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Faire autorité en tant qu’enseignant : mise en œuvre de savoirs d’action

II. L’autorité en éducation

1. Les trois pôles de l’autorité éducative

1.3 Faire autorité en tant qu’enseignant : mise en œuvre de savoirs d’action

1.3.1.Savoirs et savoirs d’action

Pendant très longtemps, celui qui faisait autorité en éducation était celui qui savait en opposition à celui qui ignorait, comme si détenir le savoir était une condition suffisante pour que les élèves apprennent. Mais le savoir étant en constante évolution et l’école n’étant plus le seul lieu de leur transmission, l’autorité de l’enseignant ne peut plus actuellement se fonder exclusivement sur leur possession. Elle se joue davantage sur la qualité de leur transmission. Le maître n’est plus effectivement seulement celui qui sait. Il est « bien davantage celui qui

crée les conditions effectives - didactiques et pédagogiques - permettant à l’élève d’être en activité d’apprentissage » (Robbes, 2006a). Autrement dit, posséder des savoirs et être en

capacité de les partager se révèlent deux composantes inséparables de l’autorité de l’enseignant.

Ainsi, « celui qui fait autorité… n’est pas autoritaire. C’est la compétence qui fait

l’autorité et les enfants ne s’y trompent pas. Encore faut-il que cette autorité se traduise par des actions observables »(Oury et Pain, 1972, p. 305). Les concepts « actions observables »

signifient que l’autorité relève avant tout d’un « faire », de savoirs que déploie l’enseignant dans l’agir toujours situé.

C’est à partir de ce postulat que certains auteurs se sont interrogés sur la nature de cet agir source d’autorité. Robbes (2010) différencie en ce sens très nettement les savoirs d’actions des recettes. En effet, selon lui, les recettes fournies par exemple lors d’une situation de compagnonnage enferment l’enseignant dans un fonctionnement mécaniste, rigide, lui laissant croire qu’à chaque situation de classe rencontrée correspond une réponse prédéfinie. Pour l’auteur, cela reste illusoire et dangereux car tout ne peut être prévu et anticipé dans une classe. Tout enseignant doit donc constamment adapter ses réponses aux différentes situations. Les recettes prêtes à l’emploi sont par définition selon l’auteur difficilement contextualisables alors même que les savoirs d’actions présentent une forme de souplesse. Ils peuvent être en effet assimilés à un échantillon de solutions envisageables que

l’enseignant choisit et adapte à la situation en cours. Autrement dit, l’enseignant prend des informations dans la classe, les interprète et mobilise des savoirs d’actions que les élèves reconnaissent comme appartenant au champ de l’autorité éducative.

Pour Robbes (2010), les savoirs d’actions sont de deux types. Les premiers liés aux savoirs disciplinaires et aux dispositifs pédagogiques recoupent les modalités de transmission des connaissances. Les seconds englobent les savoirs relatifs à l’efficacité de la communication de l’enseignant dans la classe. Ainsi, « après avoir mesuré, d’une part, les

savoirs qu’il possède et qu’il doit mettre en acte, d’autre part, le contexte précis de la situation à laquelle il est confronté, celui qui est suffisamment auteur de sa propre existence se déclare responsable, prend en charge de façon à la fois individuelle, autonome et en même temps reliée aux autres la position d’autorité que la situation exige de prendre et de tenir »

(Robbes, 2006, pp.111-122).

Pour l’auteur, ces savoirs dans l’action identifiés par les élèves rendent légitime à leurs yeux l’autorité de l’enseignant qu’ils reconnaissent et à qui, au final, ils obéissent.

1.3.2.Faire autorité ou savoir communiquer

Les savoirs d’action liés à la communication verbale et non-verbale sont aussi à interroger lorsque l’on questionne l’autorité éducative (Robbes, 2010).

La communication verbale renvoie à l’usage de la voix, et plus précisément à l’ensemble de ses caractéristiques : la hauteur, son intonation, ses différentes modulations, sa puissance, son volume, son rythme, son débit, son articulation avec la respiration. Il est essentiel de noter que l’absence de communication verbale par le biais du silence ou de l’attente peut également être efficace pour faire autorité, notamment lors de certaines situations de perturbations. Enfin, l’adaptation aux personnes, l’écoute, l’empathie, ou encore la capacité à faire des compromis sont aussi des composantes fondamentales de la communication verbale.

