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Deuxième chapitre : Les références importantes

Comme nous l’avons vu ci-dessus, la Nouvelle Droite possède un corps de références éclectiques qui lui donne son identité. Quelques-unes de celles-ci sont particulièrement polémiques. D’autres lui ont été supposées. Par conséquent, nous nous attacherons dans cette partie à mettre en lumière ces références polémiques, supposées ou réelles, et à montrer l’importance de celles-ci sur les discours passés et présents des différentes tendances de la Nouvelle Droite.

Section I/La filiation avec le nazisme

Un certain nombre de commentateurs, dont René Monzat1, ont insisté sur les liens

supposés entre la Nouvelle Droite et le nazisme. Ces démonstrations sont loin d’être toujours probantes. Pierre-André Taguieff y a consacré un fort intéressant article, « L’héritage nazi. Des

Nouvelles droites européennes à la littérature niant le génocide2 ». Cependant, cette piste

ouverte ne fut jamais exploitée à fond. Une partie du discours néo-droitier peut paraître être une résurgence de celui-ci : élitisme, biologisme, racialisme et référence aux Indo-Européens. Cela d’autant plus facilement que le G.R.E.C.E. a en son sein des membres qui ont été des néo-nazis ou ont été, voire le sont encore, proches des positions nazies : Mabire, Vial, Venner… Fait aggravant, certains anciens S.S. français, Saint-Loup (Marc Augier 1908-1990), Robert Dun (Maurice Martin ?-2004), Henri Fenet (1919-2002), Yves Jeanne ( ?- ?), Pierre Bousquet (1919-1991) notamment, ont participé aux publications et aux activités de la Nouvelle Droite. Un ancien S.S. allemand figure même dans la liste du comité de patronage de Nouvelle Ecole

(il y est entré en 1975). En effet, l’historien Franz Altheim (1898-1981)3 fut un collaborateur de

Heinrich Himmler (1900-1945) et un membre de l’Ahnenerbe4. Ont aussi figuré au comité de

patronage de Nouvelle Ecole Ilse Schwidetzky (1907-1997), une raciologue nazie, et H. Reinerth ( ?- ?), lui aussi ancien nazi.

1 R. Monzat, Enquête sur la Droite extrême, Paris, Le Monde Editions, 1992. Cf. le chapitre intitulé « Les ancêtres du GRECE. La pire hypothèse est la bonne », pp .238-244.

2 P.-A. Taguieff, « L’héritage nazi », art. cit., p. 12.

3 Dans le numéro 53-54, année 20003 de Nouvelle Ecole, il est présenté comme un historien alors qu’en 1982 (Nouvelle Ecole, n°38, été 1982), il est « Docteur en philosophie, docteur en droit, ancien professeur d’histoire ancienne aux universités de Francfort, de Halle/S. et de Berlin, membre correspondant de l’Institut d’archéologie de Münster ».

La Nouvelle Droite a eu aussi des liens avec certains anciens collaborateurs et/ou néo- nazis notoires comme Goulven Pennaod (Georges Pinault) et Savitri Devi (1905-1982). Georges Pinault fut un étrange chargé d’enseignement de la linguistique celtique à l’université

de Lyon III1. Ce personnage assume ses positions nationale-socialistes et régionalistes (il

collabore à Bretagne Réelle). Il a collaboré à Nouvelle Ecole et aux Etudes indo-européennes. Savitri Devi naquit à Lyon en 1905. Elle embrassa les idéaux païens nationaux-socialistes dès les années vingt. Elle partit en Inde au début des années trente à la recherche d’un paganisme aryen encore vivant. Là, elle rejoignit les nationalistes hindous et épousa un Indien. Toutefois, ce n’est qu’après la guerre qu’elle fit la propagande d’une religion « aryo-nazie » faisant d’Adolf Hitler (1889-1945) un avatar de Vishnu destiné à mettre fin à l’âge de fer et à inaugurer l’âge d’or. Elle devint alors une figure reconnue par les nazis et néo-nazis d’Europe

et d’Amérique2. Ainsi, le solidariste Christian Bouchet a rencontré Savitri Devi lors de séjours

en Inde au début des années quatre-vingt et en a gardé un souvenir très mitigé3.

