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Le travail clinique dans la prise en charge thérapeutique

B) Les incohérences familiales

2) Le travail clinique dans la prise en charge thérapeutique

Le "transfert" s'établit spontanément dans toutes les relations humaines,

aussi bien que dans le rapport de malade à médecin ; il transmet partout

l'influence thérapeutique et il agit avec d'autant plus de force qu'on se

doute moins de son existence. La psychanalyse ne le crée donc pas ; elle le

dévoile seulement et s'en empare pour orienter le malade vers le but

souhaité.

Freud, Cinq leçons sur la psychanalyse

« En réalité si je suis en prison,

c’est parce que je suis emprisonné dans ma tête. »

Un patient

Le psychologue travaillant en milieu carcéral va tenter de comprendre le

rapport entre les actes insensés et les sujets qui les produisent. Accompagner les

personnes incarcérées sollicite le désir de soigner ces sujets aux fonctionnements

limites et/ou pervers, mais aussi l’envie de comprendre comment chacun engage

sa subjectivité dans l’acte criminel et les autres actes transgressifs.

À partir de notre pratique en centre pénitentiaire et à travers nos différentes

rencontres avec de nombreux détenus incarcérés pour divers faits (délits,

agressions sexuelles, meurtre, fanatisme religieux, etc.), nous avons pu observer

combien certains se retrouvent déboussolés par l’acte qu’ils n’avaient pas

80

Ce chapitre a fait l’objet de deux publications :

S. Germani, « La fonction du psychologue en milieu carcéral », dans la Revue EMPAN, 2017/4. S. Germani, « La prise en charge thérapeutique en centre pénitentiaire », dans Le journal des psychologues, 2016/2.

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prémédité. Nous pourrions même dire que pour certains ils se sentaient déjà

coupables avant l’acte, par exemple, coupables d’exister, coupables d’avoir pensé

des choses folles ou encore coupables d’avoir été épris d’un amour démesuré pour

les parents. Tandis que pour d’autres, par la configuration sociale ou familiale, se

manifeste une logique autour du préjudice, avec la demande d’un remboursement

pour dédommager la souffrance subie et les carences connues. Ces sujets vont

ainsi se vivre comme des êtres d’exception, avec l’idée d’avoir la possibilité de

défier la loi.

Quelle que soit la faute commise, il s’agit pour le psychologue d’entendre

ces sujets condamnés qui viennent le rencontrer à la demande des juges. Ces

derniers leur ont verbalisé « la transgression » de l’acte qu’ils ont commis, puis ils

leur ont conseillé un soin psychologique ou/et psychiatrique durant la détention.

Suite à cette injonction, les détenus sont libres de refuser de rencontrer les

cliniciens. Chacun avisera de la recommandation selon ses possibilités

d’élaboration. Pour ceux qui accepteront de venir rencontrer un psychologue, nous

observons un large panel de demandes : besoin de conseil ; besoin de parler ;

besoin d’être écouté ; besoin d’être gratifié, rassuré ; demande d’un traitement,

etc. Quel que soit le mode d’expression des demandes dans leurs contenus

manifestes, en tant que psychologue nous savons, à partir de la théorie

psychanalytique, que celles-ci peuvent receler des contenus latents, inconscients.

Dans cette visée, toutes les paroles méritent alors d’être accueillies car elles

peuvent parfois déboucher pour certains sur une question permettant de se «

dégager » d’une fixation, d’un traumatisme, d’un mode de fonctionnement, mais

malheureusement pour d’autres, de laisser la jouissance mortifère sera maintenue

avec la répétition de passages à l’acte au sein même de l’incarcération.

