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Troisième chapitre : Nature de la Nouvelle Droite

La Nouvelle Droite -dénomination recouvrant un ensemble de groupes et de cercles politiques ou culturels qui la situe dans la continuité de la Révolution Conservatrice allemande- entend se dégager de l’ornière de l’extrémisme de droite. La Nouvelle Droite, et en particulier sa principale structure, le G.R.E.C.E., a marqué la vie culturelle de la droite non-conformiste depuis 1968. Son anticonformisme peut être symbolisé par Maurice Rollet, premier président

du G.R.E.C.E., à la fois médecin poète, parolier1, directeur de la revue L’Âtre et l’ami d’Albert

Spaggiari. Dès sa fondation, la Nouvelle Droite se voulait régionaliste et européiste, se démarquant du nationalisme, jugé périmé, de l’extrême droite de l’époque. Elle se réclame d’auteurs non-conformistes aussi différents qu’Eliade, Abellio, Cioran, Mishima, Heidegger, Nietzsche, Daniélou, Dumont… Elle se caractérise aussi, comme l’a montré Anne-Marie Duranton-Crabol, par la forte présence d’une classe d’âge : celle de ceux nés entre 1943 et

19472. René Monzat et Jean-Yves Camus se sont aussi interrogés sur la place de la Nouvelle

Droite au sein des droites radicales. Ils reconnaissent que l’expression « Nouvelle Droite » est floue et s’appuient sur la définition d’Anne-Marie Duranton-Crabol, c’est-à-dire « comme

recouvrant le GRECE et les groupes ou publications, qui lui sont plus ou moins rattachables3. »

En outre, il est quasiment impossible de dire qui fait partie ou a fait partie du G.R.E.C.E., la structure la plus connue de cette mouvance, car il est dans les habitudes des personnes gravitant dans ce milieu de brouiller les cartes. Il y a souvent des compagnons de route de longue date qui, effectivement, n’ont jamais été membres du G.R.E.C.E. mais qui en sont proches, sans compter les personnes qui l’ont été et qui affirment ne plus en faire partie, comme Alain de Benoist, par exemple. Cependant, le G.R.E.C.E. ne recouvre pas toutes les tendances de la Nouvelle Droite. En effet, il existe d’autres groupuscules comme Nouvelles Synergies Européennes de Steuckers, Terre et peuple du trio Vial, Mabire et Haudry, et des groupes structurés autour de revues ou d’éditeurs, sans compter les électrons libres qui ne représentent qu’eux-mêmes.

Il est symptomatique de constater que dans le « Manifeste de la Nouvelle Droite de l’an

2000 »4, publié par Eléments, rédigé par Alain de Benoist et Charles Champetier, il est fait

mention de l’expression « Nouvelle Droite », tandis que dans le Manifeste pour une

1 Il est l’auteur de la chanson de générique du film de Gérard Blain, Pierre et Djamila sorti en 1986. 2 A.-M. Duranton-Crabol, Visages de la Nouvelle Droite, op. cit., p. 21.

3 R. Monzat et J.-Y. Camus, Les droites nationales et radicales en France, op. cit., p. 28. 4 Eléments, n°94, février 1999, pp. 11-23.

renaissance européenne1, qui reprend de façon remaniée et développé le précédent texte,

l’expression « Nouvelle Droite » est remplacée par l’acronyme « G.R.E.C.E. ». Dans le premier cas, l’article parle au nom de la Nouvelle Droite en général, englobant, de fait, toutes les tendances et dissidences de la Nouvelle Droite. Par contre, le second texte n’engage que les membres du G.R.E.C.E., donnant une assise plus restreinte à son contenu. Par ailleurs, il est étonnant qu’Alain de Benoist qui affirme ne plus faire partie du G.R.E.C.E. depuis environ

vingt-cinq ans, selon ses propos2, ait participé à l’élaboration de son manifeste.

Section I/La Nouvelle Droite et son positionnement idéologique A/La naissance médiatique

L’expression « Nouvelle Droite », est le nom donné par les adversaires du G.R.E.C.E., lors de la campagne médiatique, extrêmement violente, de l’été 1979. Mais selon Pierre Vial, la paternité de l’expression « Nouvelle Droite » revient à Louis Pauwels, ce que dément Alain de

Benoist3, « […] qui la trouvait évidemment très valorisante. Elle nous a ensuite collés à la peau.