A/Une référence ambiguë vis-à-vis de la S.S.

Toutefois, cette référence au nazisme est plutôt hétérodoxe : les néo-droitiers se réfèrent aux S.S. français qui, recrutés sur le tard, ne combattirent qu’à partir de 1944 et qui furent imprégnés de l’idéologie des dernières années de la guerre, où la S.S., pour attirer des étrangers, fit l’éloge d’une aristocratie européenne. Guido Knopp montre très bien, dans son livre sur la S.S., l’évolution de l’Ordre noir : « Loin d’être un bloc soudé et monolithique, c’était un organisme complexe et dynamique, qui ne cessa de se modifier durant ses vingt

année d’existence4. » Selon les S.S. français, Saint-Loup ou Robert Dun, la S.S. aurait tenté

alors de dépasser le nationalisme étroit du N.S.D.A.P. et certains d’entre eux se seraient même opposés au nazisme. Cette thèse est aussi soutenue par Alain de Benoist pour qui la S.S

contenait « le plus grand nombre d’éléments oppositionnels5 » notamment au sein de

1 H. Rousso, Le dossier Lyon III, op. cit., pp. 83-86.

2 N. Goodrick-Clarke, Hitler’s priestess : Savitri Devi, the Hindu-Aryan Myth, and Neo-nazism, New York/Londres, New York University Press, 1998, édité en France sous le titre: Savitri Devi la prêtresse d’Hitler, trad. J. Plantin, Saint-Genis-Laval, Akribeia, 2000. N. Goodrick-Clarke, « La renaissance du culte hitlérien: aspect mythologique et religieux du néo-nazisme », Politica Hermetica, n°11, Lausanne, L’Âge d’Homme, 1997, pp. 167-184.

3 C. Bouchet, « Savitri Devi Mukherji, le nazisme et la tradition », in S. Devi, Le national-socialisme et la

tradition indienne, Avatar Editions, Les cahiers de la radicalité n°2, 2004, pp. 83-102.

4 G. Knopp (dir.), Les S.S. Un avertissement pour l’histoire [2002], trad. D. Darneau, Paris, Presses de la Cité, 2004, p. 19.

l’Ahnenerbe. Le célèbre Ahnenerbe Institut était chargé de « gérer l’idéologie des S.S. » selon

Pierre Vidal-Naquet1. Parmi ces éléments oppositionnels, les néo-droitiers citent le raciologue

Ludwig Ferdinand Clauss (1892-1974) qui aurait sauvé des Juifs2 et qui a « obstinément refusé

de hiérarchiser les races », ce qui lui provoquera « d’être versé dans la Waffen S.S. à titre

disciplinaire3. » Le néo-païen et nationaliste révolutionnaire Friedrich Hielscher (1902-1990)

est aussi souvent cité par les néo-droitiers comme un autre exemple d’élément oppositionnel au

sein de l’Ahnenerbe4. Ce dernier a toujours méprisé les nazis et a participé à des complots

visant à renverser Hitler en 19445. L’historien allemand Guido Knopp affirme que la forte

présence de théoriciens de la Révolution Conservatrice, notamment völkisch, est dû au fait qu’Himmler « devait nommer à des grades élevés de la SS de nombreux pionniers des idées

völkisch de la période munichoise6. » Cela relativise donc le caractère oppositionnel au sein de

la S.S. : il y aurait bien eu une opposition mais celle-ci reste d’extrême droite.

La thèse courante, dans les milieux radicaux, d’une S.S. faisant l’éloge d’une nouvelle aristocratie a été reprise notamment dans le livre du militant néo-nazi espagnol Ernesto Mila,

Nazisme et Esotérisme7. Cet auteur y développe l’idée selon laquelle la S.S. est « une caste

guerrière » dont les « modèles constitutifs furent tant l’ordre des Chevaliers Teutoniques que

celui du Temple8 », une thèse reprise de l’œuvre de Julius Evola9. Guido Knopp nous montre

que cette idée fut celle d’Heinrich Himmler dès les origines de la S.S., celui-ci voulant créer une nouvelle aristocratie s’inspirant de la caste des Kshatriyas, des samouraïs et des prétoriens romains10.

