• Aucun résultat trouvé

Les premiers résultats observationnels

Dans le document en fr (Page 32-35)

I. Introduction générale

I.3. L’effet préventif du traitement ARV à l’échelle individuelle

I.3.2. Les premiers résultats observationnels

Comme nous l’avons déjà dit, l’engouement pour le traitement ARV comme stratégie de prévention de la transmission sexuelle du VIH semble assez récent. Pourtant, le premier résultat suggérant un effet préventif du traitement ARV sur la transmission sexuelle du VIH date de 1994

32

(Musicco et al. 1994). Il s’agissait d’une étude de cohorte conduite en Italie sur 436 couples hétérosexuels sérodifférents parmi lesquels le partenaire masculin était VIH-positif. Au sein de la cohorte, environ 15% des hommes présentaient des symptômes d’une infection avancée et avaient été mis sous monothérapie de zidovudine. Chez ces patients, et après ajustement sur l’état d’avancement de l’infection VIH, le taux de transmission à la partenaire féminine était réduit de 50% (IC95% : 10-90%) par rapport au taux mesuré chez les couples non traités.

Étonnamment, plus de 10 années ont été nécessaires avant que ces premiers résultats ne soient répliqués. Peut-être a-t-il fallu attendre l’essor des multi-thérapies et la démonstration du lien entre niveau de charge virale et risque de transmission sexuelle du VIH (Quinn et al. 2000) pour que la question de l’effet du traitement ARV sur la transmission du VIH soit de nouveau posée. En 2005, Castilla et al. publiaient les résultats d’une étude transversale réalisée entre 1991 et 2003 chez 393 personnes réalisant pour la première fois un test VIH et dont l’unique facteur d’exposition au virus était le fait d’être en partenariat hétérosexuel stable avec un partenaire infecté. Les auteurs ont montré que la prévalence du VIH mesurée chez ces personnes avait diminué de 80% après l’introduction des multi-thérapies ARV gratuites en Espagne, en 1997 (Castilla et al. 2005). Par ailleurs, l’étude rapportait que, parmi les personnes dont le partenaire VIH-positif était traité, aucune infection n’avait été observée ; alors que la prévalence du VIH était de 8,7% chez les partenaires de personnes infectées et non traitées.

Par la suite, plusieurs études observationnelles longitudinales ont documenté un risque de transmission du VIH réduit au sein de cohortes de couples pour lesquels le partenaire infecté était traité aux ARV, et ce à partir d’effectifs variables et dans des contextes géographiques divers (Melo et al. 2008; Del Romero et al. 2008) dont l’Afrique subsaharienne (Bunnell et al. 2006; Kayitenkore et al. 2006; Reynolds et al. 2011). Les résultats de ces différentes études ont été synthétisés en 2009 par une méta-analyse qui estima à 92% la réduction du risque de transmission au partenaire pour les personnes infectées par le VIH et traitées aux ARV par rapport à des personnes infectées et non traitées (Attia et al. 2009).

Parallèlement, en 2008, la Commission Fédérale Suisse pour les problèmes liés au SIDA avait réalisé une synthèse des données épidémiologiques et biologiques disponibles et relatives à

33

l’effet du traitement ARV sur le risque de transmission du VIH. Cette prise de position, désormais connue comme le Swiss Statement, affirmait que « une personne séropositive ne souffrant d’aucune

autre MST [Maladie Sexuellement Transmissible] et suivant un traitement antirétroviral avec une virémie entièrement supprimée ne transmet pas le VIH par voie sexuelle », et les auteurs chiffraient,

en cas de suppression totale de la virémie (CV en dessous du seuil de détectabilité depuis au moins 6 mois), le risque résiduel de transmission du VIH dans le cas d’un rapport sexuel non protégé à moins de 1 pour 100 000 (Vernazza et al. 2008).

Enfin, ces résultats observationnels ont été encore renforcés en 2010 par une étude aux effectifs sans précédents. Elle portait sur une cohorte de 3381 couples sérodifférents recrutés dans 7 pays africains et a montré que, sur 103 événements de transmission VIH confirmés par des données génétiques, une seule transmission était due à un participant infecté sous traitement ARV. Ce chiffre équivalait à une diminution du taux de transmission de 92% par rapport à ce qui était observé pour les participants infectés mais non traités (Donnell et al. 2010). La plupart des cas de transmissions ayant été observés à de hauts niveaux de CV (>50 000 copies/mL), les auteurs de l’étude proposaient que, dans un but de prévention de la transmission, les patients à hauts niveaux de CV soient priorisés pour l’accès aux ARV, quels que soient leurs niveaux de CD4.

Ainsi, de 2005 à 2010, de nombreux résultats ont été dans le sens d’un effet protecteur important du traitement ARV sur la transmission du VIH à l’échelle individuelle (i.e. à l’échelle du partenaire du patient traité). Cependant, comme il a été souligné, tous ces résultats reposaient sur des études de type observationnel, ce qui limite la possibilité d’établir un lien causal entre ARV et réduction de la transmission. En effet, toutes ces études font intrinsèquement l’hypothèse que les sujets comparés (i.e. individus traités vs. non traités) ne diffèrent que par leur statut de traitement. Or, individus traités et non traités peuvent différer sur d’autres points. On peut notamment s’attendre à des différences dans l’état de santé, les personnes traitées présentant généralement une santé plus détériorée. Dans le contexte particulier de l’infection à VIH, il a été montré que l’état de santé joue un rôle déterminant sur les comportements sexuels (De Vincenzi 1994; Siegel et al. 2006; Sarna et al. 2009). L’effet protecteur pourrait finalement ne refléter qu’un état de santé différent entre sujets sous

34

ARV et sujets non traités. La plupart des études ont tenté de contrôler ce biais, par exemple en ajustant sur la présence de symptômes (Musicco et al. 1994; Castilla et al. 2005) ou sur le niveau de CD4 (Castilla et al. 2005; Donnell et al. 2010). Mais il reste toujours le risque d’un effet confondant non pris en compte dans l’étude et mimant un lien causal entre traitement ARV et transmission du VIH. On voit donc que la démonstration rigoureuse de l’effet du traitement ARV sur le risque individuel de transmission du VIH nécessite des données qualitativement différentes.

Dans le document en fr (Page 32-35)