Je suis de ceux qui le regrettaient, car le mot ‘‘droite’’ nous enfermait dans une vision hémiplégique de la société. Mais lorsque, devenu secrétaire général du GRECE [en 1979], j’ai voulu remplacer l’étiquette ‘‘nouvelle droite’’ par celle de ‘‘nouvelle culture’’, qui me semblait

correspondre beaucoup mieux à nos aspirations, ce fut un bide total4. » Pourtant, le G.R.E.C.E.

existait avant cette campagne, il est né en 1967, et lui a survécu5. Durant cette courte

campagne, plus de cinq cent articles parurent la presse du monde entier. Les articles français les plus marquant ont été publiés par Julien Brunn dans le recueil, La Nouvelle Droite. Le

dossier du « procès »6. Cependant, la campagne de presse de 1979 a fait éclore les définitions

les plus contradictoires. Ainsi a-t-on assimilé la Nouvelle Droite aux nouveaux philosophes ou aux nouveaux économistes. Certains, comme Jean-François Kahn, ont parlé de « stalinisme de droite », de nouvelle franc-maçonnerie, d’autres l’ont accusé de « rouler pour Giscard ». Ce flou idéologique est aussi entretenu par le fait que « Le corpus doctrinal du GRECE n’a cessé

1 GRECE, Manifeste pour une renaissance européenne, op. cit. 2 Entretien avec Alain de Benoist.

3 Ibid.

4 P. Vial, Une Terre, un peuple, op. cit., p. 51.

5 P.-A. Taguieff, Sur la Nouvelle droite, op. cit., p. VI.

de se modifier, ses références fondatrices se sont plusieurs fois renouvelées, les positions de ses

dirigeants se sont bien souvent déplacées, jusqu’à se renverser1. »

B/Nature de la Nouvelle Droite

La Nouvelle Droite n’est pas un feu de paille médiatique : elle dure à travers ses métamorphoses. Malgré un passé d’extrême droite pour la grande majorité des membres fondateurs, la Nouvelle Droite aurait aimé, comme le montrent les propos de Pierre Vial cités ci-dessus, se débarrasser de cette image dévalorisante et disqualifiante. Le marquage, tel au fer rouge, de l’étiquette d’extrémiste de droite est un puissant répulsif, voire l’insulte suprême dans le discours politique français, d’où le souhait des gréciste et notamment de son premier secrétaire de l’époque Pierre Vial, G.R.E.C.E. de préférer l’expression « Nouvelle Culture », plus neutre, avant d’accepter, provisoirement, la filiation droitière.

Ce refus de la position droitière est une constante du discours néo-droitier. En effet, en 2000, le G.R.E.C.E., dans son manifeste publié cette année-là, récuse de nouveau, cette qualification mais reconnaît quelle fut utile « pour être identifiée sans grand risque d’erreur

dans le champ médiatique français2 ». Selon les néo-droitiers, l’expression « nouvelle droite »

possède des un certain nombre de défauts à la fois d’ordre politique et sémantique : « Elle a d’abord une résonance politique, alors que nous nous situons résolument dans une perspective métapolitique : nous ne sommes pas un ‘‘laboratoire d’idées’’ destiné à produire des slogans efficaces pour des politiciens en mal d’imagination. Par ailleurs, la ‘‘Nouvelle Droite’’ désigne dans certains pays des courants de pensée dont nous sommes très éloignés : c’est le cas aux Etats-Unis et en Angleterre, par exemple, où la ‘‘New Right’’ désigne des groupes inspirés du fondamentalisme chrétien et de l’ultralibéralisme économique, ou encore en Italie, où le terme ‘‘Nueva Destra’’ est souvent utilisé pour identifier les politiciens et intellectuels du centre-droit

conservateur-libéral3. » Cependant, concernant la première partie de ces propos, les auteurs de

ce texte oublient que dans le mot « métapolitique », il y a « politique ». La métapolitique a été, en outre, définie par les néo-droitiers comme étant la diffusion dans la société d’idées et de valeurs culturelles dont l’objectif est une transformation politique en profondeur et à long terme, c’est-à-dire qu’il s’agit d’une forme, subtile, de propagande complémentant une action

1 P.-A. Taguieff, Sur la Nouvelle droite, op. cit., p. IX.

2 GRECE, Manifeste pour une renaissance européenne., op. cit., p. 16. 3 Ibid., p. 17.

politique, qui reste toutefois, pour le G.R.E.C.E., très discrète. Par conséquent, il y a une certaine hypocrisie de soutenir de tels propos.

