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CHAPITRE 1 : ADDITION INTRAMOLECULAIRE DE Β-CETOESTERS SUR DES DIENES-1,3 CATALYSEE PAR DES

II. BIBLIOGRAPHIE

2. Le triflate de bismuth pour la catalyse de réactions de cyclisation

e. Par réaction de carboalkoxylation intermoléculaire de β-cétoesters sur des diènes-1,3

En examinant la littérature, il s’avère qu’une réaction d’addition intermoléculaire de β-cétoesters sur des diènes-1,3 a été rapportée par le groupe de Li (Schéma 18).19

Les auteurs décrivent une réaction de carboalkoxylation intermoléculaire entre un β-cétoester et le cyclooctadiène en utilisant du triflate de gallium conjointement avec de l’acide triflique. Le produit est formé via une addition en cascade impliquant une hydroalkylation suivie d’une lactonisation, en présence à la fois d’un acide de Lewis et d’un acide de Brønsted. Cependant, l’étendue de la réaction est limitée aux β-cétoesters aromatiques et celui-ci peut être substitué mais le nombre d’exemples est très limité. De plus, les rendements sont, la plupart du temps, modérés en raison de la polymérisation possible du diène engagé.

Schéma 18. Réaction intermoléculaire de carboalkoxylation de diènes endocycliques

Après avoir décrit de manière non exhaustive différentes méthodes de formation de bicyclolactones, nous allons développer les réactions de cyclisation impliquant du triflate de

bismuth, qui sera le catalyseur de choix dans notre réaction tandem

d’hydroalkylation/lactonisation.

2. Le triflate de bismuth pour la catalyse de réactions de cyclisation

Le bismuth est un élément métallique relativement peu courant. C’est le 73ème élément le plus abondant dans la croûte terrestre, ce qui est proche du classement de l’argent. A l’état naturel, il se trouve généralement sous forme de bismuthine (Bi2S3) et est le plus souvent associé aux minerais de plomb, d’argent et d’étain. Il possède un seul isotope "stable" (209Bi). Les

30 domaines majeurs d’application de ce métal se trouvent dans les cosmétiques et en médecine.20 Il est présent à l’état d’oxydation +3 et +5, le premier étant le plus stable. Les sels de bismuth sont de puissants acides de Lewis σ capables d’activer des fonctions oxygénées, azotées ou soufrées vis-à-vis d’additions ou de substitutions. De plus, les sels de bismuth sont capables d’activer des fonctions carbonées insaturées et donc d’agir en tant qu’acide de Lewis  (Schéma 19). Ce sont ces deux caractéristiques complémentaires qui font des sels de bismuth des composés attrayants.21 En particulier, le triflate de bismuth, qui est un solide blanc, est très utilisé en catalyse homogène en raison de sa disponibilité commerciale et de son prix peu élevé (environ 9 € pour 1 mmol). Il est manipulable aisément et, bien qu’hygroscopique, il peut être utilisé hors de la boite à gant, sans perte d’activité, pendant une dizaine de jour environ. Il est aussi plus acide de Lewis que BiCl3 ou BiBr3 de par la présence des anions triflates qui sont relativement encombrants et très électronégatifs ce qui entraine une forte charge positive sur l’atome de bismuth. De plus, ils représentent une alternative aux métaux de transition nobles largement utilisés dans le domaine de la catalyse homogène impliquant l’activation de liaisons C-C multiples.

Schéma 19. Acidités de Lewis σ et π des sels de Bi(III)

Dans cette partie, seules les réactions catalysées par le triflate de bismuth en tant qu’acide de Lewis carbophile seront développées. Des réactions de cyclisations impliquant des nucléophiles carbonés ou oxygénés sont détaillées ci-dessous.

a. Additions inter- et intramoléculaires de nucléophiles carbonés

i. Hydroalkylation d’alcènes

L’hydroalkylation de divers styrènes, du norbornène et du cyclohexadiène avec des composés 1,3-dicarbonylés jouant le rôle de nucléophiles carbonés a été publié par le groupe de Rueping

20 (a) J. A. R. Salvador, S. A. C. Figueiredo, R. M. A. Pinto, S. M. Silvestre, Future Med. Chem. 2012, 4, 1495 ; (b) H. Sun, H. Li, P. J. Sadler, Chem.Ber./Recueil 1997, 130, 669.