Selon les néo-nazis « occultisants », il aurait existé au sein de l’Ordre noir un autre ordre composé de l’élite de la S.S., qui aurait reçu un enseignement ésotérique. En effet, Ernesto Mila affirme qu’« On y enseignait l’origine de la race germanique et les symboles

1 P. Vidal-Naquet, L’Atlantide. Petite histoire d’un mythe platonicien, Paris, Les Belles Lettres, 2005, p. 127. 2 Eléments reproduit l’attestation de l’Institut Yad Vashem. C. Champetier, « Ludwig Ferdinand Clauss »,

Eléments, n°89, p. 7.

3 Ibid., p. 7.

4 M. Berkmann, « Le retour des dieux : Friedrich Hielscher, essayiste politique (1926-1933) », Nouvelle Ecole, n°48, année 1996, pp. 99-103 et P. Bahn, « ‘‘Intériorité et art de l’Etat’’ : l’itinéraire de Friedrich Hielscher (1902- 1990), Nouvelle Ecole, n°53-54, année 2003-2004, pp. 170-182.

5 P. Bahn, « ‘‘Intériorité et art de l’Etat’’ : l’itinéraire de Friedrich Hielscher (1902-1990), Nouvelle Ecole, n°53- 54, année 2003-2004, pp. 175-177.

6 G. Knopp (dir.), Les S.S. Un avertissement pour l’histoire, op. cit., p. 122.

7 E. Mila, Nazisme et Esotérisme, trad. B. Dubant, Puiseaux, Pardès, 1990. Ernesto Mila Rodrigez a été un

collaborateur, à la fin des années soixante-dix, de la revue nazie française Notre Europe, animée par Marc Fredriksen. J. Algazy, L’extrême droite en France (1965 à 1984), op. cit., p. 175.

8 Ibid., p. 71.

9 J. Evola, Le fascisme vu de droite suivi de notes sur le troisième Reich [1964], trad. P. Baillet, Puiseaux, Pardès, 1993, pp. 154-155.

utilisée par elle, la mythologie et les runes1. » Cet auteur exprime donc le discours habituel,

dans ces milieux, sur les « Mystères nazis », pour reprendre l’expression de Nicholas

Goodrick-Clarke2, véhiculés depuis les années soixante par toute une littérature occultisante à

commencer par le Matin des magiciens du couple Louis Pauwels/Jacques Bergier3. Cette

fascination morbide pour la S.S. et son discours ésotérico-racialo-militaire, y compris pour ses contemporains, ont été étudiés par Peter Reichel dans son essai majeur, La fascination du

nazisme4. Il consacre d’ailleurs un chapitre à « L’esthétisation de l’extraordinaire : la SS5 ».

Toutefois, Ernesto Mila insiste, de façon inquiétante, sur le fait que « […] jamais la S.S. ne

garda les camps de concentration6. » Propos qui tente de dédouaner, qui minore le rôle de la

S.S., pourtant largement démontré, dans la politique d’extermination des Juifs européens et qui se trouve aux marges du négationnisme.

De fait, c’est ce nazisme occultisant qui principalement intéresse la Nouvelle Droite comme le montre les livres ou les traductions consacrés à ce sujet. Ainsi Saint-Loup, l’un des pères spirituels de la Nouvelle Droite, parle un peu de cette quête mystique de la S.S. dans son

œuvre, notamment dans Nouveaux cathares pour Montségur7 et dans Götterdämmerung8. Son

discours sera repris dans les textes de l’entité bicéphale Jean-Michel Angebert, pseudonyme des néo-droitiers Jean Angelini et Michel Bertrand, auteurs de plusieurs livres d’« histoire

mystérieuse » dans les années soixante et soixante-dix9. Pardès a publié, outre le livre d’Ernesto

Mila cité ci-dessus, différents ouvrages sur cette question dont les livres du S.S. occultiste Otto

Rahn (1904-1938), passionné par le catharisme, Croisade contre le Graal10 et La cour de

Lucifer11 ou de l’universitaire anglais Nicholas Goodrick-Clarke12.