Mais il est aussi vrai que ce manifeste reconnaît la dette que doit le G.R.E.C.E. à certains théoriciens de la gauche : « Notre propre réflexion a souvent été nourrie par des auteurs habituellement classés ‘‘à gauche’’, tandis nous nous situons sur bien des points aux antipodes des penseurs dits ‘‘de droite’’. Notre corpus doctrinal sera donc jugé ‘‘à droite’’ sur certains points, ‘‘à gauche’’ sur d’autres. En vain : il est tout simplement ailleurs, bien loin de ces étiquettes réductrices en voie de péremption rapide, dont la seule fonction est de bloquer les

débats qu’elles prétendent éclairer1. » Ce positionnement ailleurs est l’une des clé du système

discursif néo-droitier.

En effet, dès le milieu des années soixante-dix, la Nouvelle Droite désire s’émanciper des positionnements idéologiques, ce qui est une idéologie en soi, d’ailleurs. Ainsi en 1978, Alain de Benoist tente de se libérer du clivage gauche/droite : « Je me fais une certaine idée de la Troisième Voie. Celle qui rejette, de part et d’autre, les extrémismes et les unilatéralismes. Une ligne juste est toujours nuancée. J’entends par-là qu’elle prend en compte ce qu’il peut y avoir de juste dans chaque système ou dans chaque point de vue. Seule une telle démarche peut aboutir à une synthèse. Mais je ne crois pas non plus que la Troisième Voie soit une voie ‘‘moyenne’’, une sorte de compromis – pas plus qu’une étape transitoire vers l’un ou l’autre des systèmes existants. Toute vraie synthèse est un dépassement. Elle n’est pas un peu de ceci et un peu de cela, successivement, mais ceci et cela, avec la même intensité, au même moment. […] Je n’entends pas par-là que l’on ne soit ‘‘ni de droite ni de gauche’’ –ce qui ne veut rien dire. Mais que l’on parvienne à être en même temps et la droite et la gauche. Je crois que l’avenir appartient à ceux qui seront capables de penser simultanément ce qui, jusqu’ici, n’a été

pensé que contradictoirement2. »

Cette position, le dépassement des clivages jugés périmés perdant chaque jour un peu

plus de leur signification, est encore défendue en 19993. Allant dans ce sens, il publiait, en

2002, dans le forum du magazine Marianne, un texte intitulé : « Tout sauf la droite » dans lequel il critiquait le néolibéralisme de la droite française et incitait à voter en faveur de la

gauche4. Il tentera, d’ailleurs, lors de la création de Krisis en 1988, de discuter avec la gauche5.

En effet, une partie du lectorat de la revue la plus importante de la Nouvelle Droite, Eléments,

1 Ibid., pp. 17-18.

2 A. de Benoist, Vu de Droite. Anthologie critique des idées contemporaines, Paris, Le Labyrinthe, seconde édition 2001, p. 24 (première introduction 1977).

3 R. de Herte, « La droite introuvable », Eléments, n°94, février 1999, p. 3. 4A. de Benoist, « Tout sauf la droite », Marianne du 15 au 22 avril 2002, p. 34-35. 5 P.-A. Taguieff, Sur la Nouvelle droite, op. cit., p. 244.

se réclament de l’écologie et de Jean-Pierre Chevènement : ces tendances de la gauche attirent chacune, en 1994, 6% du lectorat du magazine. Autant ont des sympathies pour l’extrême

gauche1. Cela fait donc 18% du lectorat d’Eléments qui se sent proche de la gauche ! Toutefois,

il ne faut pas oublier que le discours sur le dépassement des clivages gauche/droite est une constante idéologiques des droites révolutionnaires ou fascisantes. Il est vrai aussi qu’il fut soutenu par les « anti-conformistes des années Trente ». De fait, ce type de discours traîne une ambiguïté ne facilitant pas une clarification idéologique. Nous pouvons donc nous demander si ce recours discursif n’est pas un moyen de, simultanément quitter progressivement l’aire d’extrême droite et de ménager les plus radicaux.

En effet, les évolutions doctrinales, que nous avons vu précédemment, ne sont pas toujours visibles de prime abord : Pierre-André Taguieff distingue cinq thèmes importants, se chevauchant ou se succédant, dans le discours de la Nouvelle Droite : premièrement, la dénonciation de l’héritage judéo-chrétien et de son avatar les droits de l’homme ; deuxièmement, la critique de « l’utopie égalitaire », un thème central dans les années soixante- dix ; troisièmement, l’éloge du paganisme repensé comme la véritable religion des Européens avec pour corollaire la « référence, fondatrice et normative, à ‘‘l’héritage indo-européen’’ » ; quatrièmement, la critique de l’économisme, de la vision marchande du monde et de l’utilitarisme libéral, un thème déjà présent dans les années soixante-dix mais qui devient majeur et qui se radicalise à partir de la décennie suivante ; enfin cinquièmement, l’ethnodifférentialisme radical qui apparaît dans la seconde moitié des années soixante-dix qui évolue dans les années quatre-vingt-dix vers un relativisme culturel inspiré de Claude Lévi- Strauss2.