Face à la parole ou face à l’acte que le détenu nous propose dans la

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qui diffère de ce qu’ils ont pu connaître auparavant. Cet espace d’écoute permet,

pour nombre d’entre eux, d’utiliser le moment de la rencontre afin d’expulser des

éléments non symbolisés (éléments bêta au sens bionien

81

). Ces représentations,

ces affects et ces éprouvés toxiques, rejetés sur la figure « transférentielle » que

représente le psychologue, permettront d’introduire à partir de l’analyse du

matériel un temps de réflexibilité, d’interprétation et de compréhension pour le

patient. En effet, l’écoute à visée analytique ouvre alors sur la dimension du

Nebenmensch argumentée par Sigmund Freud, qui signifie : « l’être humain qui

est là, à côté », traduisible comme l’être secourable qui tente, de manière attentive,

de répondre à l’appel d’une souffrance, qu’il soit parent ou thérapeute. Pour

Sigmund Freud comme pour Wilfred Bion, dans la rencontre clinique, il se

construit une sorte de lien avec l’infans

82

qui ne sait pas encore parler et qui est

donc dans un état de Hilflosigkeit

83

, qu’on peut traduire par dés-aide, en manque

d’aide, en détresse. Il y a l’enfant qui avait appelé, qui avait crié et à ce jour, il y a

l’infans du condamné qui continue de répéter cet appel, ce cri de dés-aide. Le

travail du psychologue en milieu carcéral consisterait pour le praticien,

représentant donc le Nebenmensch, à accéder aux éléments non symbolisables

(aux éléments bêta) afin qu’adviennent des transformations psychiques par du

symbolisable (en éléments alpha) avec un travail de traduction qui se manifeste

par la possibilité de mettre des mots sur les maux.

« À cet égard, le travail [analytique] peut être mis en relation par certains aspects avec celui de l’historien. Il cherche à exhumer ces restes qui ne sont pas seulement oubliés par l’histoire mais qui n’en ont jamais fait partie, dans

81

W. Bion reformule ce que l’on peut rapprocher de ce que l’on nommait jusque-là des processus primaires et des processus secondaires. La fonction bêta correspond à la gestion des émotions brutes qui sont « encaissées » et qui « cherchent à être assimilées ». Une trop grande accumulation d’élément bêta provoque une « indigestion mentale ». Le psychanalyste devra alors transformer ces éléments bêtas avec le patient en des impressions sensorielles mises en images, c’est-à-dire en éléments alpha.

82

L’infans, terme introduit par S. Ferenzci (dans son ouvrage Confusion des langues entre les adultes et l’enfant),désigne l’enfant qui n’a pas encore acquis le langage.

83

Cf : Dans la théorie freudienne, le terme « Hilflosigkeit » prend un sens spécifique : état du nourrisson qui, dépendant entièrement d’autrui pour la satisfaction de ses besoins, s’avère impuissant pour accomplir l’action spécifique propre à mettre fin à la tension interne. Pour l’adulte, l’état de détresse est le prototype de la situation traumatique génératrice d’angoisse.

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la mesure où ils n’ont pas été intégrés par le moi, seul détenteur d’une histoire. Il s’agit de leur redonner droit de cité, de leur permettre d’entrer dans un discours, à l’encontre des solutions conservatrices et mortifères84 ».

Par cette traduction s’offre la possibilité pour le patient détenu de se séparer

de ses éprouvés par la parole, mais aussi d’accéder à une compréhension de

lui-même afin de ne plus subir, de ne plus agir et de ne plus répéter sa souffrance.

Bien évidemment, ce point peut paraître compliqué à penser face à des sujets se

trouvant en prison. De prime abord, nous serions tentée de croire que ce type de

travail ne peut qu’échouer étant donné que les mis en cause ne sont pas – au

départ – véritablement dans une demande signifiante. En effet, il est une chose de

penser « la demande » lorsqu’un patient souhaite consulter un praticien dans un

cabinet en ville, il en est une autre de rencontrer quelqu’un amené à consulter pour

une condamnation pénale. Les sujets et les demandes sont bien différents. C’est

un fait, pour la plupart des patients – avant l’incarcération –, ils n’avaient guère

d’attrait pour les remises en question provoquées par autrui. En effet, toute

rencontre pouvant amener frustration ou angoisse était appréhendée

psychiquement de manière défensive. J’entends par là que pour certains – de par

la culpabilité absente ou en arrière-plan, de par un sentiment d’existence bancal ou

bien de par un symbolique « abasourdi » par l’environnement externe –, le désir

d’accéder à des questions introspectives et subjectives fut peu présent ou bien

même évité. Pour la plupart, la jouissance ou la répétition traumatique étaient bien

plus sur le devant de la scène.