Le S.S. français Saint-Loup est l’une des grandes références nazies de la Nouvelle Droite. C’est un ancien journaliste sportif, proche de l’écologie, chargé de mission de Léo Lagrange en 1936 et l’un des animateurs des Auberges de Jeunesse. A partir de 1938, il s’éloigne de la S.F.I.O. pour se rapprocher de l’extrême droite tout en restant un pacifiste

1 E. Mila, Nazisme et Esotérisme, op. cit., p. 72.

2 N. Goodrick-Clarke, “La renaissance du culte hitlérien », art. cit., pp. 167-184. 3 L. Pauwels et J. Bergier, Le matin des magiciens, Paris, Gallimard, 1960.

4 P. Reichel, La fascination du nazisme [1991], trad. O. Mannoni, Paris, Odile Jacob, 1993. 5 Ibid., pp. 208-217.

6 E. Mila, Nazisme et Esotérisme, op. cit., pp. 13-14 souligné par l’auteur. 7 Saint-Loup, Nouveaux cathares pour Montségur, Paris, Presses de la Cité, 1968. 8 Saint-Loup, Götterdämmerung. Rencontre avec la Bête, Art et Histoire d’Europe, 1986.

9 J.-M. Angebert, Hitler et la tradition cathare, Paris, Robert Laffont, « Les énigmes de l’univers », 1971 ; Les

mystiques du soleil, Paris, Robert Laffont, « Les énigmes de l’univers », 1972 ; Les cités magiques, Paris, Albin

Michel, 1974.

10 O. Rahn, Croisade contre le Graal, op. cit.

11 O. Rahn, La cour de Lucifer [1937], trad. A. d’Apremont, Puiseaux, Pardès, 1997. 12 N. Goodrick-Clarke, Les Origines occultistes du nazisme, op. cit.

convaincu. Sous l’Occupation, il lança avec Alphonse de Chateaubriand (1877-1951) La Gerbe tout en animant le mouvement des Jeunes de l’Europe Nouvelle. En 1941, cet antimilitariste rejoignit la Légion des Volontaires Français contre le bolchevisme (L.V.F.) avec le grade de sergent et se voit confier la rédaction du Combattant français, le journal de la L.V.F.. En 1944, il devint le rédacteur de Devenir, le journal des S.S. français de la division Charlemagne. Il accompagna les nazis dans leur déroute et se réfugia dans un monastère italien. A la Libération, il fut condamné à mort par contumace. Il s’installa en Argentine en 1946 où il occupa des fonctions de conseiller « technique » pour les troupes de montagne avec le grade de lieutenant- colonel. Il rentra en Europe en 1951 et en France en 1953 lors de l’amnistie où il se présenta devant la justice. Il commença une carrière d’écrivain la même année sous le nom de Saint- Loup. Cette même année il rata le prix Goncourt pour son roman, La nuit commence au Cap

Horn, desservi par son passé. Il recommença alors une carrière de journaliste, il participa à des

publications des groupes Hersant et Bourgine et écrivit une trilogie apologétique de la S.S. dans les années soixante et un « cycle des patries charnelles ». Durant cette période, il se rapprocha d’Europe-Action. Mais Saint-Loup fut surtout celui qui transmit l’héritage païen de la S.S. aux régionalistes de l’après-guerre et notamment aux animateurs du G.R.E.C.E.

B/Des divergences importantes

Les références nazies apparaissent au grand jour lorsqu’il s’agit des études indo- européennes. Ainsi, Robert Steuckers a traduit et fait publier, via les Editions Pardès, un texte

sujet à caution : Religiosité indo-européenne de Hans F.K. Günther1, un anthropologue

racialiste allemand ayant adhéré au nazisme, malgré une critique de celui-ci et de son chef2. En

effet, Hans F.K. Gunther fut, durant les années vingt le principal théoricien de l’«anthroposociologie» en Allemagne. Il publia en 1922 un texte, la Raciologie du peuple

allemand, qui allait fournir une partie du credo racial du Troisième Reich dans lequel il

affirmait le métissage, le « batardage », généralisé des Européens. Cet extrémisme choqua une partie des nazis dont Friedrich Merkenschlager (1892-1968), un compagnon de route du mouvement. Hans F.-K. Günther affirma, en outre, l’existence de plusieurs «races» en Allemagne plus ou moins métissée, le maximum de pureté se trouvant au Nord et la plus corrompue au Sud du Reich : la Nordique, La Phalienne, l’Orientale et la Dinarienne, le

