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1.2 Les structures Supraconducteur/Ferromagn´etique

1.2.5 Tricouches F 1 /S/F 2 type vannes de spin

L’effet de proximit´e inverse qui agit sur le supraconducteur dans un syst`eme F1/S/F2n’est pas seulement la somme des effets qui interviennent aux deux interfaces prises s´epar´ement. En effet la temp´erature de transition doit ˆetre l´eg`erement diff´erente entre le cas o`u les aimantations des deux couches ferromagn´etiques sont dans le mˆeme sens et le cas o`u elles sont de sens oppos´e. Pour pouvoir contrˆoler la direction relative des aimantations, les deux couches ferromagn´etiques doivent avoir les mˆemes propri´et´es que dans les vannes de spin classiques dont nous allons mentionner bri`evement le principe de fonctionnement.

L’effet vanne de spin classique

Une vanne de spin classique est un dispositif dont la r´esistance peut changer jusqu’`a 20% lors de l’application d’un faible champ magn´etique et qui conserve cet ´etat apr`es disparition du champ. Diff´erentes r´ealisations pratiques permettent de les utiliser soit pour leur grande magn´eto-r´esistance dans les tˆetes de lecture, soit pour leur hyst´er´esis dans les m´emoires non-volatiles. Ce sont toujours des variantes d’une mˆeme structure de base, `a savoir une tricouche comprenant un m´etal normal en sandwich entre deux films ferromagn´etiques de champs coercitifs diff´erents. Lorsqu’un champ magn´etique ext´erieur est appliqu´e parall`element aux couches, la direction des deux aimantations se renverse pour des valeurs de champ diff´erentes (figure 1.23). Il existe ainsi des r´egions o`u elles sont parall`eles et de mˆeme sens et des r´egions o`u elles sont anti-parall`eles. Pour obtenir une grande sensibilit´e de la magn´eto-r´esistance on utilise un mat´eriau avec un tr`es faible champ coercitif (ex : Fe20Ni80). Le champ coercitif de l’autre couche (ex : Co) peut ˆetre augment´e par rapport `a sa valeur nominale par couplage avec une sous-couche antiferromagn´etique (ex : NiO).

H Hc1 Hc2 ∆R/R M Hc2 Hc1 H

Fig. 1.23 – Cycle d’aimantation et cycle de magn´eto-r´esistance d’une vanne de spin classique.

L’origine de la magn´eto-r´esistance g´eante de ces syst`emes est l’existence de diffusions qui d´ependent du spin. Supposons le courant appliqu´e perpendiculairement aux interfaces dans la g´eom´etrie de type jonction. Les ´electrons traversent les trois couches et subissent des diffusions aux interfaces et sur les d´efauts des couches ferromagn´etiques en conservant leur spin. Dans le cas des m´etaux de transition 3d comme le fer, le cobalt et le nickel, si le spin est parall`ele `a l’aimantation, la diffusion est faible, alors que dans le cas contraire, elle est

1.2. LES STRUCTURES SUPRACONDUCTEUR/FERROMAGN´ETIQUE importante (figure 1.24). Ainsi dans le cas d’aimantations de mˆeme sens, un type de spin est fortement diffus´e dans les deux couches (r´esistance ´egale `a 2 R) et l’autre ne l’est quasiment pas (2 r). Si elles sont anti-parall`eles, les deux types de spin sont diffus´es fortement une seule fois (R+r). L’association en parall`ele des deux r´esistances donne respectivement 2 R r/(R+r) et (R + r)/2, la premi`ere ´etant plus faible que la seconde car r ≪ R. La r´esistance augmente donc lorsque les deux couches sont mises dans l’´etat anti-parall`ele par application d’un champ magn´etique (figure 1.23). Cet effet de magn´eto-r´esistance d´ecroˆıt avec l’´epaisseur du m´etal normal sur sa longueur de diffusion spin-flip. Il existe une autre configuration possible o`u le courant est inject´e parall`element aux couches et qui pr´esente ´egalement des effets de magn´eto-r´esistance g´eante. Les ´electrons se d´epla¸cant essentiellement dans le m´etal normal et parall`element aux interfaces, ils ne sont sensibles aux deux couches ferromagn´etiques que si l’´epaisseur du m´etal normal est inf´erieure au libre parcours moyen ´elastique.

F

2

N

F

2

F

1

N F

1

Fig.1.24 –Origine de la magn´eto-r´esistance g´eante dans les vannes de spin classique. Les ´electrons sont diffus´es plus fortement lorsque leur spin est oppos´e `a l’aimantation.