Face à ces spécificités – concernant ce type de profil psychologique où

l’agir est sur le devant du tableau clinique –, dès lors que le clinicien sera tenté de

saisir quelque chose de l’histoire du sujet, nombre des incarcérés répondront de

manière défensive à la prise en charge thérapeutique. Cela implique alors une

84

B. de La Gorce, « La méprise », dans D. Scarfone, De la trahison, Paris, Puf, coll. « Petite bibliothèque de psychanalyse », 1999, p. 66.

110

particularité dans ce type de rencontre qui est de construire dans le

commencement, c’est-à-dire dans une première visée, une alliance thérapeutique

(comme le démontre d’ailleurs Paula. Heimann

85

) par un échange de paroles entre

les deux protagonistes, et non dans une écoute silencieuse. Nous pourrions dire

autrement que, dans un premier temps, le rôle du clinicien serait de créer du lien et

donc de la relation avec le patient. Nous avons constaté que sans ce premier

objectif, le clinicien est alors confronté de manière intensive à un « mur de

résistance » mettant en échec l’élaboration commune (avec la manifestation de

l’agressivité, de la provocation, de l’inhibition de la parole, etc.). Ces types

d’échanges défensifs proviennent d’un vécu infantile « non sécurisant » qui refait

surface et qui a engendré la mise en place de clivages importants. L’entourage

familial fut souvent défaillant et/ou carencé au point que les sujets détenus n’ont

malheureusement pas pu trouver dans les ressources de l’enfance des référents/des

supports identificatoires stables et apaisants. Dès les premiers instants de la vie, le

climat ambiant n’assurait pas le rôle de « contenance » attendu d’une transmission

des lois et des limites, qui étaient défaillantes ou abdiquées. C’est dans ces trous

de la langue et de la transmission que se fondent les traumas du détenu. D’où

l’importance pour le clinicien de faire du lien en associant des paroles là où le

souffrant ne peut verbaliser. Il faut savoir que pour bon nombre, depuis

l’adolescence, ils n’ont pu fonctionner qu’à travers de « l’agir » sans aucune

élaboration possible, cloisonnés dans un environnement défaillant, dans lequel la

parole et le lien pouvaient vaciller.

Dans ce type de construction psychologique, les sujets sont manifestement

pris dans une tendance à la répétition par mimétismes, par identifications

découlant de la cellule familiale ou du groupe social, engendrant alors des

troubles du comportement. Ils sont davantage tournés vers l’acte que vers

85

P. Heimann, contribution exposée au 16e Congrès international de psychanalyse de Zurich, en 1949.

111

l’intériorité et ils peuvent par conséquent avoir recours aux passages à l’acte au

sein même de l’incarcération.

« Il reste comme en suspens dans cette opération entre ciel et terre, dans un entre-deux qui fait autant consentement qu’objection aussi bien à l’inscription de la castration qu’à la persistance de la toute-puissance infantile. Sans être dans le registre de la psychose, le sujet se trouve comme sans assise subjective ; il ne peut se déprendre de l’Autre et se retrouve à son insu comme obligé de se soumettre à une position de servitude volontaire, dans une position de soumission à l’Autre, en même temps que contraint à une toute-puissance évidemment impossible à satisfaire, tout cela faute d’avoir trouvé son point d’appui dans la tierciété86».

Ce qui fut défini dans les études cliniques passées comme un état dit limite

se transforme en des organisations structurales singulières puisque ces sujets,

abasourdis par les empiétements et/ou carences de l’enfance, se confrontent par la

suite aux impasses du social, amenant des complications dans la construction du

désir, mais aussi provoquant une aspiration vers la pérennisation de l’adolescence.

