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Les travaux de modélisation

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I. Introduction générale

I.4. Quel impact préventif à l’échelle populationnelle ?

I.4.1. Les travaux de modélisation

Toute une génération de modélisations mathématiques de l’effet TasP à un niveau populationnel a fait suite à des premiers résultats rapportant une hausse des comportements à risque associée à l’utilisation des ARV parmi des groupes à haut risque (Van de Ven et al. 1999; Dukers et al. 2001; Tun et al. 2004). Ainsi ces premiers travaux de modélisation ont-ils essentiellement porté sur la question de la résultante, en terme d’impact sanitaire, de l’effet préventif du traitement ARV d’un côté ; et, de l’autre, d’un éventuel phénomène de compensation du risque associé au traitement ARV. Le phénomène de compensation du risque fait référence à une augmentation des comportements à risque (ici, les comportements sexuels à risque) en réponse à une diminution du risque perçu de transmission ou d’acquisition du VIH ou encore d’une diminution de la perception de la gravité de l’infection à VIH. Ces modèles étaient cohérents dans leurs conclusions : dans le cas d’une augmentation importante des comportements à risque associés au traitement, la généralisation des ARV ne parviendrait pas à éradiquer l’épidémie de VIH, et pourrait même conduire à une augmentation de l’incidence du VIH (Law et al. 2001; Velasco-Hernandez et al. 2002; Gray et al. 2003).

Les premières données observationnelles documentant un potentiel effet préventif du traitement ARV (Castilla et al. 2005; Bunnell et al. 2006; Kayitenkore et al. 2006; Melo et al. 2008; Del Romero et al. 2008) ont quelque peu levé ces inquiétudes et conduit à des études de modélisation reposant sur des hypothèses plus optimistes quant à un éventuel phénomène de compensation des risques.

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Publié à la fin de l’année 2008, l’article de modélisation de Granich et al., qui a marqué le débat autour de l’effet populationnel du TasP4, reposait justement sur des hypothèses jugées optimistes. Cette étude se proposait de mesurer l’impact d’une stratégie de dépistage universel du VIH combinée à une mise sous ARV immédiate pour toutes les personnes diagnostiquées VIH- positives (Granich et al. 2009). Les modélisateurs ont fait l’hypothèse que l’infectiosité des patients VIH-positifs sous traitement chutait à 1% de sa valeur avant traitement. En ce qui concerne le dépistage universel, ils ont postulé une fréquence d’un test VIH par an en moyenne dans la population. Les résultats de la modélisation montraient que, sous des hypothèses additionnelles très favorables concernant les niveaux de liaison entre le diagnostic positif et les soins, de succès thérapeutique et de maintien dans les soins, cette stratégie, désormais connue sous le nom de Tester

et Traiter (Test and Treat, en anglais), menée en combinaison avec les stratégies préventives

existantes, pourrait mener en moins de 10 ans à l’élimination d’une épidémie de VIH de l’ampleur de celle que connaît l’Afrique du Sud5. Ce travail montrait en outre que la stratégie était coût-efficace : mobiliser des moyens, certes considérables, sur une dizaine d’années permettrait d’éviter des dépenses encore plus grandes sur le long terme.

Les principales critiques faites à ce travail de modélisation portaient sur l’optimisme excessif des hypothèses faites. Ainsi, Granich et al. ont fait l’hypothèse d’un taux d’arrêt du traitement de 8% immédiatement après initiation et de taux annuels de sortie des soins de 1,5% pour les années suivantes. Enfin, le modèle faisait l’hypothèse d’un taux d’échec du traitement ARV de 3% par an. Or, ces niveaux de sortie des soins et d’échec virologiques sont bien en deçà de ce qui est observé en routine en Afrique subsaharienne (Barth et al. 2010; Fox 2010; Rosen & Fox 2011) (voir Encadré 4, page 140).