1 H. F. K. Günther, Religiosité indo-européenne [1934], trad. R. Steuckers, Pardès, Puiseaux, 1987. 2 H. F. K. Gunther, Mon témoignage sur Adolf Hitler [1969], trad. E. Popelier, Puiseaux, Pardès, 1990.

maximum de pureté se situant dans la Nordique (Poméranie) et le minimum dans la race Dinarienne (correspondant à l’Autriche), le reste de l’Europe étant partagé en six autres «races». Il affirmait aussi que le noyau nordique authentique et vraiment pur du Reich ne comprenait qu’un dixième de sa population. Il postula aussi que le danger social résidait, non dans la coexistence de « races » différentes, mais dans leur métissage y compris entre les «races» allemandes. La race nordique de l’aryen authentique était, selon lui, en état de siège. Le premier responsable de métissage était le christianisme qui avait proclamé l’égalité de tous les hommes à l’image de Dieu. Il fut soutenu sur ce sujet par Alfred Rosenberg (1893-1946),

qui le décora en 19411, et par Walter Darré (1895-1953), Heinrich Himmler et Arthur Dinter

(1876-1948). En 1930, Wilhelm Frick (1877-1946), le ministre de l’intérieur de Thuringe,

l’imposa à l’université d’Iéna comme professeur d’«anthroposociologie»2. Hans F.-K. Günther

entretiendra dans la seconde moitié des années soixante des liens avec de futurs grécistes3.

Nouvelle Ecole fera part de son décès4.

Durant les années quatre-vingt, le rapport vis-à-vis du nazisme évolua : l’ambiguïté existant dans les années soixante-dix disparaît à la fin de la décennie suivante, notamment au

sein du G.R.E.C.E et chez Alain de Benoist5. Toutefois, certains garderont ces liens : Philippe

Conrad, Pierre Vial, Jean Mabire, Jean-Jacques Mourreau, Michel Marmin, Jean-Claude Valla font partie de l’Association des Amis de Saint-Loup. Jean Mabire et Pierre Vial écrivirent des

éloges de Saint-Loup lors de son décès6. De même Jacques Marlaud, alors président du

G.R.E.C.E. lui fit un vibrant hommage lors de son décès7. Par ailleurs, Jean Mabire sous-

entend, dans sa contribution à l’ouvrage collectif Païens !, son intérêt pour le nazisme : « Pendant quelques années, je me suis livré corps et âme à certaines formules que je ne renie pas (comme beaucoup d’autres). Et dans une langue que je ne parlais pas, me contentant de mots de passe : Gottglaubisch, Weltanchauung, Blut und boden, Ahnenerbe. Tout cet univers je le découvrais pêle-mêle, dans des mois fiévreux, sous le soleil noir d’un été brûlant. Disons que je mélangeais un peu politique, religion et esprit guerrier. Comme le bonheur pour Saint-Just,

le paganisme était une idée neuve en Europe8. » Ce « nazisme païen » se retrouve aussi chez

1 P.-A. Taguieff, « L’héritage nazi. », art. cit., p. 10.

2 E. Conte et C. Essner, La quête de la race, Paris, Hachette, 1995. 3 P.-A. Taguieff, « L’héritage nazi. », art. cit., p. 10.

4 Nouvelle Ecole, n°6, hiver 1968-1969, p. 89 cité in P.-A. Taguieff, « L’héritage nazi. », art. cit., p. 9. 5 A. de Benoist, Nazisme et communisme., op. cit.

6 J. Mabire, « Saint-Loup. Le romancier hors-la-loi », in Que Lire ?, t. 1, Lyon, Irminsul, 2002, pp. 269-272 et P. Vial, « L’Homme du Grand Midi. Saint-Loup », in Rencontre avec Saint-Loup, Paris, Les Amis de Saint-Loup, 1991. Réédité in Une terre, un peuple, op. cit., pp. 221-224.