C/La Nouvelle Droite et l’extrême droite

Il s’agit donc, comme le fait remarquer Pierre-André Taguieff, d’un « Singulier objet de controverse : la ‘‘Nouvelle droite’’ est assimilée à l’extrême droite par nombre de journalistes, stigmatisée en tant que néo-nazie par certains militants anti-fascistes, rejetée par la droite libérale pour son anti-américanisme radical, dénoncée comme procommuniste ou crypto gauchiste par les dirigeants lepéniste ou certains idéologues traditionalistes catholiques, accusée de fournir des armes idéologiques à la droite conservatrice, soupçonnée de faire partie

1 B. Petitjean, « Mais qui peut bien lire Eléments ? », Eléments, n°79, janvier 1994. 2 P.-A. Taguieff, Sur la Nouvelle droite, op. cit., pp. 43-44.

d’une internationale ‘‘national-bolchevique’’, suspectée enfin de vouloir séduire l’intelligentsia de gauche en lui ouvrant largement les colonnes de ses revues. […]. La confusion est

manifeste1. » La Nouvelle Droite pose donc au politologue le problème de la classification,

même si globalement elle se situe encore dans le monde des droites radicales. Ainsi, dès 1979, René Rémond reconnaît dans un article paru dans Le Monde que la Nouvelle Droite est incontestablement une nouveauté car elle n’entre dans aucune de ses catégories de la Droite. En effet, celui-ci distingue trois traditions de droite : contre-révolution, bonapartisme et

libéralisme2. Le travail de René Rémond ne permet pas de situer effectivement et objectivement

la Nouvelle Droite dans l’un des champs classiques de la droite même si certains néo-droitiers comme Pierre Vial se sont situés dans les années soixante-dix dans la catégorie du bonapartisme .

Pierre-André Taguieff cerne très bien le problème de la classification du G.R.E.C.E. à compter du début des années quatre-vingt-dix : « Il est difficile […] de situer le GRECE dans le champ politique : son rejet du nationalisme français l’oppose au Front national ; sa récusation du libéralisme et des ‘‘valeurs marchandes’’ le coupe des partis néoconservateurs à la française (‘‘libéraux’’ et néo-gaullistes) ; sa dénonciation du ‘‘cosmopolitisme’’ l’éloigne des néo-socialistes ‘‘humanitaires’’, ‘‘dialogiques’’ et ‘‘planétaires’’ ; son éloge d’une Europe impériale ne peut que déplaire à tous, aux nationalistes comme aux cosmopolites (‘‘libéraux’’, ‘‘écologistes’’, ‘‘socialistes’’) ; sa stigmatisation de l’ordre moral et des intégrismes (notamment catholiques et islamiques) le singularise dans une période où le théologico-

religieux vient ‘‘fanatiser’’ et légitimer les passions nationales ou ethniques3. » Le politologue

Jean-Yves Camus écrivait, quant à lui, qu’en 1996 « […] la nouvelle droite manque de cohérence. C’est une nébuleuse. Le GRECE et les jeunes de Europe-Jeunesse (mouvement de la jeunesse de la nouvelle droite) véhiculent un message plus politique que celui d’Alain de Benoist, du politologue italien Marco Tarchi ou de la revue allemande Junge Freiheit, qui ne sont plus assimilables à l’extrême droite et dont l’objectif est d’établir un espace de

convergence entre adversaires de la ‘‘pensée unique’’. »4

1 Ibid., p. III.

2 R. Rémond, « Nouvelle droite ou droite de toujours », Le Monde, 20 juillet 1979. Cette distinction est pertinente pour celui qui étudie les droite française au XIXe siècle mais présente des inconvénients et surtout des insuffisances dès que nous abordons l’étude des courants idéologico-politiques du XXe siècle : où classer le nationalisme intégral de l’Action Française, les droites révolutionnaires, « préfascistes », étudiées par Zeev Sternhell ? [Z. Sternhell, La droite révolutionnaire 1885-1914. Les origines françaises du fascisme, Paris, Seuil, 1978].

