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Le travail de la validation dans l’ETM

D’après Kuzniak et Richard (2014), les trois plans verticaux [Sem-Ins],[Ins-Dis] et [Sem-Dis] définis auparavant sont respectivement mis en lien avec les différentes phases du travail mathématique lors de la réalisation d’une tâche : découverte et exploration, justification et raisonnement, présentation et communication (Kuzniak et Richard, 2014, p. 7). L’exécution de ces phases par un utilisateur de l’ETM

« définira, du fait, un certain nombre de compétences mathématiques cogni-tives fondées sur la coordination des genèses dans leurs relations avec le plan épistémologique » (Ibid., p. 7).

Or, notre réflexion menée sur les contextes de validation (dans le chapitre 3) met en évidence que dans chacun des deux contextes (de découverte et de justification), des rai-sonnements sont mis en oeuvre pour découvrir ou pour justifier un résultat. C’est pourquoi nous considérons que chacune des articulations entre deux dimensions déclenche un raison-nement et dans certains cas, requiert des justifications. Prenons l’exemple d’un problème géométrique où il s’agit de conjecturer une propriété à l’aide d’un logiciel de géométrie dynamique, et par la suite de démontrer cette conjecture. Dans un premier temps, un raisonnement peut être élaboré en s’appuyant d’abord sur les artefacts pour construire les figures. Ensuite, sur l’exploration visuelle de la figure et de ses déformations à l’aide du logiciel pour découvrir un résultat, par exemple. Nous avons donc ici, la première étape du travail de validation qui s’effectue dans le plan [Sem-Ins] et qui mobilise un raison-nement conduisant à un résultat vraisemblable dans le contexte de découverte. Dans un second temps, il s’agit de justifier le résultat obtenu par l’expérience avec production d’un discours de validation. Dans ce cas, le raisonnement peut être élaboré en prenant appui sur la figure construite dans le contexte de découverte, et sur les éléments du référentiel théorique (propriétés, théorémes, etc.) pour justifier les techniques de construction. Ici, la deuxième étape du travail de validation est tout d’abord effectué dans le plan [Sem-Dis]. Ensuite, ce travail est orienté vers la dimension discursive (Dis) afin de communiquer le discours de la validation. Toutefois, il peut y avoir des tâches dont la résolution s’effectue uniquement sur l’une des trois dimensions.

Nous avons au total trois plans qui correspondent aux connexions entre les dimensions de l’espace de travail mathématique. L’argumentaire de validation employé dans le plan [Sem-Ins] est l’argumentaire de plausibilité (dans le contexte de découverte). Par contre, l’argumentaire de validation utilisé dans le plan [Sem-Dis] est soit de type démonstratif ou de type non démonstratif (dans le contexte de justification). Lorsque la communication du discours de validation est exigée, alors le travail de validation est situé dans l’un des deux plans précédents et orienté vers la dimension discursive. Ainsi, les trois dimensions et leurs articulations caractérisent les mouvements entre les différentes composantes de l’ETM, permettant d’observer les différentes circulations du travail de la validation.

Le modèle des Espaces de Travail Mathématiques permet d’examiner la manière dont les trois dimensions sémiotique, instrumentale et discursive sont imbriquées dans le travail de validation de situations probabilistes faisant intervenir la simulation à l’aide d’ordinateurs ou de calculatrice.

4.5 Conclusion

Nous avons choisi d’utiliser le modèle des ETM pour analyser le travail mathématique de la validation et pour décrire les formes de validation pratiquées dans l’enseignement des probabilités. En effet, l’articulation des deux points de vue épistémologique et cognitif d’une part, les interrelations entre les trois dimensions, sémiotique, intrumentale et dis-cursive, associées aux genèses définissant les trois plans verticaux, d’autre part, mettent en exergue l’aspect dynamique de ce modèle. C’est pourquoi il nous a semblé intéressant de choisir ce modèle pour étudier la circulation du travail mathématique de la validation à travers les différents plans (horizontaux et verticaux), mais également pour caractériser la validation dans l’enseignement des probabilités en fonction de ces plans. Plus précisé-ment, nous cherchons à caractériser la manière dont la validation est formulée lors de la résolution de tâches probabilistes. Du point de vue de Brousseau, la résolution de pro-blème demande nécessairement de formuler la procédure de résolution par un discours. D’où, l’exigence que la solution du problème soit nécessairement formulée par un texte de preuve, qui s’appuie sur un référentiel théorique. Cette solution est donc validée par un discours de preuve, qui peut ou non représenter une institutionnalisation d’une nouvelle propriété insérée dans le référentiel théorique de l’espace de travail personnel (de l’élève). Ainsi, selon les tâches proposées dans l’ETM, la nature de la validation peut-elle être différente ?