Il est vrai que nous sommes face à un nombre croissant de sujets qui s’organisent

autour de l’incertitude de l’identité sexuée, du vide et de l’anxio-dépression

instable, qui résonnent dans les divers passages à l’acte s’observant

manifestement dans le groupe social (toxicomanie, addiction sexuelle, chirurgies

esthétiques, etc.). Que ces sujets soient du côté des angoisses de

séparation/intrusion ou bien opprimés par des angoisses d’anéantissement, pour

ces configurations psychiques, ils sont pour la plupart marqués par une blessure

narcissique dont ils se défendent fréquemment par une division interne (clivage

psychique) où l’existence du moi est séparée en deux rives par le trou du

traumatisme. La seule issue sera formulée ainsi par un patient : « Je suis deux en

moi. Le prédateur et le petit ourson. Les deux cohabitent (le patient se lève, prend

un mouchoir et le déchire en deux). Vous voyez ce mouchoir, eh bien, c’est moi,

86

112

le mensonge et la manipulation me permettent de coller ces deux états. » Ou

encore, selon le récit d’un autre patient : « Il y a le gentil et le méchant…

l’agresseur, qui n’a rien à voir avec moi, sort de sa cage dès lors qu’il est

alcoolisé. ».

En effet, dans les cures approfondies avec des patients diagnostiqués

borderline ou pervers, nous avons pu apprendre que nombre d’entre eux

construisaient leur histoire à partir d’un traumatisme advenu dans le champ de la

réalité (violence familiale, intrusion psychique et/ou corporelle, rejets parentaux,

inceste, etc.). Ce traumatisme est ramené sur la scène du prétoire avec un

renversement et un déplacement de la place de victime (position prise durant

l’enfance) à la figure de l’agresseur, ou bien même à la place de la figure

vampirique que produisait la représentation d’un abandon réel. Pour d’autres, le

traumatisme est exposé dans une exhibition comme marchandise fétichisée dans la

société du spectacle ou dans l’univers carcéral.

De par ces spécificités structurales, comme le dit si bien Jean - Pierre.

Chartier : « Le patient est-il incurable ou faut-il réinterroger le cadre ?

87

» La

fonction du psychologue exige alors de remanier continuellement ses outils

théoriques, ses approches cliniques, ses hypothèses et sa capacité à travailler le

matériel des séances dans l’après-coup. En effet, la dynamique transférentielle et

projective parfois très intense, sollicite de manière fréquente un travail de

réflexion, d’analyse et de supervision. Face à ces histoires de vie pleinement

atypiques et argumentées par les patients, le psychologue ne peut rester insensible.

Il devra à la fois tomber dans des traversées archaïques, se confronter à des

fantasmes primaires, supporter les dynamiques psychiques bien particulières que

provoquent la rencontre et la prise en charge du sujet incarcéré pour transgression.

Entre le familier et l’inquiétante étrangeté, mais aussi angoisse et violence, le

travail, fort passionnant, est parfois très éprouvant. De plus, il semble fondamental

87

113

et nous dirions même obligatoire d’avoir effectué ou d’effectuer un travail

analytique personnel. Plus l’inconscient du psychologue sera dans le refoulement

et dans d’autres défenses, plus il lui sera impossible d’entendre et de comprendre

le transfert du patient ainsi que son contre-transfert, laissant alors supposer un

grand « loupé » dans la prise en charge. En effet, nombre de collègues rencontrés

entre les cloisons de la prison témoignent d’une difficulté à pouvoir se remettre en

question face à leurs propres mouvements et comportements au sein même de

l’institution, engendrant par conséquent des résonances dans leurs prises en

charge avec les patients. Jean Oury estimait d’ailleurs que soigner les malades

sans soigner les soignants – et l’hôpital ou l’établissement -était pure folie. En

effet, travailler dans cet univers cloisonné laisse supposer chez le praticien une

capacité à ne pas se laisser prendre et perdre par les retours contre-transférentiels

qui circulent entre patient-soignant mais également entre soignant-soignant.