21 Pour une revue sur les cyclisations catalysées par Bi(OTf)3 : P. Ondet, G. Lemière, E. Duñach, Eur. J. Org.

31 en 2007.22 Les composés alkylés ont été obtenus en utilisant 5 mol% de Bi(OTf)3 avec de bons rendements. Cette méthodologie a pu être étendue à une version intramoléculaire et a permis d’accéder à une cyclohexanone substituée via une réaction de type Conia-ène (Schéma 20).23

Schéma 20. Hydroalkylation intramoléculaire de β-cétoesters

ii. Hydroarylation d’alcènes

Des dérivés du chromane ont pu être synthétisés à partir de phénols prénylés grâce à un réarrangement sigmatropique [1,3] puis à une cyclisation intramoléculaire (Schéma 21).24 Les auteurs ont proposé une activation de l’alcène par Bi(OTf)3 pour former un carbocation allylique qui va ensuite se recombiner pour donner le produit ortho-prénylé. Ce composé va ensuite immédiatement cycliser pour donner des chromanes avec de bons rendements.

Schéma 21. Réarrangement [1,3] et cyclisation catalysée par Bi(OTf)3

Le groupe de Duñach a développé l’hydroarylation intramoléculaire d’arène-ènes catalysée par du bismuth. Bi(OTf)3∙4H2O s’avère être le complexe le plus actif et il a l’avantage de pouvoir être recyclé cinq fois sans perte d’activité. Des composés bicycliques à six ou sept

22

M. Rueping, B. Nachtsheim, A. Kuenkel, Synlett 2007, 9, 1391.

23 D. Hack, M. Blümel, P. Chauhan, A. R. Philipps, D. Enders, Chem. Soc. Rev. 2015, 44, 6059.

32 chainons ont ainsi pu être synthétisés avec de bons rendements, surtout dans le cas des alcènes terminaux (Schéma 22).25

Schéma 22. Hydroarylation catalytique d’oléfines

iii. Hydroarylation de diènes-1,3

L’équipe de Duñach et Lemière a aussi montré qu’il était possible de réaliser une double hydroarylation intermoléculaire entre des arènes riches en électrons et un équivalent d’isoprène. Pour cela, 5 mol% de Bi(OTf)3 ont été utilisés dans le nitrométhane à température ambiante pendant 2 h pour générer des composés bicycliques avec de très bons rendements (Schéma 23).26

Schéma 23. Réaction de double hydroarylation entre le 1,2-diméthoxybenzène et l’isoprène

De plus, cette méthodologie de synthèse a pu être utilisée pour réaliser une double réaction tandem d’allylation/cyclisation entre le thymol et 2 équivalents d’isoprène. Le composé tétracyclique correspondant a été synthétisé avec un excellent rendement de 92% (Schéma 24).

Schéma 24. Double réaction tandem entre le thymol et l’isoprène

25

B. Cacciuttolo, S. Poulain-Martini, F. Fontaine-Vive, M. Abdo, H. El Kashef, E. Duñach, Eur. J. Org. Chem.

2014, 7458.

33 Le groupe de Caggiano a développé une réaction de type Friedel-Crafts entre des phénols électroniquement appauvris et de l’isoprène (2 équiv.) (Schéma 25).27

Divers chromanes substitués ont alors été obtenus avec de bons rendements et cette méthodologie a pu être appliquée à la synthèse de produits naturels biologiquement actifs.

Schéma 25. Prénylation et cyclisation du parabène de méthyle

iv. Hydroarylation d’allènes

La réaction d’hydroarylation d’allènes peut être catalysée par Bi(OTf)3 dans le nitrométhane à température ambiante et permet d’avoir accès à des dérivés bicycliques avec de bons rendements (Schéma 26, Éq. 1).28 Lorsque la réaction est réalisée au reflux du nitrométhane, une seconde réaction d’hydroarylation se produit permettant alors la formation de composés tricycliques (Schéma 26, Éq. 2). De plus, cette double hydroarylation est possible en version intermoléculaire avec d’excellents rendements.

Schéma 26. Hydroarylation d’allènes catalysée par Bi(OTf)3

27 K. E. Judd, L. Caggiano, Org. Biomol. Chem. 2011, 9, 5201.

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v. Cycloisomérisation de triènes et d’aryldiènes

L’équipe de Duñach a également montré que des triènes pouvaient être cyclisés en composés polycycliques avec de bons rendements en présence de 5 mol% de Bi(OTf)3 (Schéma 27).29 La réaction procède via une activation de la double liaison terminale du groupement géranyle, qui entraine alors une cascade cationique de deux cyclisations suivies d’un réarrangement 1,2 de méthyle.