3 P.-A. Taguieff, Sur la Nouvelle droite, op.cit., p. 19.

Le constat de Jean-Yves Camus nous incite à nous poser la question suivante : la Nouvelle Droite est-elle donc encore d’extrême droite ? Cette question incongrue de prime abord l’est moins lorsque nous regardons de plus près. En effet, l’évolution doctrinale du G.R.E.C.E., en particulier la dernière, anti-capitaliste, anti-nationaliste et un anti- ethnocentrique, de fait très proche de celui des altermondialistes, sous l’impulsion conjointe d’Alain de Benoist et Charles Champetier, tend à relativiser l’opinion courante, d’une appartenance à l’extrême droite : En effet, quel groupe d’extrême droite inciterait à faire voter

les étrangers ?1 Confirmant implicitement l’évolution doctrinale, Jean-Yves Camus, qui n’est

pas connu pour sa complaisance vis-à-vis de l’extrême droite, reconnaissait en 1996 qu’Alain

de Benoist ne peut plus être considéré comme appartenant à l’extrême droite2. De plus, le

départ vers le Front National, de certains membres fondateurs du G.R.E.C.E. (Pierre Vial, Jean Mabire, Jean Haudry, Jean-Jacques Mourreau,…) a eu pour conséquence un recentrage de celui-ci sur les débats intellectuels et un renouvellement de ses cadres, souvent dénués de passé politique marqué à l’extrême droite, tel Xavier Marchand, qui fut président du G.R.E.C.E.,

ancien militant du R.P.R., ce qui a facilité cette évolution doctrinale3.

Il est vrai aussi que le G.R.E.C.E. s’est rapproché, à partir des années quatre-vingt, d’une « nouvelle gauche » issue des mouvements de contestation des années soixante, comme par exemple, le Mouvement Anti-Utilitariste en Science Sociale (M.A.U.S.S.) et la revue américaine Telos. De fait il entamera un dialogue avec les animateurs du M.A.U.S.S. : Alain Caillé, son secrétaire général affirmera : « J’ai lu avec un vif intérêt le dernier livre d’Alain de Benoist. D’autant plus vif que je n’y vois pas une page qui ne puisse figurer en bonne place

dans les travaux du MAUSS4 ».

Alain de Benoist a même un début de reconnaissance intellectuelle en France en 1996, en ayant une notice dans le livre de Michel Winock et Jacques Julliard, Dictionnaire des

intellectuels français. Les personnes. Les lieux. Les moments5. De fait, dans ce texte écrit par

Anne-Marie Duranton-Crabol, il est défini comme un philosophe non-conformiste, ce qui lui « […] vaut des marques de reconnaissance dans des sphères très éloignées de l’extrême

droite ?6 » Le contenu même de cette notice dénote une évolution d’Anne-Marie Duranton-

1 GRECE, Manifeste pour une renaissance culturelle., op. cit., pp. 73-74. 2 Jean-Yves Camus, L’extrême droite aujourd’hui, op. cit., p. 21. 3 P.-A. Taguieff, Sur la Nouvelle droite, op. cit., p. 18.

4 Citation reprise in Eléments, n°62, printemps 1987, p. 45.

5 M. Winock et J. Julliard (dir.), Dictionnaire des intellectuels français., op. cit.

6 A.-M. Duranton-Crabol, « Benoist (Alain de) » in M. Winock et J. Julliard (dir.), Dictionnaire des intellectuels

Crabol vis-à-vis de la Nouvelle Droite et d’Alain de Benoist. Cependant, les travaux d’Alain de Benoist sont reconnus intellectuellement aux Etats-Unis et en Italie.

Alain de Benoist, se définissant encore comme un homme de droite, propose un projet de rénovation de celle-ci : La Droite de l’avenir est, selon lui, « une galaxie aux contours plus imprécis, à la fois fédéraliste et régionaliste, personnaliste et communautarienne, dont il n’est pas interdit de penser qu’elle se met en place en cette fin du XXe siècle, en liaison avec la crise de l’Etat-nation et la fin de la modernité. » Bien entendu, « La Nouvelle Droite a l’ambition d’y

contribuer1 », celui-ci oubliant pour une fois son discours sur le dépassement des clivages

gauche/droite.

A propos de l’extrême droite, Alain de Benoist se montre acerbe, relayé par Eléments

qui se moque des skinheads2. La principale cible reste le Front national : « […] on trouve une

droite radicale, souvent désertée par l’intelligence et le talent, et dont l’implosion programmée du parti de la principauté de Saint-Cloud a récemment encore donné la juste mesure. Cette