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Chapitre III : Caractérisation des propriétés optiques des eaux du Golfe du Lion

IV. A.2. Transport vers le large des MES (mesures in situ)

Figure IV-3 : Profils verticaux de bbp(532) en m-1 pour quatre paires de journées consécutives en avril, mai et juin 2010, mesurés par les flotteurs profileurs ProvBio ayant dérivé entre 7 et 20 km au large de l'embouchure. Profils enregistrés à 8h, 12h et 18h (heure locale).

IV.A.2. Transport vers le large des MES (mesures in situ)

Comme constaté sur les profils verticaux détaillés dans la section IV.A.1 précédente, la charge en MES dans la couche de néphéloïde de fond peut être significative comparée à la charge de surface. Ces deux épaisseurs d'eau assurent la grande majorité du transport de particules fines sur le proche plateau continental, de l'embouchure vers le large. Le panache de surface est caractérisé par des concentrations en MES élevées à l'embouchure, puis sa charge particulaire diminue rapidement avec la distance à la côte, i.e. sur quelques kilomètres. La couche de néphéloïde de fond est quant à elle présente dès l'embouchure (figures IV-1 et IV-4). Cette épaisseur d'eau peut être le siège d'une part importante du transport particulaire, et les mesures in situ sont une plus value indéniable, par rapport aux mesures télédétectées, en particulier pour l'observation de cette couche.

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L'objectif ici est d'étudier le comportement des MES en surface et sur la colonne d'eau sur des radiales côte-large, à partir des mesures in situ réalisées en 2010. La figure IV-4 présente les variations de bbp(770), proxy de la concentration en MES (chapitre III), depuis l’embouchure du Rhône (station MESURHO) sur environ 5 kilomètres et sur l’ensemble de la colonne d’eau (excepté le 04/11/2010 : sonde « NKE Smatch » limitée à 20 m), pour différentes conditions saisonnières. Une même échelle de couleur a été adoptée pour chacune des cinq sections. Il convient de souligner que l'orientation des radiales était conditionnée par la dérive du navire océanographique avec les courants. On appellera « valeur de surface » la moyenne du signal

bbp(770) entre 0 et 1 m de profondeur.

Le 17/03/2010, les valeurs de surface de bbp(770) diminuent depuis la station la plus proche de la côte vers le large de 0.028 à 0.020 m-1 (~3 km de distance), et de 0.270 à 0.106 m-1 (~4 km de distance) le 09/04/2010 (figure IV-4a, b). Le gradient horizontal de bbp(770) est de 0.0022 m-1 km-1 le 17/03/2010 et de 0.0447 m-1 km-1 le 09/04/2010. Cela correspond à une décroissance de 8% et 17% par kilomètre, respectivement, pendant ces épisodes de débit modéré à fort. Cette observation est en accord avec les résultats issus des mesures biogéochimiques présentées dans le chapitre III. Dans les deux cas, le gradient horizontal est calculé sur une distance de 3 km et 4 km respectivement, et pour des trajectoires de navire comparables. Les concentrations en MES maximales étaient inférieures à 5 et 25 g m-3 pour ces deux épisodes. Le 17/03/2010 et le 09/04/2010 (i.e. avant et après l'épisode de crue de début avril), le bateau a dérivé vers le Sud-Ouest (figure IV-4a, b). Pour ces deux campagnes, les conditions de vent étaient similaires, avec un vent de Nord le matin s'orientant au Sud l'après-midi. Pendant l'épisode de crue automnale du 04/11/2010 (figure IV-4e), le gradient horizontal de bbp(770) était de 0.0264 m-1 km-1. Ce gradient, presque deux fois plus faible que celui calculé lors de la crue printanière, indique que les particules sont exportées plus loin de l'embouchure. Il est cependant important de souligner que les gradients horizontaux de

bbp(770) calculés durant les crues printanière et automnale ne peuvent être strictement comparés car les dérives du navire, et donc les trajectoires des masses d'eau, n'étaient pas identiques.

Pour les quatre campagnes pour lesquelles bbp(770) a été mesuré sur l'ensemble de la colonne d'eau, des valeurs élevées de bbp(770) ont été observées près du fond. Ceci indique la présence d'une couche de népheloïde de fond induite (i) par la chute de particules depuis les couches supérieures, (ii) par la remise en suspension par les courants marins près du fond, (iii) par l'export de particules d'origine fluviale le long de la pente continentale. Le 17/03/2010, les valeurs de bbp(770) près du fond ont augmenté avec la distance à la côte. Au point le plus profond, bbp(770) était inférieur à 0.027 m-1 pour la station la plus au Nord de la radiale, puis le signal a été multiplié par deux pour atteindre 0.053 m-1 pour la station la plus méridionale. De la même manière le 09/04/2010, bbp(770) près du fond était minimal proche de la côte, il a augmenté d'un facteur supérieur à quatre sur les deux premiers kilomètres (de 0.012 m-1 à 0.055 m-1), puis est resté relativement stable (~0.055 m-1) sur le reste de la radiale. Le 28/04/2010, bbp(770) était maximal proche de la côte (~0.033 m-1), il a ensuite été divisé par deux à la deuxième station (~0.015 m-1) puis a de nouveau augmenté pour atteindre 0.03 m-1 pour la station la plus au Sud. Enfin, pour la journée du 28/07/2010, bbp(770) près du fond était le plus élevé au Nord (>0.085 m-1), de la même manière que le 28/04/2010, il était