La communication non-verbale est liée à la dimension corporelle dans son ensemble. Ainsi, on peut citer la posture corporelle de l’enseignant dans sa classe, son tonus, ses gestes, ses mimiques. L’usage de l’espace, la circulation dans la classe font également partie de la communication non-verbale, au même titre que l’utilisation du regard, des expressions du visage.

Il est nécessaire que l’enseignant apprenne à utiliser ces savoirs d’actions liés à la communication sans quoi il sera en difficulté pour faire autorité dans sa classe. Ainsi, par

exemple, confronté à des bavardages entre deux élèves, est-il plus pertinent de les regarder pour leur signifier qu’ils doivent s’interrompre, de s’approcher d’eux ou encore de les interpeller ? De la même manière comment savoir, sans formation, dans quelles situations est- il plus efficace de hausser la voix ou a contrario de chuchoter ? Selon Robbes (2006a), ces savoirs d’actions sont complexes. Il est nécessaire que l’enseignant soit, par exemple, capable d’observer la situation, de prendre rapidement des informations pour en évaluer la gravité, d’évaluer sa légitimité à intervenir ou encore de décider dans l’urgence de la situation quelles modalités d’interventions il pourrait engager.

Ce n’est, selon l’auteur, que lorsque ces savoirs d’action sont maîtrisés et utilisés à bon escient, qu’ils permettent à l’enseignant d’asseoir son autorité.

1.3.3.Savoir d’actions en terme de dispositifs pédagogiques

Afin d’exercer une autorité éducative, l’enseignant doit aussi mettre en place dans sa classe « un rapport non dogmatique au savoir instituant une communauté de recherche (…)

valorisant une culture de la question et du problème.. en s’appuyant sur des pratiques socio- constructivistes et par un rapport plus coopératif à la loi, droit à la parole des élèves, pluralité des opinions, négociation, décision démocratique et sanction formative » (Tozzi,

2006, p. 171-186). Selon cet auteur, l’exercice de l’autorité de l’enseignant n’est donc pas seulement lié aux savoirs notamment disciplinaires dont il dispose. Il est aussi dépendant de sa capacité à organiser les apprentissages. A ce titre, l’auteur considère que l’approche socio- constructiviste, c’est-à-dire l’une des théories de l’apprentissage, est à privilégier car elle considère que l’enfant construit ses savoirs au cœur de situations chargées d’interactions avec l’enseignant mais aussi et surtout avec ses pairs. L’autorité des savoirs n’est donc plus l’apanage du seul enseignant. Elle est en quelque sorte pour partie déléguée au groupe classe. Les choix d’organisation pédagogique qui en découlent permettent de ne plus seulement considérer que l’enfant est directement dépendant de l’adulte. Ils donnent par-là même du crédit au processus d’autonomisation par l’organisation de la situation. Meirieu (2007) rejoint ce point de vue en préconisant, quant à lui, deux piliers pédagogiques que sont la démarche expérimentale et la recherche documentaire. Selon l’auteur, elles permettent toutes deux à l’enfant de se dégager de la « toute-puissance » de l’adulte enseignant en se confrontant à la réalité de la situation et d’y construire par lui-même les savoirs.

Afin de favoriser les apprentissages, l’enseignant doit tout de même penser ses dispositifs afin de créer un cadre contenant, sécurisant, bienveillant et juste permettant

d’accueillir l’élève dans le groupe classe et lui faire sa propre place. Cela peut passer, par exemple, par la pédagogie du projet. Ainsi, « par le projet, l’enfant et l’adolescent

apprennent à s’émanciper de l’autorité-emprise et à respecter et critiquer à la fois […] l’autorité légitime qui s’exprime aussi bien à travers les lois fondamentales sans lesquelles aucun collectif humain ne peut survivre (interdit de l’inceste, interdit de violence, interdit de nuire), l’héritage du passé… » (Meirieu, 2007, p. 25-36). Par ailleurs, il est nécessaire que

l’enfant puisse se confronter à l’autre, adulte mais aussi pair. Des dispositifs favorisant la coopération entre pairs sont donc nécessaires car ils favorisent la confrontation et « l’enfant a

besoin de se confronter à ses pairs pour se construire psychologiquement, socialement et intellectuellement. Il a aussi besoin de se confronter à ses éducateurs car c’est en s’opposant qu’il se pose» (Prairat, 2010b, p.116). Cela lui permet dans un premier temps de se dégager

du moment présent, de l’illusion d’un groupe fusionnel qui entrave l’émancipation et favorise par la suite la rencontre avec l’autre.