Par la suite, d’autres modèles de l’impact de la stratégie Tester et Traiter sont, à partir d’hypothèses de départ différentes, arrivées à des résultats moins favorables (Wagner et al. 2010; Bendavid et al. 2010), voire même sous certaines hypothèses à des résultats défavorables en terme

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Article cité 546 fois au 1er août 2013 d’après le site Web of Science. 5

L’élimination de l’épidémie étant définie pour cette étude à une incidence chutant en dessous d’1 cas pour 1000 Personnes-Années.

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de coût-efficacité (Dodd et al. 2010). La variabilité des résultats de ces différentes modélisations illustrait ainsi leur grande sensibilité au choix initial des hypothèses et des paramètres retenus.

Afin de tendre à un consensus à partir des différentes études de modélisation disponibles, une initiative notable a été conduite en 2012 par le Consortium de Modélisation du VIH (Eaton et al. 2012). L’idée était de réunir les différents modélisateurs autour d’une même table et de les faire évaluer, chacun avec son modèle respectif, les résultats de différents scénarios d’interventions reposant sur le traitement ARV. Les modèles, douze au total, ont tous été paramétrés à partir des mêmes données, celles de l’épidémie sud-africaine, et les résultats des différentes projections ont été comparés à l’aide d’indicateurs communs définis a priori. D’un point de vue qualitatif, les douze modèles donnèrent la même réponse : à de hauts niveaux d’accès et d’observance, le traitement ARV peut significativement réduire les nouvelles infections VIH à l’échelle d’une population. Ainsi, pour un scénario où 80% des personnes infectées étaient traitées en moyenne un an après que leur taux de CD4 ait chuté en dessous de 350/mm3 et avec un taux de sortie des soins de 15% à 3 ans, les modèles prévoyaient des diminutions d’incidence allant de 35 à 54% huit ans après introduction des ARV, comparativement à un scénario sans traitement. Les résultats étaient néanmoins beaucoup plus variables sur le long terme sur l’ampleur de cette réduction et sur la possibilité d’élimination de l’épidémie de VIH. Par ailleurs, les auteurs de l’étude n’ont pas manqué de rappeler que ces projections pouvaient être toutes fausses dans le cas où les différents modèles avaient tous omis un ou des aspects cruciaux de la transmission du VIH (The HIV Modelling Consortium Treatment as Prevention Editorial Writing Group 2012). Notamment, tous les modèles faisaient l’hypothèse que les niveaux de comportements à risque n’étaient pas modifiés par les différentes interventions.

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Encadré 1 : TasP ou Tester et Traiter ?

On peut parfois trouver, dans la presse, la littérature ou les conférences scientifiques, les expressions TasP et Tester et Traiter utilisées de manière équivalente, engendrant une certaine confusion entre ces deux expressions (Larmarange 2013b). Or rigoureusement, elles désignent des concepts qui ne se recouvrent que partiellement.

Le terme TasP (Treatment as Prevention) fait référence au processus par lequel le traitement ARV diminue la charge virale circulante et donc l’infectiosité des patients VIH-positifs sous traitement, et ce quel que soit le stade d’avancement de l’infection VIH. Rigoureusement, ce terme ne fait donc pas référence à un traitement initié précocement. On peut cependant trouver le terme

TasP utilisé pour faire référence à un traitement initié au-dessus du seuil CD4

recommandé par l’OMS ; voire même à un traitement ARV initié immédiatement après diagnostic de l’infection à VIH, sans critère CD4. Pour éviter la confusion, nous préférerons parler ici d’un traitement universel pour faire référence à un traitement ARV initié suite au diagnostic VIH, sans critère CD4. On peut enfin trouver le terme TasP utilisé sous une forme plus large, pour faire référence à toutes les stratégies de prévention basée sur les antirétroviraux, incluant la prévention de la transmission de la mère à l’enfant (PTME), la prophylaxie post- exposition et la prophylaxie pré-exposition (PrEP).

L’expression Tester et Traiter (Test and Treat) fait en revanche référence à une stratégie de prévention basée à la fois sur un traitement ARV sans critère CD4 (ou traitement universel) et un dépistage élargi du VIH; telle que décrite par l’article de Granich et al. (Granich et al. 2009) .

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I.4.2.

Les observations en populations : études écologiques et études

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