Le cas supraconducteur : un effet de proximit´e inverse

Les supraconducteurs ont intrins`equement une forte magn´eto-r´esistance puisqu’ils tran-sitent de l’´etat supraconducteur `a l’´etat normal lorsque le champ d´epasse le champ critique. Cette transition se fait g´en´eralement sous champ assez fort, plus ou moins progressivement suivant la mani`ere dont les vortex sont pi´eg´es par des d´efauts et disparaˆıt apr`es suppression du champ. L’id´ee du dispositif vanne de spin avec un supraconducteur est de provoquer la transition non pas par l’effet direct d’un champ magn´etique, mais par le changement des conditions aux limites impos´ees au condensat. Le syst`eme se compose d’un film supracon-ducteur pris en sandwich entre deux m´etaux ferromagn´etiques dont les aimantations peuvent ˆetre parall`eles ou anti-parall`eles de fa¸con similaire aux vannes de spin classiques. L’effet de proximit´e inverse abaisse l’´energie de condensation de l’´etat supraconducteur et r´eduit la temp´erature de transition de mani`ere diff´erente pour les deux configurations. L’origine de la sensibilit´e de la fonction d’onde supraconductrice `a la direction relative des aimantations vient de l’appariement des ´electrons en paires de spins oppos´es et requiert une ´epaisseur de supraconducteur dS inf´erieure ou de l’ordre de la longueur de coh´erence ξS. Cet effet n’est

CHAPITRE 1. DESCRIPTION DES EFFETS DE PROXIMIT´E

donc pas un ph´enom`ene de transport comme dans le cas de la vanne de spin classique, mais une propri´et´e d’´equilibre qui consid`ere l’´energie de l’´etat fondamental. Suivant la nature des mat´eriaux et des interfaces, la temp´erature de transition dans l’´etat parall`ele peut ˆetre soit sup´erieure soit inf´erieure `a celle dans l’´etat parall`ele, car diff´erents m´ecanismes sont mis en jeux.

Ferromagn´etiques isolants et supraconducteur balistique

En 1966 de Gennes [31] remarque que l’effet de proximit´e inverse doit ˆetre trop fort dans le cas des m´etaux ferromagn´etiques pour qu’il soit possible de r´eduire l’´epaisseur du supraconducteur en-dessous de sa longueur de coh´erence sans d´etruire la supraconductivit´e. Il propose donc d’utiliser des mat´eriaux ferromagn´etiques isolants, ce qui supprime l’effet de proximit´e, ainsi qu’un supraconducteur balistique. Lorsqu’un ´electron de conduction se r´efl´echit sur une interface avec l’un des ferromagn´etiques, sa fonction d’onde acquiert un facteur de phase au cours de la diffusion sur la premi`ere couche atomique. Le signe de cette phase d´epend de la direction du spin −→s de l’´electron par rapport `a celle des spins S du ferromagn´etique, car l’interaction est de la forme Γ −→s ·S . En r´egime balistique, l’´electron effectue des aller-retours entre les deux interfaces et les facteurs de phase s’ajoutent dans le cas d’aimantations parall`eles (P), ou se compensent dans le cas anti-parall`ele (AP). Une paire de Cooper ´etant compos´ee de deux ´electrons de spins oppos´es, leur phase relative se s´epare dans le cas (P) ce qui d´etruit la paire et abaisse la temp´erature de transition. Dans le cas (AP) leur phase relative reste constante et la temp´erature de transition n’est pas affect´ee. Ce syst`eme peut se mod´eliser en disant que le cas (P) correspond `a un champ d’´echange moyen h0 appliqu´e `a l’ensemble de la tricouche, alors que dans le cas (AP) les deux effets se compensent et le champ est nul. Plus pr´ecis´ement, la valeur moyenne du champ d´epend de l’angle θ entre les deux aimantations : h(θ) = h0| cos(θ/2)|. Ce champ d’´echange ef-fectif d´etruit l’appariement en paires de Cooper et r´eduit l’amplitude de condensation. Ce m´ecanisme conduit `a des temp´eratures de transition :

TcP < TcAP (1.32) Ce syst`eme a ´et´e r´ealis´e exp´erimentalement par Deutscher et al. [36] avec un film su-praconducteur balistique en indium et des films ferromagn´etiques en alliage fer-nickel et en nickel. Ces derniers sont volontairement oxyd´es aux interfaces avec le supraconduc-teur pour r´eduire fortement l’effet de proximit´e et conserver la supraconductivit´e avec des ´epaisseurs inf´erieures `a la longueur de coh´erence. Ils ont obtenus une temp´erature de tran-sition plus faible dans le cas parall`ele conform´ement au mod`ele de de Gennes : TP

c = 2.6 K < TAP

c = 2.85 K.