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presque deux fois plus faible à la deuxième station (<0.05 m-1) avant de croitre lentement vers le large jusqu'à 0.063 m-1. Les mesures de fluorescence, proxy de la concentration en Chla (Xing et al. (2011) ; Mignot et al. (2011)), permettent d'expliquer les valeurs maximales de

bbp(770) pour la station la plus septentrionale du 28/04/2010 et du 28/07/2010. Pour ces deux stations, au niveau du maximum profond de bbp(770), les valeurs de fluorescence sont elles aussi élevées. On peut supposer que pour ces deux stations, la valeur double du signal de

bbp(770) près du fond relativement aux autres stations des deux radiales, est due à la présence combinée dans cette épaisseur d'eau de sédiments et de phytoplancton.

Hormis ces deux exceptions, le signal de bbp(770) près du fond augmente avec la distance à la côte, soit un comportement inverse de la charge en MES dans la couche de surface. De plus, la magnitude de cette augmentation semble être conditionnée par le débit liquide du Rhône et les vents. Pour un régime de crue (09/04/2010, figure II-5c), la charge en MES dans le néphéloïde de fond croit d'une manière remarquable (facteur 4) en seulement 2 km avant de se stabiliser. On peut supposer que cette augmentation est due à la chute rapide en seulement quelques kilomètres des particules depuis les couches supérieures de la colonne d'eau. Pour les journées du 17/03/2010 et du 28/04/2010, le débit du Rhône ainsi que les vents étaient modérés (figures II-5c, II-6a et II-6c), la concentration en MES proche du fond a augmenté d'un facteur deux en environ 3 et 2 kilomètres respectivement, ce qui atteste d'une chute plus lente des particules. Finalement, le 28/07/2010, lorsque le débit liquide du Rhône est en étiage et le vent fort (figures II-5c et II-6d), la concentration en MES près du fond est très élevée dès la station la plus au Nord de la radiale (figure IV-4e). Il s'agit de sédiments remis en suspension par les courants générés par les vents ainsi que des apports fluviaux.

Il convient de noter que le transport des particules dans cette couche de néphéloïde a été peu documenté, principalement en raison de la stratification de la charge particulaire près du fond et des difficultés de mesures (Aloisi et al., 1979 ; Naudin et Cauwet, 1997). Une estimation précise de l'épaisseur de la couche de néphéloïde de fond par déploiement d'instruments depuis un navire océanographique est rendue souvent complexe. Cette difficulté est en particulier due à la connaissance imprécise de la distance entre la mesure la plus profonde et le fond marin. A ce niveau les plateformes ProvBio sont adaptées car elles s’échouent sur le fond permettant ainsi de mieux documenter l'épaisseur du néphéloïde de fond et sa charge particulaire.

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Figure IV-4 : Variation de bbp(770) en m-1 en fonction de la profondeur à différentes distances de la bouée MESURHO (point noir sur les 5 cartes de gauche). Les mesures sont été faites depuis un navire océanographique dérivant librement sur des distances de 3-4 km le a) 17/03/2010, b) 09/04/2010, c) 28/04/2010, d) 28/07/2010, e) 04/11/10.

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Durant la période d'étiage estival, un néphéloïde intermédiaire est identifié entre 10 et 20 m de profondeur environ (figure IV-4d). Le coefficient de rétrodiffusion ne permet pas de déterminer s'il s'agit (i) de MES ayant chuté depuis les couches supérieures (ii) de phytoplancton. La mesure de la fluorescence permet de répondre à cette question. Sur la figure IV-5b, les variations de la fluorescence sont représentées pour la même radiale que celle de la figure IV-4d. Les variations de la fluorescence permettent de conclure que la couche néphéloïde intermédiaire est du phytoplancton. Cette couche néphéloïde de phytoplancton s'approfondit avec la distance depuis l'embouchure. La profondeur propice au développement du phytoplancton évolue avec la distance depuis l'embouchure. Il a été démontré dans le chapitre III, qu'avec l'augmentation de la distance de l'embouchure, la concentration en MES décroit rapidement dans les eaux de surface sur quelques kilomètres. Avec la diminution de la concentration des MES dans les eaux de surface, la lumière peut pénétrer plus profondément dans la colonne d'eau. L'épaisseur d'eau propice au développement du phytoplancton, équilibre entre apport de lumière et de nutriments, va donc s'approfondir également. Le maximum de fluorescence est centré autour de 10 m de profondeur pour la station la plus au Nord de la radiale. Ce maximum s'approfondit progressivement ; à 2 km de la station la plus au Nord de la radiale, il est centré à 20 m de profondeur (figure IV-5b). Au delà de 2 km, cette profondeur reste relativement stable et la couche s'épaissit progressivement.

Figure IV-5 : a) Localisation des stations de mesure (points bleus) et de MESURHO (point noir) ; b) Variation de la fluorescence en fonction de la profondeur à différentes distances de la bouée MESURHO le 28/07/2010.

IV.B. Variation de turbidité dans les eaux de surface à l'embouchure du