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2.3 Supercourant dans les jonctions S/F/S

2.3.1 Faible ´energie d’´echange

L’expression analytique du courant Josephson dans le cas S/N/S et les consid´erations du chapitre pr´ec´edent sur l’influence de l’´energie d’´echange permettent de passer facilement au cas S/F/S. Commen¸cons par le cas d’une faible ´energie d’´echange Eex ≪ ∆ et d’une jonction longue ET h ≪ ∆.

Nous avons vu que le d´ephasage suppl´ementaire ∆ϕ = 2 q x des paires d’Andreev (↓↑) est compens´e par l’´energie cin´etique pour les paires `a l’´energie ǫ = Eex. Ceci correspond `a la fois `a un d´ecalage des ´etats li´es et `a un d´eplacement du maximum de la longueur de coh´erence Lǫ qui passe de ǫ = 0 `a ǫ = Eex. La densit´e spectrale de supercourant NJ↓↑(ǫ) est donc simplement obtenue en d´ecalant la fonction NJ(ǫ) de +Eex, comme sur la figure 2.7.

Il est possible de faire le lien entre les oscillations de densit´e spectrale de supercourant et la position des ´etats li´es. Les ´etats (+) et (−) sont s´epar´es par la diff´erence de phase φ qui se traduit en r´egime diffusif par une simple d´ependance en sin φ de l’amplitude (nous repr´esenterons ainsi toujours le cas φ = π/2 correspondant au maximum de supercourant). A cause du d´ecalage de +Eex, les ´etats de type (n = −1)(−) apparaissent au-dessus du niveau de Fermi et transportent un courant n´egatif. La d´ecroissance exponentielle du r´egime diffusif ´etant maintenant centr´ee sur ǫ = Eex et non sur ǫ = 0, les ´etats de type (n = −1)(−) et (n = 0)(+) se compensent parfaitement lorsque l’´energie d’´echange est ´egale `a la valeur du premier z´ero soit 15 ET h. C’est alors les ´etats de type (n = 0)(−) qui permettent de dire que le supercourant total n´egatif conduisant `a l’´etat fondamental π.

Il faut ´egalement tenir compte des paires (↑↓) dont la fonction NJ↑↓(ǫ) correspond `a un d´ecalage de −Eex et la densit´e spectrale totale est la somme des deux contributions :

NJ(ǫ) = NJ↓↑(ǫ) + NJ↑↓(ǫ) (2.31) Dans le cas ET h ≪ ∆, le premier terme de l’expression (2.25) contenant le gap ∆ ne contribue pas et la fonction NJ(ǫ)F dans le cas S/F/S est obtenue `a partir de la fonction NJ(ǫ)N du cas S/N/S par : NJ(ǫ)F = 1 2NJ(ǫ − Eex)N + 1 2NJ(ǫ + Eex)N (2.32) NJ(ǫ)F = Im " 1 2 p−2i(ǫ − Eex)/ET h sinhp−2i(ǫ − Eex)/ET h

+ 1 2

p−2i(ǫ + Eex)/ET h sinhp−2i(ǫ + Eex)/ET h

# sin φ

(2.33) qui est bien toujours une fonction impaire. La densit´e de supercourant est repr´esent´ee sur la figure 2.8 pour Eex= 13 ET h, o`u l’on reconnaˆıt la contribution des deux types de paires (↓↑) et (↑↓). A temp´erature nulle, le supercourant total est donn´e par l’int´egrale de NJ(ǫ) sur les ´energies ǫ > 0 : Is(0) = 2 2 e Rn Z +∞ 0 NJ(ǫ) dǫ (2.34)

CHAPITRE 2. CALCUL DES GRANDEURS CARACT´ERISTIQUES -40 -20 0 20 40 -0.8 0.0 0.8 NJ ( ε ) ε / ETh Eex (-) (+) n = -1 n = 0 (-) (+)

Fig. 2.7 – Densit´e spectrale de supercourant (pour φ = π/2 et ET h ≪ ∆) d´ecal´ee de la valeur de l’´energie d’´echange Eex = 13 ET h pour les paires (↓↑). Correspondance avec les ´etats li´es discrets du r´egime balistique unidi-mensionnel (traits verticaux).

-40 -20 0 20 40 -0.8 0.0 0.8 NJ ( ε ) ε / ETh -1 0 1 Eex Eex h ( ε )

Fig. 2.8 – Densit´e spectrale de supercou-rant d’une jonction S/F/S (pour φ = π/2 et ET h ≪ ∆) modifi´ee par la pr´esence de l’´energie d’´echange Eex = 13 ET h qui agit sur les paires (↑↓) et (↓↑). Fonction de distribution h(ǫ) `a l’´equilibre thermique pour kBT = 5 ET h (pointill´es).

Sa valeur est n´egative car les contributions des parties n´egatives exc`edent la contribution de la partie positive. Dans cette situation, la jonction a ainsi une relation courant-phase sinuso¨ıdale de supercourant n´egatif en φ = π/2, on parlera de courant critique n´egatif. L’´etat fondamental devient l’´etat π avec φgs = π comme nous l’avons d´ej`a vu dans le cas balistique discut´e dans le chapitre pr´ec´edent. La d´ependance du courant critique `a temp´erature nulle en fonction de l’´energie d’´echange est repr´esent´ee sur la figure 2.9 qui montre le changement de signe pour E

ex = 8 ET h.