7 J. Marlaud, « Message d’ouverture » in les Actes du XXIVe colloque national du G.R.E.C.E., Nations et

Empires. Histoire et concepts, qui s’est tenu le 24 mars 1991 à Paris, p. 6.

8 J. Mabire, « Itinéraire païen »,Collectif, Païens ! Cheminements au cœur de la véritable spiritualité de l’Europe, Saint Jean des Vignes, Editions de la Forêt, 2001, pp. 110-111.

Pierre Vial. En effet, celui-ci précise dans son livre, Une terre, un peuple, que c’est Saint-Loup

qui est à l’origine de son paganisme1. Pierre Vial fut aussi l’ami du S.S. français Robert Dun2.

Il lui écrivit même la préface de sa traduction commentée d’Ainsi parlait Zarathoustra3. Lors

de son décès, il lui écrivit un article hommage dans Terre et peuple, « En mémoire/Mon

camarade Robert Dun4 ».

Néanmoins, Pierre Milza estime que le discours de la Nouvelle Droite des années

quatre-vingt n’est pas une nouvelle version « plus ou moins aseptisée du national-socialisme5 ».

En effet, « Les éléments de référence, écrit-il, ne manquent pas : une conception de l’histoire reliée au mythe aryen, un néo-paganisme rejetant l’héritage judéo-chrétien, une raciologie fondée à la fois sur l’anthropologie physique, la ‘‘psychologie des peuples’’ et la théorie des ‘‘génies créateurs de créateurs de civilisations’’, l’attachement au passé nordique de l’Europe, à l’esthétique wagnérienne, à un hellénisme repensé par la culture allemande (la statuaire d’Arno Breker occupe une place de choix dans le ‘‘musée imaginaire’’ de la Nouvelle Droite), etc. : tout cela est présent dans les deux cultures politiques, mais avec des différences d’intensité et d’intentionnalité telles qu’il serait inexact et injuste de réduire la pensée néo-droitière de cette époque à une résurgence du nazisme parée des oripeaux de la respectabilité. Il y a dans les fascismes une volonté totalitaire de formatage des individus sur un modèle unique qui est aux antipodes de la pensée néo-droitière, laquelle s’accommode également assez mal de la statolâtrie et du culte de la personnalité qui ont caractérisé les expériences mussolinienne et

hitlérienne6. » Cela dénote une évolution chez Pierre Milza qui affirmait ce lien dans son essai

sur Les fascismes7.

1 P. Vial, Une terre, un peuple, op. cit., pp. 128-129.

2 Ibid., pp. 218-220. R. Dun a aussi participé au livre collectif impulsé par P. Vial, Païens !, op. cit., pp. 53-67. 3 F. Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, Traduction et commentaire de R. Dun, Art et histoire d’Europe, 1988. 4 Pierre Vial, « En mémoire/Mon camarade Robert Dun », Terre et peuple, n°11, printemps 2002.

5 P. Milza, L’Europe en chemise noire., op. cit., p. 206. 6 Ibid., p. 206.

Section II/La filiation avec la Révolution Conservatrice

La Nouvelle Droite ne se présente donc pas comme un avatar du nazisme, elle s’inscrirait plutôt dans la filiation de la Révolution Conservatrice allemande. Cette filiation est d’ailleurs ouvertement revendiquée : Ernst Jünger, Oswald Spengler, Carl Schmitt, pour ne citer que les plus importants font partie de leurs références. En effet, parmi les membres historiques de la Nouvelle Droite il y a un certain nombre de spécialistes de la Révolution

conservatrice dont Dominique Venner1, Alain de Benoist2 et Robert Steuckers3. Alain de

Benoist a, aussi via les Editions Copernic et la collection « Révolution conservatrice » des

Editions Pardès, a réédité des textes de Werner Sombart (1863-1941)4, Ernst Niekisch (1889-

1967)5, Carl Schmitt6, Oswald Spengler7, Arthur Moeller van den Bruck(1876-1925)8… et des

études sur le sujet dont une biographie de Martin Heidegger9 et l’important essai d’Armin