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III. Former à l’autorité

1. Introduction

Comme nous avons pu le spécifier dans le cadre théorique, afin de permettre aux enseignants novices de construire et d’exercer leur autorité en classe, il est nécessaire que les formateurs leur transmettent la composante transpersonnelle du métier autrement dit l’ensemble des règles de métier constitutives de l’histoire collective dans laquelle chacun des professionnels peut se reconnaître. C’est en ce sens qu’il faut entendre que l’engagement des formateurs dans la délivrance de leur propre style d’enseignement ne peut suffire et qu’ils doivent transmettre le « genre professionnel » (Clot, 1999). Les collectifs de travail sont justement pour l’auteur la condition de l’émergence de ce dernier, c’est-à-dire des règles du métier. Ces règles « sont les formulations langagières de ce qui est « à faire » pour

enseigner » (Méard et Bruno, 2009, p.30). Lorsqu’ils les délivrent aux enseignants novices,

les formateurs parlent au nom du métier qui fait alors autorité.

Toutefois, même s’il est nécessaire que le métier fasse autorité, cela n’est pas suffisant dans le cadre de la formation des enseignants novices, qui doivent également faire autorité dans leur classe. En effet, les enseignants novices sont des sujets, ils ne peuvent être ainsi assimilés à de simples exécutants d’un métier qui ferait autorité sur eux. Les règles du métier ne leur étant pas imposées mais seulement transmises, ils peuvent faire le choix de les reconnaître comme légitimes ou non. Par ailleurs, après avoir délivré les règles du métier, les formateurs ont aussi pour responsabilité d’aider les enseignants novices à construire leur propre style, c’est-à-dire leurs propres usages du genre professionnel en fonction de ce qu’ils sont et du contexte dans lequel ils travaillent. En effet, l’autorité relevant avant tout de capacités pratiques que les enseignants déploient dans l’action, d’actions contextualisées, les conseils des formateurs doivent aussi relever de la stylisation des règles génériques sans quoi le « faire autorité » ne peut se déployer.

Lors de leurs propres usages en classe de ce que les formateurs leur ont transmis en formation, les enseignants novices sont néanmoins confrontés aux élèves qui négocient avec eux. Ils vont donc être généralement dans la nécessité de retravailler à nouveau les règles déjà stylisées en formation pour les faire jouer dans ce contexte singulier avec efficacité. Ils vont être aussi contraints de « mobiliser des règles de métier dormantes, à en convoquer de

nouvelles, à en inventer » (Méard et Bruno, 2009, p.30). Ils en deviennent alors de véritables

professionnels pleinement « concepteurs » de leur pratique. Suivant et « stylisant » les règles du métier, les enseignants novices en constatent les résultats attendus. Ils prennent alors d’autant plus confiance en eux, prennent des responsabilités et se sentent au final de plus en

plus en confiance face à leurs élèves. Reconnus par leurs formateurs qui se reconnaissent de plus en plus dans leur pratique singulière, les enseignants deviennent pleinement auteurs de leur vie professionnelle. Autrement dit, les règles apprises puis « stylisées » au fil des expériences pratiques de classe consolident leur pôle « avoir de l’autorité ». De fait, ils peuvent plus facilement, d’une part, assumer la dimension statutaire de l’autorité, générationnelle, institutionnelle et symbolique. D’autre part, ils peuvent participer ainsi « de

la dynamique du métier, le fait vivre, le réinvente en le mettant à sa main, le développe en même temps qu’il se développe » (Méard et Bruno, 2009, p.30). Faisant ainsi partie de la

profession, les enseignants novices peuvent donc « être l’autorité ». Investi par le métier qui en retour leur permet d’être du métier, les enseignants novices peuvent au final « être

l’autorité ».

Il est ainsi possible de faire l’hypothèse qu’afin d’aider les enseignants novices à construire et à exercer leur autorité, il est nécessaire dans un premier temps pour les formateurs de délivrer des règles définies collectivement dans le cadre d’un collectif de travail, règles qui font parler le genre professionnel mais que cela n’est pas suffisant. Dans un second temps, il leur faut néanmoins outiller les enseignants, les aider à adapter ce genre à leur contexte de travail, travailler avec eux sur le pôle « faire autorité » afin qu’ils construisent efficacement leur autorité et l’exercent sereinement tout en l’assumant.

Dans cette partie « résultats et premiers éléments de discussion », nous nous attachons tout d’abord à présenter les règles définies par les formateurs dans le cadre du collectif de travail. Ces règles concernent plus précisément la passation des consignes. Ensuite, le suivi longitudinal de deux de ces règles [« Donner un exemple »] et [« Demander aux élèves d’être

attentifs avant de délivrer la consigne »] lors des différents temps du dispositif par chacun des

acteurs est présenté et analysé. Ces deux règles ont été choisies car elles permettent d’illustrer une contribution du suivi des règles par la PES enseignées par les formateurs sur son autorité en classe.

La première de ces règles est étiquetée « Donner un exemple aux élèves ». Elle n’est pas suivie par la PES lors de la première visite du formateur. Sans pour autant que le formateur enseigne la règle à la PES lors de cette première visite, la PES s’engage tout de même, lors de la seconde visite faite par le chercheur, dans un suivi de la règle considérée. L’hypothèse peut donc être faite que la règle avait déjà été construite par la PES dans une autre circonstance de formation et que l’activité du formateur a en quelque sorte permis de la réactualiser. Dans ce cas de figure, la PES suit une règle de métier et s’appuie sur cette dernière pour tenter de faire autorité dans sa classe.

La deuxième règle « Demander aux élèves d’être attentifs avant de délivrer la

consigne » n’est pas non plus suivie lors de la première visite par la PES. Suite au rappel fait

par le formateur, la PES tente de la suivre en visite suivante, témoignant ainsi de sa volonté d’user des règles délivrées. Elle est alors en difficulté pour faire autorité dans sa classe à partir du suivi de cette règle. Elle n’obtient en effet que difficilement le calme et l’attention de ses élèves. Il est ici possible de faire l’hypothèse que la règle n’a pas été réellement apprise par la PES et que l’absence d’un réel enseignement de celle-ci par le formateur ne lui permet pas au final de s’engager dans des suivis efficaces. Dans ce cas, l’autorité du métier n’est pas assez assise pour être une ressource pour la PES.

Ce sont ces deux résultats que nous nous attachons d’analyser dans le détail en suivant pour essayer d’apporter des éléments de réponse à notre objet d’étude.