Schéma 27. Double cyclisation et réarrangement 1,2 de méthyle à partir d’un triène

De la même manière, des aryldiènes ou aryltriènes ont pu être convertis en polycycles aromatiques avec d’excellents rendements. Dans ce cas, la stéréochimie du substrat de départ est importante puisqu’avec le substrat (E), une sélectivité totale en faveur du produit trans a été obtenue, conformément au postulat de Stork-Eschenmoser.30 En revanche, lorsque le substrat (Z) a été utilisé, un mélange de composé cis et trans a été obtenu (Schéma 28). Le mécanisme de la réaction et sa stéréosélectivité ont été confirmés par des études expérimentales et théoriques.31 Il est d’ailleurs à noter que la réaction ne fonctionne pas en présence de tamis moléculaire et que l’acide triflique, probablement issu de l’hydrolyse partielle du catalyseur, catalyse en partie la réaction. Cela laisse à supposer que la réaction de cycloisomérisation est catalysée par un acide de Lewis assisté par un acide de Brønsted.32

29J. Godeau, S. Olivero, S. Antoniotti, E. Duñach, Org. Lett. 2011, 13, 3320.

30 (a) G. Stork, A. W. Burgstahler, J. Am. Chem. Soc. 1955, 77, 5068 ; (b) P. A. Stadler, A. Echenmoser, H. Schinz, G. Stork, Helv. Chim. Acta. 1957, 40, 2191.

31 J. Godeau, F. Fontaine-Vive, S. Antoniotti, E. Duñach, Chem. Eur. J. 2012, 18, 16815.

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Schéma 28. Cyclisation d’un aryldiène en présence de Bi(OTf)3

Ce type de polycyclisation a ensuite été appliqué à l’accès à un intermédiaire de la synthèse totale de la taiwaniaquinones A/F et des taiwaniaquinols B/D (Schéma 29).33 Bi(OTf)3 s’est avéré être le catalyseur le plus actif et quatre produits naturels ont pu ainsi être préparés après diverses transformations de cet intermédiaire commun.

Schéma 29. Synthèse d’un composé tricyclique catalysé par Bi(OTf)3

Outre la formation de liaisons C-C, le bismuth est aussi capable d’activer des alcènes vis-à-vis de nucléophiles oxygénés.

b. Additions intramoléculaires de nucléophiles oxygénés

i. Les alcools en tant que nucléophiles

Une réaction d’hydroalkoxylation intramoléculaire d’oléfines non activées permettant d’accéder à des éthers cycliques a été développée par le groupe de Lambert (Schéma 30).34

Des éthers cycliques fonctionnalisés ont alors été obtenus avec d’excellents rendements et une bonne diastéréosélectivité.

Schéma 30. Hydroalkoxylation intramoléculaire d’alcènes non activés

33 J. Deng, R. Li, Y. Luo, J. Li, S. Zhou, Y. Li, J. Hu, A. Li, Org. Lett. 2013, 15, 2022.

36 Duñach a développé une réaction tandem entre un α-hydroxyéther d’énol et un alcène pour former des composés bicycliques liés à un oxaspirocycle en utilisant une faible charge catalytique de Bi(OTf)3 (1 mol%) (Schéma 31).26 Le mécanisme montre que l’éther d’énol est tout d’abord activé par Bi(OTf)3 pour former un intermédiaire oxacarbénium qui est engagé dans la double cyclisation via un mécanisme concerté.

Schéma 31. Réaction tandem entre un α-hydroxy éther d’énol et un alcène

ii. Les cétones en tant que nucléophiles

Des 2-arylfuranes ont pu être synthétisés avec de bons rendements par réaction intramoléculaire entre une arylcétone et un alcyne via une cyclisation 5-exo-dig (Schéma 32).35 Divers groupements aromatiques donneurs ou accepteurs sur l’arylcétone ainsi que des substituants sur l’alcyne sont compatibles avec la réaction.

Schéma 32. Synthèse d’arylfuranes par réaction entre un alcyne et une arylcétone

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iii. Les esters en tant que nucléophiles

Des γ-lactones ont pu être formées par réaction entre une oléfine et un des groupements esters catalysées par Bi(OTf)3 hydraté(Schéma 33).25 Seules des lactones à cinq chainons ont pu être synthétisées mais les rendements sont excellents. Le mécanisme proposé implique la formation d’un intermédiaire cationique qui peut ensuite subir une addition nucléophile d’un des esters et qui après régénération du catalyseur et départ d’une molécule d’éthanol va permettre d’obtenir la γ-lactone attendue.

Schéma 33. Réaction de lactonisation et mécanisme proposé

Des lactones peuvent aussi être formées avec de bons rendements par hydrooxycarbonylation intramoléculaire d’un alcynylester. Le mécanisme proposé implique une activation à la fois de l’alcyne et de l’ester (Schéma 34).36

Schéma 34. Réaction de carbo-oxycarbonylation d’un alcynylester