Nous terminons cette première partie en proposant de synthétiser dans un tableau les in-formations essentielles collectées à partir des quatre chapitres, qui ont grandement contri-bué à la poursuite et à la précision de nos questions de recherche :

Type 1 Type 2 Type 3 Objectif Validation qui

vise à établir la vraisemblance d’un résultat Validation qui vise à justifier un résultat Validation qui vise à justifier un résultat Circulation du travail de validation dans l’ETM

rSem ´ Inss rSem ´ Diss ou rSem ´ Diss ou

Clos sur (Dis) Clos sur (Dis) Table 4.1 – La typologie de validation dans l’enseignement

Type 1 Type 2 Type 3 rIns ´ Diss Ñ Dis rIns ´ Diss Ñ Dis Mise en forme de l’argumentaire de validation Organisé en fonction du contenu des propositions Non organisé sous la forme d’une démonstration Organisé sous la forme d’une démonstration Contexte de

validation Découverte Justification Justification Table 4.2 – La typologie de validation dans l’enseignement

PROBLÉMATIQUE ET

MÉTHODOLOGIE GÉNÉRALE

Dans ce paragraphe, il va s’agir de reprendre et de reformuler nos questions de re-cherche dont les éléments ont été dégagés au fur et à mesure du développement de la partie précédente, questions auxquelles nous tenterons de répondre. Par la suite, nous préciserons la méthodologie générale que nous adapterons afin de répondre à nos ques-tions.

Questions de recherche

Nous rappelons que l’objectif de cette recherche est d’étudier la question de la valida-tion dans l’enseignement des probabilités en classes de 3e et de 2nde. La question est alors la suivante :

QR : Quel est le statut de la validation dans l’enseignement des probabilités en classes de 3e et de 2nde en France ?

Du point de vue épistémologique, l’émergence tardive du concept de probabilité est due essentiellement à la question de la validation qui n’est pas bâtie sur des raisonnements de type logico-déductif à la manière d’une démonstration en géométrie. En effet, tradition-nellement en géométrie, le mode de validation est la démonstration, communiquée sous forme d’un discours basé sur la déduction, et ayant une forme particulière explicitement organisée en enchaînement d’inférences. Mais dans l’enseignement des mathématiques ac-tuel en France, la démonstration est une forme de validation privilégiée, en particulier dans le domaine de la géométrie, dont l’apprentissage débute au collège. Notre question de recherche QR peut être déclinée sous cette première question :

Q1 : Existe-t-il des différences entre les formes de validation dans l’ensei-gnement de la géométrie et dans l’enseil’ensei-gnement des probabilités en classes de 3e et de 2nde?

Nous avons montré qu’il existe a priori plusieurs formes de validation dans l’enseignement. Elles dépendent de l’objectif visé, de la mise en forme de l’argumentaire de validation mais également du contexte dans lequel elles sont mobilisées. Notre travail de recherche vise alors à caractériser les formes de validation pratiquées dans le domaine des probabilités dans les classes de 3e et de 2nde. Dans ce cas, notre question de recherche QR peut éga-lement être déclinée en deux sous-questions :

Q2a : Quelles sont les formes de validation privilégiées dans la résolution de tâches dans le domaine des probabilités en classe de 3e et en classe de 2nde? Q2b : Les formes de validation observées dans les classes de 3e et de 2nde

sont-elles propres à ces deux niveaux de classe où sont-elles caractéristiques de l’enseignement du domaine des probabilités au niveau secondaire ?

D’après Pedemonte (2002), « au sein des mathématiques elles-mêmes, la démonstration peut prendre des formes multiples [...] » (Pedemonte, 2002, p. 63), mais

« les mathématiques scolaires font apparaître des différences substantielles. Le contrat didactique joue un rôle central : c’est l’enseignant qui décide ce qui peut être considéré comme une démonstration et comment la construire. Il se peut qu’une argumentation soit acceptée comme démonstration. Ou au contraire, le manque de formalisme peut être un motif de rejet d’une démonstration » (Pedemonte, 2002, p. 63).