Il est naturel d’utiliser le rapport des ´energies Eex/ET hpour d´ecrire l’´evolution du courant critique car ce param`etre caract´erise la position des ´etats d’Andreev, mais on peut aussi l’´ecrire comme un rapport de longueurs :

dF

ξF

=r Eex

ET h

(2.35) L’interpr´etation en terme de longueurs est la plus couramment utilis´ee [21, 78] bien qu’elle soit moins directement reli´ee `a l’origine des oscillations dans les syst`emes S/F puisque celles-ci proviennent du d´ecalage en ´energie du spectre des ´etats li´es d’Andreev.

Il est int´eressant de noter que la figure 2.9 est identique `a la figure 2.6 en rempla¸cant eV /ET h par Eex/ET h. Cependant l’origine du courant critique n´egatif est diff´erente : dans un cas il s’agit d’un d´ecalage de la fonction de distribution de ±eV , dans l’autre c’est un d´ecalage de la densit´e spectrale de supercourant de ±Eex. Nous allons maintenant voir qu’il est possible de retrouver un courant critique positif sous l’influence de la temp´erature.

2.3. SUPERCOURANT DANS LES JONCTIONS S/F/S 0 5 10 15 20 25 30 35 40 -4 -2 0 2 4 6 8 10 état ππ état 0 E*ex 2 e R n Ic (E ex ) / E T h Eex / ETh

Fig. 2.9 – D´ependance du courant critique `

a temp´erature nulle en fonction de l’´energie d’´echange Eex, dans le cas d’une jonction S/F/S longue ET h ≪ ∆. 0 5 10 15 20 25 30 -3 -2 -1 0 1 T* état ππ état 0 2 e R n Ic (T ) / E T h kB T / ETh

Fig. 2.10 – D´ependance du courant cri-tique avec la temp´erature pour une ´energie d’´echange Eex = 13 ET h, dans le cas d’une jonction S/F/S longue ET h≪ ∆.

Changement de signe avec la temp´erature

Une temp´erature finie produisant des excitations thermiques incoh´erentes juste au-dessus du niveau de Fermi, les ´etats li´es `a ces ´energies disparaissent. L’´echange coh´erent de paires d’Andreev entre les deux supraconducteurs se fait par les ´etats li´es situ´es typiquement au-del`a de kBT selon la fonction de distribution h(ǫ). Pour une temp´erature kBT ∼ Eex une bonne partie des premiers ´etats (−) ne contribue plus, alors que les ´etats (+) ne sont pas affect´es et l’emportent dans l’int´egrale. Le supercourant passe donc progressivement d’une valeur n´egative `a une valeur positive et l’´etat fondamental bascule de l’´etat π `a l’´etat 0 `a la temp´erature T avec annulation du courant critique. Sur la figure 2.10 o`u Eex = 13 ET h, le courant critique s’inverse `a kBT = 7.5 ET h.

Il est important de noter que dans le cas des jonctions S/N/S `a l’´equilibre il n’y a jamais de changement de signe du supercourant avec la temp´erature. La diff´erence vient du fait que dans le cas S/N/S la longueur Lǫ est maximum en ǫ = 0 de sorte que les contributions de signes oppos´es sont tr`es vite d´ecroissantes : la deuxi`eme bosse n´egative ne peut pas l’emporter sur la premi`ere bosse positive (figure 2.2). Dans le cas S/F/S la longueur de coh´erence est maximum pour l’´energie ǫ = ET h de sorte que les deux premi`eres contributions ont la mˆeme amplitude : la deuxi`eme bosse qui est positive peut l’emporter sur la premi`ere qui est n´egative (figure 2.8).

Comparaison avec la solution des ´equations non-lin´earis´ees

Nous avons choisi de faire l’approximation des ´equations lin´earis´ees afin d’avoir une so-lution analytique pour le supercourant. Heikkil¨a et al. [50] et Yip [93] ont trait´e le cas plus g´en´eral o`u l’on ne suppose pas que les corr´elations supraconductrices sont faibles. Ils

CHAPITRE 2. CALCUL DES GRANDEURS CARACT´ERISTIQUES

ont r´esolu num´eriquement les ´equations d’Usadel non-lin´eaires pour les fonctions G(ǫ, x) et F (ǫ, x). Les deux principales diff´erences avec le cas lin´earis´e sont :

– la pr´esence du mini-gap en dessous d’environ 3 ET h car la densit´e d’´etats peut ˆetre modifi´ee dans ce cas o`u G(ǫ, x) n’est pas suppos´e constant,

– une relation courant-phase non sinuso¨ıdale et une courbe de densit´e spectrale de su-percourant qui se d´eforme avec la phase φ.

La cons´equence importante du second point est qu’`a chaque valeur de φ correspond une temp´erature T(φ) diff´erente qui annule le supercourant. Il n’y a donc pas de temp´erature pour laquelle le supercourant s’annule pour toutes les phases, il existe toujours des phases pour lesquelles le supercourant est non-nul. Il existe cependant une temp´erature T telle que le maximum positif de supercourant dans l’intervalle [ 0, π] est ´egal au minimum n´egatif et o`u les deux ´etats 0 et π sont d´eg´en´er´es. Lorsque la temp´erature passe `a T, l’´etat fondamental de la jonction bascule donc de l’´etat π `a l’´etat 0, mais sans annulation du courant critique.

Nous verrons que dans les jonctions Nb/Cu52Ni48/Nb ´etudi´ees exp´erimentalement, le courant critique s’annule compl`etement de sorte que la solution obtenue avec les ´equations lin´earis´ees sera valable pour interpr´eter les r´esultats exp´erimentaux.