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Chance et Noury (2011) parlent d’une politique de l’évènementiel en faisant le constat d’une évolution progressive du cadre réglementaire influencée par la récurrence des évènements

catastrophiques (cf. tableau 2). L’on peut en effet mettre en relation les grandes catastrophes ayant

sinistré le territoire français avec les évolutions législatives et réglementaires en matière de gestion des

risques et de reconstruction. Par exemple, les lois de 2010 (cf. tableau 2

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) sont largement inspirées des

problématiques posées par la délocalisation d’habitations en zone à risque trop élevé rencontrées dans

la gestion post-Xynthia en février 2010 ou post-crue dans le Var en juin de la même année. Il en va de

même pour le déplafonnement des subventions de l’Etat en faveur de la remise en état des collectivités

sinistrées qui passe de 80 % à 100 % par décret suite aux inondations et à la tempête de 1999

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. Ainsi il

est difficile d’attribuer les évolutions législatives à un seul évènement en particulier mais plutôt à la

récurrence des évènements. Les catastrophes sont aussi un «prétexte» pour faire voter des lois et

règlements qui ne seraient pas acceptés en dehors du contexte spécifique de la post-catastrophe où les

vulnérabilités sont mises en évidence et où la sensibilisation à la prévention des risques est accrue. En

plus des mesures de réduction de la vulnérabilité des foyers, les gestionnaires doivent travailler sur la

réduction de leur propre vulnérabilité : la vulnérabilité institutionnelle. Robert (2012) dégage trois

variables de calcul de cette vulnérabilité : 1) les capacités financières des gouvernements locaux, 2) les

capacités de prise de décision, dans un temps restreint et dans un contexte politique complexe et

désorganisé, et 3) la capacité de contrôle du territoire.

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Le tableau présenté ici est une synthèse des textes existants, le tableau exhaustif est en annexes.

6 Décret n°2000-686 du 20 juillet 2000 pris pour l’application du décret n°99-1060 du 16 décembre 1999 relatif aux subventions de l’Etat pour des projets d’investissement

Tableau 2 :Lois et accords relatifs à la post-catastrophe (sources : prim.net complété par Légifrance)

Textes Article Sujet Date Contenu (synthèse) Code des

Assurances

L125-4 études préalables à la reconstruction

16.07.1992 la garantie Cat Nat inclut le remboursement des études géotechniques rendues préalablement nécessaires à la remise en état des biens

L121-16

reconstruction sur place - PPR

02.02.1995 l’indemnisation n’est pas subordonnée à la reconstruction sur place du bien en cas de Plan de Prévention des Risques (PPR) approuvé

L121-17

remise en état effective après sinistre

02.02.1995 les indemnités doivent être utilisées pour la remise en état du bien, ou remise en état de son assiette de terrain, d’une manière compatible avec son environnement

L125-1 Cat Nat 25.12.2007 tout contrat d’assurance dommage aux biens situés en France, ainsi que dommage aux corps de véhicules, ouvre droit à la garantie contre les effets des catastrophes naturelles

Code de l’Environnement

L561-1 expropriation et acquisition à l’amiable

12.07.2010 quand un risque prévisible menace gravement les vies humaines, l’Etat peut déclarer d’utilité publique l’expropriation par lui-même, les communes ou leurs groupements, des biens exposés à ce risque, si les coûts de protection sont supérieurs au rachat. Remplacement du bien exproprié sans tenir compte du risque L561-3 Fonds de

Prévention des Risques Naturels Majeurs (FPRNM)

12.07.2010 le fonds finance les indemnités de rachat, ainsi que les dépenses liées à la limitation d’accès et à la démolition éventuelle des biens pour empêcher toute occupation future. Finance aussi les dépenses de prévention liées aux évacuations temporaires et au relogement des personnes exposées. Concerne aussi lesbiens utilisés dans le cadre d’activités

professionnelles (moins de 20 salariés). Gestion du fonds : Caisse Centrale de Réassurance (CCR). Autres textes législatifs n°97-1239 art.38 loi de finances rectificative pour 1997

29.12.1997 le FPRNM contribue aux études et travaux réalisés pour les procédures de rachat, et aux travaux propres à prévenir les conséquences exceptionnelles de certains risques (à la condition que les enjeux soient stratégiques et que le coût des travaux ne puisse pas être assumé par les communes, dans la limite de 145 millions de francs jusqu’au 31.12.1999) n°2010-788 art. 222 loi portant engagement national pour l'environnement (LENE)

12.07.2010 Modifie Loi n°2003-1311 du 30 décembre 2003 - art. 128: le FPRNM peut contribuer à financer études et travaux de prévention ou protection dont les collectivités assurent la maîtrise d’ouvrage dans communes couvertes par PPR (dans la limite de 125 millions d’euros)