Par conséquent, le choix de la validation et l’orientation du discours de validation lors des séances de résolution de tâches probabilistes paraissent dépendre de l’enseignant, en particulier de ses représentations et de ses conceptions sur la forme de la validation et de sa place dans le domaine des probabilités. Notre question de recherche QR est alors déclinée en une troisième question formulée comme suit :

Q3 : Quels sont les points de vue de l’enseignant sur la forme de la valida-tion dans l’enseignement des probabilités ?

Nous distinguons ainsi trois questions liées à notre question de recherche. Pour chacune d’elles, nous observerons le statut de la validation dans l’enseignement des probabilités en classe de 3e et de 2nde.

Hypothèses

Pour répondre à la première question Q1 nous conduit à formuler une première hypothèse : Hypothèse (H1) : Nous faisons l’hypothèse de recherche que le travail ma-thématique de la validation dans le domaine de la géométrie est bien différent de celui du domaine des probabilités au niveau des classes de 3e et de 2nde. Cette différence est probablement due à la richesse du référentiel théorique (en termes de propriétés et théorèmes) de l’ETM géométrique favorisant la validation de type démonstration. Alors que le référentiel théorique de l’ETM probabiliste à ces deux niveaux de classe est en cours de construction, ce qui empêche la mise en œuvre d’une démonstration au même titre qu’en géométrie. Pour répondre aux deux sous-questions Q2a et Q2b nous formulons ces deux hypothèses H2a et H2b associées respectivement à chacune des deux sous questions :

Hypothèse (H2a) : Nous postulons que, dans le domaine des probabilités, la forme de la validation dépend du degré de complexité des tâches proposées. Ainsi, selon le degré de complexité des tâches, le travail de validation dans l’ETMP est placé dans l’un des plans [Sem-Dis], [Ins-Dis], ou éventuellement clos sur la dimension discursive.

Hypothèse (H2b) : Nous faisons l’hypothèse de recherche que pour des tâches identiques proposées dans des ETM idoines similaires, les formes de validation institutionnalisées par les professeurs sont différentes d’un profes-seur à un autre et ceci, quel que soit le niveau d’enseignement.

Enfin, la dernière hypothèse qui permet de répondre à la question Q3 : Hypothèse (H3) :

Nous faisons l’hypothèse de recherche que, la validation dans l’enseignement des probabilités dépend des représentations que l’enseignant se fait de la va-lidation dans le domaine enseigné. Cela dépend donc de la manière dont la validation dans le domaine des probabilités est caractérisée dans l’ETM per-sonnel de l’enseignant.

Les objets d’étude

Notre recherche porte sur la validation dans l’enseignement des probabilités au terme de la scolarité obligatoire. Il s’agit donc pour nous de caractériser les formes de validation pratiquées par les professeurs dans les deux niveaux de classe de 3e et de 2nde. De ce fait, nous avons décidé de limiter nos objets d’étude en prenant compte les points suivants :

1. L’analyse du travail de validation en fin de scolarité obligatoire nous a conduit à restreindre notre étude uniquement aux classes de 3e et de 2nde. Nous serons conduits (dans la partie 3) à étudier des exemples de validation dans les niveaux de 1re et de terminale scientifique dans le but d’enrichir notre réflexion concernant les formes de validation pratiquées dans l’enseignement des probabilités.

2. L’analyse du travail de validation revient, selon nous, à identifier le type de va-lidation produit dans la classe. C’est pourquoi, nous avons limité notre étude à la validation produite par écrit (sur le tableau), et présentée institutionnellement comme correcte — c’est-à-dire celle qui est produite par l’élève (ou les élèves) et qui est évaluée comme correcte par l’enseignant — et celle qui est produite par l’enseignant.

3. Pour analyser le travail de validation dans la classe, nous avons décidé d’observer uniquement les interactions entre l’enseignant et les élèves mais également entre les élèves pendant les phases de correction collectives des exercices dans le but de produire un argumentaire de validation.

4. Pendant les phases de correction, l’enseignant anime et crée les interactions avec et entre les élèves pour mener à bien son projet de validation. De ce fait, nous avons limité notre étude à la gestion de la validation par l’enseignant.

Ainsi, nous avons donc décidé de ne pas considérer les objets d’étude suivants : 1. les validations produites par les élèves individuellement, non évaluées par

l’ensei-gnant et qui n’ont pas été communiquées lors de la phase de correction ;

2. le rapport des élèves à la validation, notamment à l’aide de questionnaires ou d’entretiens ;

3. les niveaux autres que 3e, 2nde, 1re S et Terminale S.