Hauser [49] a ´egalement montr´e cet effet dans des tricouches o`u le film d’indium est entre deux couches de ferrites Fe3O4 qui sont des isolants ferromagn´etiques. TAP

c est ´egale `a la valeur de l’indium pur (3.4 K) quelle que soit l’´epaisseur dS du supraconducteur et TP

c

diminue proportionnellement `a l’inverse de l’´epaisseur dS (mesur´ee jusqu’`a TP

1.2. LES STRUCTURES SUPRACONDUCTEUR/FERROMAGN´ETIQUE Ferromagn´etiques m´etalliques fortement polaris´es

Un autre processus a ´et´e propos´ee r´ecemment par Deutscher et Feinberg [35] dans le cas de m´etaux ferromagn´etiques fortement polaris´es. Ce syst`eme a ensuite ´et´e ´etudi´e par Falci et al. [39] et par M´elin [65]. Supposons pour simplifier que les ferromagn´etiques soient polaris´es `a 100% avec un seul type de spin au niveau de Fermi (dioxyde de chrome CrO2, manganites LaSrMnO3, alliages d’Heusler NiMnSb). Il n’y a pas d’effet de proximit´e possible pour une bicouche S/F car la r´eflexion d’Andreev a besoin des deux types de spin. Par contre s’il y a deux interfaces comme dans le cas F1/S/F2 et si les aimantations sont anti-parall`eles, une paire peut quitter le condensat avec l’´electron de spin up qui part d’un cˆot´e et l’´electron de spin down de l’autre. Ce processus ne peut avoir lieu que si l’´epaisseur dS entre les deux ferromagn´etiques est inf´erieure `a la longueur de coh´erence ξS. Cette fuite de paire est responsable d’un effet de proximit´e inverse qui abaisse la temp´erature de transition dans le cas anti-parall`ele. Une tricouche vanne de spin F1/S/F2 o`u les m´etaux ferromagn´etiques sont polaris´es `a 100% a donc un comportement oppos´e `a celui du paragraphe pr´ec´edent avec :

TcP > TcAP (1.33) Cette r´eflexion d’Andreev crois´ee ne produit pas de coh´erence, car l’´electron et le trou sont dans des r´egions diff´erentes, mais elle doit g´en´erer des corr´elations entre les courants inject´es de chaque m´etal ferromagn´etique vers le supraconducteur dans un syst`eme `a plu-sieurs ´electrodes. Par ailleurs, pour une polarisation de 100%, la conductance entre les deux ´electrodes ferromagn´etiques est nulle pour le cas parall`ele car aucun transfert d’´electron n’est possible sous le gap. Elle devient non-nulle pour le cas anti-parall`ele car le processus de r´eflexion d’Andreev non-locale permet le passage des ´electrons. Il en r´esulte donc une tr`es grande magn´eto-r´esistance.

S

S F

2

F

1

F

2

F

1

Fig. 1.25 – Tricouche F1/S/F2 avec des ferromagn´etiques fortement polaris´es. A gauche : pas d’effet de proximit´e dans le cas parall`ele. A droite : effet de proximit´e non-local dans le cas anti-parall`ele.

Ferromagn´etiques m´etalliques non-polaris´es avec ´energie d’´echange

Propos´e ind´ependamment par Buzdin et al. [22, 6] et par Tagirov [84], le cas auquel nous nous sommes int´eress´es exp´erimentalement utilise l’effet de proximit´e inverse habituel. Contrairement au cas ci-dessus, on suppose que les densit´es d’´etats au niveau de Fermi

CHAPITRE 1. DESCRIPTION DES EFFETS DE PROXIMIT´E

pour les deux types de spins sont ´egales et que seule l’´energie d’´echange intervient. La r´esolution des ´equations d’Usadel dans le formalisme des fonctions de Green permet de cal-culer la temp´erature de transition dans les deux configurations d’aimantations comme nous le verrons dans le prochain chapitre. Buzdin et Tagirov ont montr´e que la temp´erature de transition dans la configuration anti-parall`ele est sup´erieure `a celle obtenue dans la configu-ration parall`ele. Cependant nous montrerons dans la partie 2.4.2 que pour certaines valeurs des param`etres, ces ´equations pr´edisent un ordre des temp´eratures de transition qui peut s’inverser, ce qui n’avait pas ´et´e remarqu´e auparavant.

