ce titre, plusieurs réserves peuvent être faites, notamment en termes d’impact effectif de la pratique de classe des enseignants novices. Aucun des dispositifs proposé n’envisage en effet les retombées effectives du travail de formation sur la pratique de classe par exemple en faisant de la situation de travail une véritable situation de formation au et par le travail. De la même manière, Prairat (2011) souligne que la part individuelle de l’autorité est certes primordiale afin de légitimer l’autorité de l’enseignant, mais qu’elle n’est pas suffisante. Selon l’auteur, il est nécessaire en formation de construire et promouvoir des « formes

collectives de travail qui assurent l’avenir du travail professoral et atteste une véritable solidarité professionnelle» car « si le professeur est individuellement responsable de ceux qu'il accueille, il est collectivement responsable du monde et des valeurs, dont la non transmission mettaient en péril l'avenir du monde... » (Prairat, 2011).

C’est finalement pour essayer d’avancer sur ces réserves que ce travail a été engagé. Il cherchera par la mise en jeu d’un dispositif transformatif de recherche à apprécier les retombées d’un dispositif de formation singulier, à la fois collectif et longitudinal, sur la pratique effective de l’autorité éducative d’enseignants novices dans leur classe.

Deux cadres théoriques complémentaires ont été choisis afin de mener à bien cette recherche.

Le premier est celui de la « Clinique de l’activité » dont l’auteur principal est Yves Clot. Nous avons décidé d’adopter certains postulats de ce cadre car il nous a semblé permettre d’envisager l’autorité éducative non pas seulement comme le résultat d’une somme de savoirs (de types connaissances, principes ou méthodes) à connaître et à appliquer mais plutôt comme une activité professionnelle à part entière. Ceci nous apparaissait comme d’autant plus important que, comme nous l’avons souligné en amont, nous avons fait le choix d’étudier l’autorité éducative et sa construction au sein des pratiques de classe et non seulement en situation de formation. En suivant, nous détaillons les principaux concepts que nous empruntons à ce cadre, notamment la distinction établie entre le genre professionnel par définition collectif et le style personnel d’enseignement propre à chaque professionnel.

Le second cadre théorique que nous empruntons est celui de « l’anthropologie

culturaliste » développée, par exemple, par des auteurs comme Vincent Descombes ou

Christiane Chauviré. Complémentairement au précédent, il nous a semblé effectivement intéressant de convoquer certains concepts de ce cadre pour préciser ce que pourraient être les règles constitutives du genre professionnel, notamment celles relatives à l’autorité éducative. Ce pas en avant par rapport à la clinique de l’activité nous est apparu comme d’autant plus important qu’il devrait nous permettre de situer ce qui est appris en formation par les enseignants novices et apprécier ce qu’ils en font en suivant lors de leur intervention auprès des élèves en classe.