Nous avons bien évidemment conscience de l’intérêt qu’auraient ces objets d’étude pour affiner notre travail de recherche. Mais le temps qui nous a été accordé pour effectuer cette recherche nous a conduit à faire certains choix.

En conclusion, nous avons fait le choix d’orienter notre recherche sur l’étude des formes de validations pratiquées et institutionnalisées par les professeurs et de mettre de côté celles produites isolément par les élèves.

Méthodologie générale

Pour répondre à notre question de recherche QR, déclinée en sous-questions Q1, Q2a, Q2b et Q3, et pour valider nos hypothèses de recherche, nous avons élaboré la méthodo-logie présentée ci-dessous.

(M1): pour tester l’hypothèse (H1) portant sur la différence entre le travail de va-lidation en géométrie et en probabilité due à la richesse relative du référentiel théorique, nous avons comparé le travail de validation et les formes de validation dans l’ETM de référence et l’ETM idoine relatifs aux deux domaines considérés. La comparai-son au niveau de l’ETM de référence s’effectue au travers de l’analyse des programmes officiels et des documents ressources. En ce qui concerne la comparaison au niveau de l’ETM idoine, nous avons procédé à une série d’observations de séances d’enseignement en classe de 3eet de 2nde (soit deux classes de 3e et deux classes de 2nde). Nous avons choisi de centrer nos observations sur les phases de correction d’exercices où il est question d’ex-poser les validations et de les institutionnaliser. Pendant ces phases de correction, nous avons été très attentifs, d’une part à l’usage des dimensions sémiotique, instrumentale, discursive, et de leurs articulations dans le travail de validation en fonction du domaine considéré, d’autre part à la place accordée à chacune des dimensions dans le discours de la validation. Cette étude fera l’objet de la deuxième partie de la thèse.

(M2a) : pour tester l’hypothèse (H2a) qui porte sur le fait que la validation dans le domaine des probabilités enseigné dans le secondaire dépend du degré de complexité des tâches proposées dans un niveau de classe donné, nous avons sélectionné des situations probabilistes fournies dans les documents ressources de classe de chaque niveau étudié. Nous avons également étendu notre sélection de situations au niveau de la classe de 1re S et de la classe de Terminale S de façon à mieux évaluer l’in-fluence du niveau de classe sur les formes de validation pratiquées. Ces situations ont été choisies en fonction de leur degré de complexité à l’aide d’une grille d’analyse construite pour les besoins de cette étude. Ces situations ont été suggérées aux enseignants de deux classes de 3e, deux classes de 2nde, deux classes de 1re S, et une classe de Terminale S, soit sept classes au total. La mise en place de ces situations en classe a été laissée à l’initiative de chacun des enseignants. Cependant, nous avons débattu avec eux des objectifs de ces situations, des difficultés a priori des élèves dans la réalisation des tâches.

(M2b) : pour tester l’hypothèse (H2b), celle selon laquelle pour les mêmes tâches proposées dans des ETM idoines similaires, les formes de validation produites sont cependant différentes d’un enseignant à un autre, nous avons filmé toutes les séances dans lesquelles les situations proposées ont été mises en œuvre dans les sept classes (les mêmes que celles citées dans la méthodologie M2a). Nous avons pris en compte toutes les indications suggérées par l’enseignant pour aider les élèves ou les orienter vers la forme de validation attendue par le professeur. Nous avons également pris en compte les interactions qui ont eu lieu, pendant les phases de correction, entre l’enseignant et le(s) élève(s), et entre élève(s) et élève(s). Enfin, nous avons également pris en photo le discours écrit de la validation tel qu’il apparaît au tableau et qu’il est accepté par l’enseignant.

Cette méthodologie sera détaillée dans la troisième partie de la thèse.

(M3) : pour tester l’hypothèse (H3), relative au point de vue de l’enseignant au sujet de la forme de validation dans le domaine des probabilités, nous avons mené un entretien (enregistré à l’aide d’un dictaphone) avec chacun des cinq enseignants ayant participé à notre expérimentation. Les questions que nous avons posées sont « semi-ouvertes » afin d’obtenir davantage d’éléments de réponse. Nous avons donc étudié la place de la validation dans l’ETM personnel des cinq enseignants. Cette méthodologie sera détaillée dans la quatrième partie de la thèse.

Deuxième partie

La validation en probabilités et en

géométrie dans l’enseignement

secondaire. Étude comparative

Table des matières

Introduction de la deuxième partie 91

5 Méthodologie de comparaison 93

5.1 Pourquoi comparer la validation en géométrie et en probabilité ? . . . 94