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Les travaux sur la reconstruction en France sont relativement récents en comparaison avec les travaux sur la gestion des risques et des catastrophes naturelles. Il a fallu attendre les années 2000 et

notamment le REX sur le cyclone Lenny aux Antilles en 1999 (De Vanssay et al., 2000) pour voir

émerger les premiers travaux ayant une partie consacrée à la reconstruction. Avant cette mission de

REX, Bourrelier (1997), dans son rapport d’évaluation des politiques publiques en matière de

prévention avait évoqué la reconstruction en tant que période où des mesures de prévention pouvaient

être prises. Ces mesures, essentiellement techniques portaient sur des enjeux particuliers

(infrastructures et bâtiments) à reconstruire en prenant en compte les risques auxquels le territoire est

exposé.

Le rapport Bourrelier (1997) évalue l’efficacité de la politique française de prévention des

risques et la prise de décision dans le contexte de décentralisation. Il analyse la chaîne de prévention,

dans laquelle il inclut la «préparation judicieuse à l’après crise». Cette préparation est divisée en

deux volets : la prise en compte des risques dans les constructions futures et les questions

d’indemnisation. De plus, dans les recommandations des inspections générales (IGE et IGA) et des

missions parlementaires, qui occupent huit pages (ibid., pp. 694 à 702), dix lignes sont consacrées à la

thématique de la reconstruction, soit 6,25 %. Il y est prescrit de reconstruire sur un autre site quand

une construction en zone à haut risque a subi des destructions. La seconde occurrence de thématique

de la reconstruction évoque la question des délocalisations, il s’agit alors d’aider à la délocalisation

pour les entreprises en zone à risque élevé quand cela est possible. Cette approche reste sectorielle et

partielle puisque l’aspect financier prévaut sur l’aspect politique et stratégique des choix opérés. Elle a

cependant permis de stimuler la réflexion sur le sujet.

La temporalité de gestion de la reconstruction est la même que celle de la prévention, il s’agit

du temps long. Ce constat n’a pas vocation à nier l’importance des études sectorielles ou à réduire

l’importance des thématiques comme l’indemnisation, mais bien à mettre en exergue les lacunes

méthodologiques dont souffre l’analyse du processus de reconstruction. L’indemnisation et plus

généralement le financement de la reconstruction sont des problématiques fondamentales. En effet,

l’indemnisation détermine les modalités pratiques du relèvement. Dans le domaine de la prévention,

les sommes allouées influent aussi sur la qualité des actions de prévention et sur leurs modalités de

mise en œuvre. La loi du 13 juillet 1982 a gelé la situation en laissant penser que le remboursement

«automatique» des dommages aux particuliers et entreprises réglerait le problème. Or si ces

remboursements sont bien perçus par les sinistrés en général, ils limitent la responsabilisation ce qui

est dénoncé de façon récurrente par les rapports et REX (Bourrelier, 1997 ; Ledoux, 2000 ; Lefrou et

al., 2000). Enfin, le remboursement des dommages n’est pas une action de prévention ni une

réparation, c’est une compensation monétaire des dommages. Or de nombreux dommages ne sont pas

pris en compte par les assurances : dommages au domaine public, dommages extérieurs aux

habitations, valeurs non monétisables (pertes de vie humaines, impacts santé, biens affectifs), etc.

1.3.2. Une approche technique plus que méthodologique

Pour la France, le constat est celui d’une absence de questionnement au niveau institutionnel

sur la reconstruction. Le texte récent de la Stratégie Nationale de Gestion du Risque Inondation

(SNGRI, DGPR-MEDDE 2014) ne fait quasiment pas état de la reconstruction, le terme n’est jamais

évoqué. Par contre, le document comporte des occurrences des termes «rebondir» (une occurrence)

et «retour» (cinq occurrences dont quatre dans l’expression «retour à la normale»). Lorsque la

«post-crise» est évoquée c’est par le biais des indemnisations. L’approche développée prône

l’intégration de stratégies multirisques aux politiques d’aménagement du territoire et plaide en faveur

d’un décloisonnement entre gestionnaires, c’est d’ailleurs un des objectifs de la réunion des

compétences Gestion des Milieux Aquatiques et Préventions des Inondations (GEMAPI) au sein des