Modifie Code de l'urbanisme - art. L111-3 :la reconstruction à l’identique d’un bien détruit ou démoli depuis moins de dix ans est autorisée sauf disposition contraire dans un document d’urbanisme. La reconstruction est autorisée si le bien présente un intérêt patrimonial n°2002-1576 art. 75 loi de finances rectificative pour 2002

30.12.2002 FPRNM peut financer en partie l’acquisition à l’amiable de terrains de construction

(habitation, entreprises moins de dix salariés) et aux mesures de prévention

Le caractère éminemment politique freine la prise de position et la tenue de travaux sur ces

problématiques. Gaillard et al.(2007) disaient à ce sujet que «Rechercher des boucs émissaires en cas

de catastrophe est chose commune et soulage les accusateurs de leurs propres sentiments conscients

ou inconscients de culpabilité». La reconstruction post-catastrophe peut être le théâtre de conflits

territoriaux notamment lors des opérations de recompositions territoriales (Gaillard, 2008). Une des

difficultés réside dans le phasage et dans la définition des priorités, variables selon les acteurs. Il existe

chez les partenaires de la reconstruction des divergences d’objectif, de pratique et de culture qui

nuisent parfois à l’émergence d’une «reconstruction préventive».

L’intention de l’État et de ses services est évidemment de répondre aux besoins d’aide des

sinistrés mais un autre objectif peut s’ajouter : celui de «profiter» de la reconstruction pour appliquer

certaines règles de prévention. Ceci étant, la législation française s’applique sur les nouvelles

constructions mais l’expérience montre qu’il est complexe de l’adapter avec la même rigueur sur les

constructions existantes. De Vanssay et al.(2004) décrivent les intérêts divergents sur l’occupation du

sol des littoraux antillais après le cyclone Lenny en 1999. L’Etat et certains élus souhaitaient profiter

de l’occasion pour limiter l’occupation des littoraux alors que d’autres élus, sinistrés et acteurs

socio-économiques faisaient pression pour reconstruire sur place, le plus rapidement possible, de façon à

profiter des effets de sites et effacer la trace de la catastrophe. Financeurs et maîtres d’ouvrage

subissent la pression des élus, eux-mêmes sollicités par les citoyens ou les entreprises sinistrées : la

reconstruction doit aller vite. Or, la limite entre rapidité et précipitation est fine et cette dernière peut

aller à l’encontre des missions de certains acteurs, notamment en termes de prévention et de protection

des milieux naturels. S’ajoutent à ces différences d’objectifs, des différences de pratiques entre les

maîtres d’ouvrage, liées à la culture et à la formation des ingénieurs et techniciens (cf. figure 22, page

162) : culture « hydraulicienne », culture « travaux publics » chez les ingénieurs des Ponts et

Chaussées, culture « préservation des milieux » représentée par des biologistes ou techniciens de

rivières dans les Agences de l’eau ou les Directions Régionales de l’Environnement, de

l’Aménagement et du Logement (DREAL).

La doctrine actuelle de l’Etat en matière de prévention des inondations est d’empêcher les

personnes «d’habiter dans l’eau», ce qui n’a pas la même signification qu’habiter en zone inondable.

En effet les PPR autorisent la construction en zone inondable à aléa modéré ou faible (moins de un

mètre ou 0,5 mètre selon les régions) ce qui correspond aux zones bleues des cartes réglementaires des

PPR. La construction d’habitations en zone inondable est assortie d’une prescription obligeant à élever

la hauteur du plancher au-dessus de la ligne des Plus Hautes Eaux Connues (PHEC) ou de la crue de

référence. Malgré quelques tentatives, l’adaptation des bâtiments à l’inondation ou à d’autres aléas,

sismique par exemple, a posteriori est extrêmement difficile. De plus, l’Etat garde un rôle fort de

protection – qui n’est pas sans rappeler les critiques faites par Bourrelier (1997) à la notion d’Etat

Providence – et en même temps, demande aux populations exposées d’être de plus en plus autonomes

en matière de protection et de prévention. En prenant le cas des inondations, il semble qu’en

renversant la proposition – c’est-à-dire en adaptant le bâti lors d’une remise en état après sinistre –

l’on puisse en théorie réduire en 100 ans la vulnérabilité des secteurs soumis à la crue centennale. Cela

implique évidemment de reconnaître l’inondabilité d’un logement et d’assumer le fait qu’il sera

inondé. Ainsi le discours de l’Etat est partagé entre la maîtrise d’occupation des sols en zone à risque

et l’adaptation de l’existant par les mesures de mitigation.

L’ouvrage du Ministère de l’Environnement, du Développement Durable des Transports et du

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