Le monde carcéral est un espace où le sentiment d’être dérobé, d’être

submergé par une émotion qui se caractérise, selon Frédéric Millaud

88

, par un

caractère informe et térébrant du vécu de dangerosité est omniprésent. Ces aspects

se trouvent conviés lors de différentes rencontres où les relations sont souvent

vampiriques, adhésives voire haineuses. Ces types de lien mettent à dure épreuve

le narcissisme du soignant mais aussi celui de l’institution. Être praticien dans une

prison signifie pouvoir faire face psychiquement à un univers

transférentiel/contre-transférentiel intense et parfois angoissant, voire chaotique,

cristallisant l’ambiance particulière de ce lieu d’exercice professionnel. Angélo.

Hesnard

89

qualifiera d’ailleurs la prison «d’univers morbide de la faute », laissant

entendre combien ce signifiant circule dans les couloirs mais également dans les

mouvements institutionnels

88

F. Millaud, Le passage à l’acte, 2e édition, Paris, Masson, 2009.

89

114 ⁂

« C’est notre regard qui enferme souvent les autres dans leurs plus étroites

appartenances et c’est notre regard aussi qui peut les libérer. »

Amin Maalouf, Les Identités meurtrières

Travailler avec des patients qui sont dans le registre du passage à l’acte

transgressif implique de pouvoir se confronter à la violence particulière de leur

état psychique qui provoque sidération et qui s’empare de tous les protagonistes

qui les ont en charge. Il suffit d’observer le personnel soignant - infirmiers,

dentistes, médecins, psychiatres et psychologues – devant faire face à une

multitude de mouvements – notamment chez les nouveaux arrivants qui dévoilent

les raisons de leur incarcération (meurtre, viol, inceste, séquestration, parricide,

etc.) –. Il faut aussi faire face aux agressions physiques et verbales entre détenus

et, parfois, envers le personnel. Il faut pouvoir traiter tant les situations d’urgence,

du fait de crises psychiques provoquées par l’isolement et l’enfermement, que la

manifestation de multiples demandes de soin et d’étayage provenant de tous les

côtés – par exemple avec une quarantaine de lettres quotidiennes adressées au

personnel de soin. Au-delà de ces faits, il faut savoir aussi accepter la violence du

brouhaha qui circule dans les couloirs de la prison.

Qu’il s’agisse de ceux qui tapent aux portes de leurs cellules, d’autres qui

diffusent leurs colères en hurlant dans les couloirs ou encore qui appellent avec

insistance pour réclamer quelque chose. Ces appels du fait de l’Hilflosigkeit

détresse ou désaide – provenant de toutes parts poussent au sentiment d’être

dérobé et submergé comme nous l’avons évoqué précédemment. Ce sentiment se

115

« relations transférentielles vampiriques et adhésives »

90

. En effet, être praticien

auprès de ces profils particulier signifie pouvoir faire face psychiquement à un

univers transférentiel-contre-transférentiel chaotique, angoissant et de non-repos

où le temps est figé, les lois erronées, les histoires de vies menottées et les affects

déniés : cristallisant d’ailleurs l’ambiance particulière des prisons, mais, surtout,

caractérisant la personnalité des pathologies de la désubjectivation. Ces espaces

apparaissent comme des moments de flottement qui peuvent se précipiter, se fixer,

s’accélérer et ralentir, laissant chaque protagoniste dans un espace psychique mêlé

d’ « inquiétante étrangeté »

91

. Cette atmosphère engendre un phénomène qui ne se

réduit pas uniquement à des sensations, mais aussi à un type de relation particulier

entre patients et soignants. En effet, la prise en charge en centre pénitentiaire par

exemple, laisse surgir un état qui se manifeste dans une sensation de violence ou

d’urgence interne, comportant toujours une dimension fantasmatique meurtrière

où apparaît un aspect lié à la vie et à la survie psychique.

Cette spécificité se manifeste dans ces rencontres cliniques par

l’intermédiaire de « transfert négatif de mort »

92

, provenant des déceptions, des

émois, des rages de l’enfance réactivées par la régression, davantage sollicitée par

l’enfermement et par la sensation d’impuissance. Ces vécus infantiles provoquent

des transferts violents, dits « négatifs », qui sont l’expression de sentiments

agressifs, susceptibles d’être destructeurs. A certains moments, ils peuvent même