Etablissement Publics de Coopération Intercommunale (EPCI) à fiscalité propres ou de leurs

groupements, les Etablissements Publics d’Aménagement et de Gestion des Eaux (EPAGE) et les

Etablissement Public Territorial de Bassin (EPTB). Mais il n’est jamais mentionné de stratégie de

reconstruction permettant de réduire les risques, ni de possible anticipation d’une reconstruction dans

ce document de cadrage de la DGPR. Les questionnements émanant de politiques sont aussi très

faibles du fait de la capacité de résilience du système français dans un contexte où le pays n’a pas

encore essuyé de sinistre majeur comme le serait un séisme à Nice ou une crue majeure de la Seine.

De fait, il n’y a pas de réflexion globale ni de capitalisation des informations et expériences, tout se

passe comme si la reconstruction était une simple remise en état des territoires sinistrés, permise par

des financements conséquents. Les modalités de la politique de prévention globale ne sont pas remises

en question par et pendant la reconstruction. Pourtant, le fait même qu’il y ait catastrophes et

reconstructions atteste des limites de la politique de prévention, qu’il s’agisse des mesures de

réduction de la vulnérabilité ou des actions de protection qui visent à agit sur l’aléa. L’absence de

remise en question des actions engagées depuis plusieurs décennies et l’absence de débat public en

période de reconstruction remet en cause la notion d’opportunité préventive.

Malgré ces lacunes, il existe des outils qui permettent de poser les fondations d’un réel travail

opérationnel et stratégique sur le processus de reconstruction. Le plan de continuité d’activité (PCA)

en fait partie en ce qu’il est un outil de planification pour la gestion de crise et de la post-crise (CEPRI

2011). Les PCA ne sont pas des outils qui permettent de gérer la reconstruction à proprement parler

mais ils ont pour but d’anticiper la transition entre la gestion de crise et les phases de réhabilitation et

reconstruction. Ils constituent en cela des outils qui facilitent la mise en œuvre des opérations de

reconstruction. Il s’agit de recenser les services des collectivités ou entreprises qui sont essentiels au

retour à la «normale» et de réunir les moyens humains, financiers et stratégiques nécessaires à leur

maintien en situation dégradée. «Anticiper apparait vital pour le fonctionnement de nos collectivités,

pour le service qu’elles rendent à la population (service que personne d’autre, pas même l’Etat ne

peut assurer à leur place) et pour leur image de marque» (Doligé, in CEPRI 2011). Les PCA visent

la diminution des besoins d’un territoire en assistance extérieure pour libérer des capacités

d’intervention pour d’autres zones impactées. C’est donc une démarche responsable et solidaire qui

permet d’assurer une plus grande efficacité des actions de gestion de crise et de celles de la post-crise.

Ce guide de réorganisation de la collectivité en mode dégradé est composé d’une somme d’outils

opérationnels issus d’une stratégie choisie par la collectivité. Ils nécessitent, comme toute action

préventive, certains prérequis dont le pilotage par une volonté politique forte. Les PCA sont aussi trop

centrés sur une échelle locale sans prendre en compte les effets dominos liés au fonctionnement en

réseau sur des territoires plus vastes que ceux de la collectivité territoriale. Ils n’intègrent pas non plus

les autres plans existants comme par exemple chez Électricité Réseau Distribution France (ERDF), or

l’absence de coordination entre plans de continuité peut conduire à leur inefficacité. Les travaux sur

les PCA ont pour intérêt de placer la catastrophe, et de fait la reconstruction, dans le champ des

possibles. La préparation est alors envisagée comme une nécessité et non comme une option. Cette

évolution se fait de manière interdépendante avec les évolutions de la notion de catastrophe. En effet,

la notion de catastrophe est passée d’une définition limitée à un phénomène qui affecte une société

devenue victime, à celle d’un désastre socialement construit. En filigrane se dessine le passage d’une

société passive qui subit à une société civile responsable de sa sécurité. Cette transformation qui

accompagne le désengagement de l’Etat (dans un contexte de libéralisation et de réduction des moyens

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