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Travail en équipe entre généralistes et infirmières : une évaluation d’impact au travers de

l’efficience du suivi des patients diabétiques de type 2

Le second chapitre de cette thèse est consacré à un article publié en 2010, avec comme co-auteurs Yann Bourgueil, Philippe Le fur et Engin Yilmaz (Mousquès et al., 2010), et portant sur une évaluation économique de l’impact de l’expérimentation ASALEE (Action Santé Libérale En Équipe), sur la période 2007- 2009 (Mousquès et al., 2010).

L’expérimentation ASALEE, portée par l’association du même nom, a vu le jour en 2004, à l’initiative de médecins généralistes de la région Poitou-Charentes. Il correspond à une expérimentation de travail en équipe entre médecins généralistes et infirmières qualifiées d’« infirmières déléguées à la santé publique » (IDSP). Le dispositif s’est étendu par vagues successives et d’abord localement dans des cabinets du département des Deux-Sèvres, phase objet de la recherche ici, puis à la région Poitou-Charentes et à d’autres régions que sont la Bretagne, la Lorraine et la région Rhône-Alpes, puis enfin au plan national en 2012 avec l’entrée dans les expérimentations des nouveaux modes de rémunérations (ENMR).

L’évaluation de l’expérimentation ASALEE s’inscrit dans le cadre plus global de l’évaluation des expérimentations de coopération entre les professions de santé, coordonnée par la Haute Autorité de santé (HAS). L’objectif de cette recherche était spécifiquement d’étudier l’impact du travail en

équipe entre des infirmières et des généralistes, au travers de l’expérimentation de coopération entre professionnels de santé ASALEE, sur l’efficacité et l’efficience du suivi des patients diabétiques de type 2. Dans le cadre de cette expérimentation, le travail en équipe des généralistes – travaillant seuls ou en groupe – avec les IDPS donne lieu à deux niveaux d’intervention de ces dernières. Le premier niveau d’intervention consiste en la mise en place d’un système d’information thérapeutique pour le suivi des patients diabétiques et l’introduction de rappels informatiques dans les dossiers des patients à destination des médecins généralistes. Le second niveau consiste en la mise en place de consultations infirmières à visée d’éducation thérapeutique, sur adressage des généralistes et pour des patients diabétiques de type 2 volontaires. L’originalité de l’évaluation quasi- expérimentale proposée tient à ce qu’elle s’appuie sur une étude avant-après, rétrospective, avec la constitution de différents groupes contrôles, à partir de données constituées spécifiquement pour la recherche et associant pour les groupes traités et contrôles, un recueil d’information clinique et de suivi et un recueil d’information sur la consommation et les dépenses de soins.

L’évaluation de l’efficacité s’appuie à la fois sur la mesure du processus (six indicateurs de la qualité du suivi), ce qui est courant, et du résultat des soins (contrôle de l’équilibre glycémique via l’hémoglobine glycosylée, l’HbA1c), ce qui est beaucoup plus rare. La mesure de l’efficience s’appuie sur la mise en regard de ces résultats avec les coûts directs pour l’assurance maladie majorés des coûts induits par l’intervention de l’IDSP estimés à 60 € par an et par patient diabétique à partir des données de financement et de gestion transmises par l’expérimentation. Ceci en contrôlant de nombreuses variables de confusion patient (âge, sexe, CMU, ALD, modalité de traitement pharmaceutique, comorbidités d’intérêt spécifiques dans le cadre du diabète, recours à l’hôpital, période d’inclusion dans l’expérimentation…). Pour l’évaluation de l’impact sur le résultat de soins 588 patients ASALEE diabétiques de type 2 sont comparés à 202 patients diabétiques de type 2 suivis par des médecins « standard » (ne bénéficiant pas de l’intervention d’IDSP dans leur cabinet) de l’Observatoire de la médecine générale d’une société savante en médecine générale, la Société française de médecine générale. Pour l’évaluation de l’impact sur le processus de soins et les coûts, 838 patients ASALEE diabétiques de type 2 sont comparés à 1018 autres patients diabétiques de type 2, assurés des Deux-Sèvres et suivis par des médecins généralistes de ce département « standard » (ne bénéficiant de l’intervention d’IDSP dans leur cabinet).

Cette recherche met en évidence que la probabilité qu’un patient diabétique de type 2 devienne ou reste bien suivi, pour chacun des six indicateurs de processus et dans l’année suivant leur inclusion, est plus importante dans le groupe ASALEE que dans le groupe contrôle (p<5%). Surtout la probabilité qu’un patient diabétique de type 2 voit son HbA1c maintenue ou ramenée à 8 % ou en

deçà est plus importante dans ASALEE que dans le groupe contrôle (p<5%) dans l’année qui suit son inclusion. Ces améliorations, consécutives à la mise en place de l’expérimentation ASALEE, peuvent être considérées comme efficientes. Aucune différence significative en matière d’augmentation tendancielles des coûts directs associés au recours ambulatoire, totaux ou imputables à la prise en charge du diabète, entre les patients ASALEE, et dans ce cas majorés des coûts de l’expérimentation, et les patients du groupe contrôle, n’a été constatée. Au final, et comparativement au modèle dominant de l’organisation de la délivrance des soins en France en médecine générale, il s’agit donc d’une stratégie plus efficace, et dont les résultats sur l’impact en termes de résultat intermédiaire (Hba1c) étaient alors uniques en France et assez rares à l’étranger (voir notamment les revues de : Loveman et al. , 2008 ; Smith et al., 2008), mais aussi et surtout, d’une stratégie plus efficiente.

Néanmoins la taille modeste de l’échantillon de généralistes et d’infirmiers ne permet pas de contrôler d’éventuels biais de sélection. De plus, l’horizon temporel réduit, ne permet pas de vérifier le maintien, l’accélération ou la dégradation de cette amélioration dans le temps.

9.

Groupe pluriprofessionnel en soins primaires : une évaluation d’impact