Les deux valeurs TP

c et TAP

c sont fortement abaiss´ees par rapport au supraconducteur isol´e d’une quantit´e correspondant `a deux bicouches ind´ependantes F/S+S/F. La d´ependance avec les directions d’aimantations dans le cas F1/S/F2 est une petite correction `a cet effet dˆu au couplage possible entre les deux interfaces. Pour avoir une diff´erence significative, l’´epaisseur du supraconducteur doit ˆetre inf´erieure `a la longueur de coh´erence. Et dans ce cas l’effet de proximit´e inverse tr`es fort et peut supprimer la supraconductivit´e avant mˆeme d’avoir atteint ce r´egime. La r´ealisation exp´erimentale d’un tel syst`eme n´ecessite donc l’utilisation de mat´eriaux ferromagn´etiques de tr`es faible ´energie d’´echange pour r´eduire cet effet de proximit´e non-coupl´e.

Cet effet est pr´edit par le formalisme des fonctions de Green, la diff´erence de temp´erature de transition venant d’une diff´erence de courant de fuite entre les deux configurations. Ce-pendant ces calculs ne permettent pas de comprendre l’origine physique de l’effet en terme d’´etats d’Andreev.

Chapitre 2

Calcul des grandeurs caract´eristiques

Les ´equations de Bogoliubov-de Gennes permettent de d´eterminer les fonctions d’ondes des ´etats d’Andreev dans le r´egime balistique, mais elles ne sont pas adapt´ees au calcul des valeurs moyennes des propri´et´es d’un syst`eme diffusif. C’est pourquoi nous allons pr´esenter le formalisme semi-classique des fonctions de Green afin d’obtenir les grandeurs caract´eristiques des diff´erents syst`emes de proximit´e ´etudi´es exp´erimentalement dans les chapitres 3 et 4. Nous calculerons ainsi le courant critique d’une jonction Josephson S/F/S et la temp´erature de transition des multicouches S/F en utilisant des r´esultats obtenus par diff´erents groupes.

Nous allons en particulier d´eriver une formule analytique pour la densit´e spectrale de supercourant dans les jonctions S/N/S en utilisant l’approximation des ´equations lin´eaires qui suppose une faible amplitude des corr´elations supraconductrices. Cette formule peut ˆetre directement ´etendue sans nouveau calcul au cas des jonctions S/F/S en ajoutant le d´ephasage dˆu `a l’´energie d’´echange, aussi bien dans le cas des jonctions longues que des jonctions courtes. L’origine du supercourant n´egatif (pour φ = π/2) apparaˆıt aussi simplement que dans le cas balistique pr´esent´e dans le chapitre pr´ec´edent. En outre cette formulation spectrale permet d’analyser le rˆole de la temp´erature qui provoque un changement de signe du supercourant accompagn´e d’une transition 0-π, comme nous le verrons dans l’´etude exp´erimentale du chapitre 4.

CHAPITRE 2. CALCUL DES GRANDEURS CARACT´ERISTIQUES

2.1 Formalisme des fonctions de Green semi-classiques

Dans le chapitre pr´ec´edent, nous avons d´ecrit comment la fonction d’onde d’un ´electron du m´etal normal interf`ere avec elle-mˆeme apr`es deux r´eflexions d’Andreev sur le supracon-ducteur et produit des interf´erences. Dans la vision semi-classique, l’´electron se d´eplace sous la forme d’un paquet d’onde dont l’extension spatiale doit ˆetre suffisante pour pouvoir se superposer et interf´erer avec lui-mˆeme apr`es les deux r´eflexions d’Andreev. La description semi-classique doit donc conserver une partie de l’information quantique sur l’extension et la coh´erence des fonctions d’onde pour pouvoir expliquer l’effet de proximit´e. C’est pour cette raison que le formalisme des fonctions de Green semi-classiques n´ecessite d’utiliser deux fonc-tions : la fonction de Green normale G(ǫ, r) correspond simplement aux ´etats `a une particule et la fonction de Green anormale F (ǫ, r) permet de d´ecrire la propagation de la coh´erence `a deux particules apport´ee par le supraconducteur.