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Chapitre III : Caractérisation des propriétés optiques des eaux du Golfe du Lion

III. C.1.d. Contributions respectives des particules algales, non-algales et

Durant la campagne Optic-Med (4-16 mai 2008) (figure II-2a), les coefficients d'absorption des matières dissoutes colorées (CDOM), des particules non-algales et du phytoplancton ont été mesurés dans les eaux de surface. Le spectre d'absorption du CDOM, aCDOM, peut être modélisé également par une fonction exponentielle décroissante entre 300 et 550 nm (Bricaud et al., 1981, section I.A.2.b), avec un coefficient de détermination moyen R2 de 0.99. La figure III-19a, représente, pour l'ensemble des stations de surface, le spectre d'absorption moyen (±écart type) du CDOM. La figure III-19b synthétise sous forme d'un histogramme les variations de la valeur de la pente SCDOM, dont la valeur moyenne est de 0.0171 nm-1. Cette valeur de pente est proche de celle mesurée par Babin et al. (2003a) dans les eaux côtières européennes (tableau III-8).

Figure III-19 : a) Spectres d'absorption aCDOM(λ) en surface moyen ± écart type; b) Fréquence de distribution de la pente exponentielle SCDOM (en nm-1) de aCDOM(λ) en surface de l'ensemble des stations.

Au cours de la campagne Optic-Med, un grand nombre de stations a été échantillonné à des distances importantes de la côte hors de l’influence directe des apports du Rhône. En se basant sur un critère géographique, les stations ont été classées en deux groupes. Le premier intitulé « Côte » (38 stations) regroupe les stations localisées entre la côte au Nord et la latitude 43° N au Sud, et le groupe « Large » (13 stations) englobe toutes les stations au Sud de la latitude 43° N. L'objectif de cette classification est d'identifier dans quelle mesure les

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apports continentaux impactent sur les propriétés d’absorption en termes de magnitude, de signature spectrale et contribution à l'absorption totale. Le tableau III-8 synthétise, pour chacun des deux groupes, la valeur moyenne de aCDOM(443), ainsi que la pente spectrale moyenne associée. Dans les eaux côtières, les substances jaunes ne sont pas uniquement produites par la dégradation du phytoplancton, mais elles proviennent en grande partie des apports terrigènes (Bricaud et al., 1981 ; Nelson et Guarda, 1995; Gallegos et Neale, 2002 ; Siegel et al., 2002). Comme il a été mentionné au chapitre I (section I.A.2.b), les pentes fortes sont caractéristiques des acides fulviques d'origine continentale, alors que les pentes plus faibles sont indicatrice d'une part importante d'acides humiques (Carder et al., 1989).

Groupe aCDOM(443) (m-1) SCDOM (nm-1) Côte (N=38) 0.091 ± 0.072 0.0175 ± 0.0010 Large (N=13) 0.025 ± 0.015 0.0158 ± 0.0005

Babin et al (2003a) 0.0176 ± 0.0020

Tableau III-8 : Valeurs moyennes et déviation standard de aCDOM(443) et de SCDOM en surface, et SCDOM mesuré dans des eaux côtières par Babin et al. (2003a).

D'après nos mesures, le groupe « Côte » a la pente spectrale moyenne la plus élevée avec 0.0175 nm-1, caractéristique du CDOM d'origine continentale. Babin et al. (2003a) ont mesuré dans les eaux côtières européennes une pente spectrale moyenne très proche. Le groupe « Large » présente une pente moyenne plus faible de 0.0158 nm-1. Nous disposons, pour 38 stations, de mesures d'absorption du CDOM au niveau du maximum profond de Chla pour lesquelles la pente spectrale moyenne, SCDOM, est de 0.0161 nm-1. A ce niveau de profondeur, le CDOM est a priori majoritairement issu de la dégradation de cellules phytoplanctoniques. Cette valeur de pente tend à confirmer que le CDOM du groupe « Large » provient lui aussi de la dégradation de cellules phytoplanctoniques. Le coefficient aCDOM(443) en m-1 est le proxy de la concentration en CDOM. La concentration moyenne en CDOM du groupe « Côte » est presque quatre fois supérieure à celle du groupe « Large » (tableau III-8). En moyenne, pour les stations du groupe « Côte », l'absorption du CDOM peut être exprimée comme suit : )) 443 .( 0175 . 0 ( exp ). 443 ( ) (λ = CDOM λ CDOM a a (III-1)

Les propriétés spectrales d'absorption des particules non-algales des groupes « Côte » et « Large » sont détaillées dans le tableau III-9. La différence entre les deux groupes est marquée aussi bien au niveau de la signature spectrale SNAP que de la valeur de aNAP(443). Il semble donc que les particules non-algales d'origine continentale chutent rapidement en aval des sources (embouchures de fleuves) et ne sont pas transportées vers le large. L'absorption des particules phytoplanctoniques à 443 nm, aφ(443), est maximale pour le groupe « Côte ». Certaines des stations côtières échantillonnées en début de campagne présentaient des concentrations en phytoplancton très élevées qui impactent fortement sur la moyenne du groupe.

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Groupe aNAP(443) (m-1) SNAP (nm-1) aφ(443) (m-1) Côte (N=38) 0.039 ± 0.020 0.0087 ± 0.0021 0.080 ± 0.0021 Large (N=13) 0.007 ± 0.008 0.0067 ± 0.0020 0.025 ± 0.0015

Babin et al (2003a) 0.0123 ± 0.0013

Tableau III-9 : Valeurs moyennes et déviation standard de aNAP(443), SNAP, aφ(443) en surface, et SNAP mesuré dans des eaux côtières par Babin et al. (2003a).

La contribution relative de chacun des trois composants à l'absorption totale, si l’on exclut l’absorption par l’eau de mer pure (atotale = aNAP + aφ + aCDOM), a été calculée à 443nm (figure III-20). Le tableau III-10 résume pour les deux groupes les contributions moyennes en % des trois composants.

Figure III-20 : Contribution relative en % des NAP (a_NAP), CDOM (a_CDOM) et du phytoplancton (a_PHI) à l'absorption totale (soustraction faite de l’absorption par l’eau de mer pure) pour les stations des groupes « Côte » et « Large ».

Groupe aNAP / atotale (%) aφ / atotale (%) aCDOM / atotale (%)

Côte (N=38) 21.6 40.6 37.8

Large (N=13) 12.2 50.3 37.5

Tableau III-10 : Contribution moyenne en surface à l'absorption totale de l'absorption des NAP, du CDOM et du phytoplancton pour les deux groupes « Côte » et « Large ».

La figure III-20 et le tableau III-10 montrent que la contribution des NAP à l'absorption totale des eaux du large reste toujours inférieure à 18% avec une valeur moyenne de 12.2 %. Cette contribution est presque deux fois moindre que dans les eaux côtières directement influencées par le Rhône (21.6 %), confirmant que les particules non-algales chutent rapidement dans la zone côtière. Dans les eaux du large, le phytoplancton (entre 19% et 78%) et le CDOM (entre

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7% et 66%) conditionnent majoritairement les propriétés d'absorption avec des contributions respectives très variables par rapport aux particules NAP qui ont une influence moindre (entre 6% et 18%). Près des côtes, les contributions relatives des trois composantes à l'absorption totale sont variables. La vaste zone géographique couverte par les stations du groupe « Côte » peut expliquer cette hétérogénéité.

Il s'avère utile d’identifier un paramètre optique plutôt qu'un critère géographique pour classifier les masses d’eaux sur la zone d’étude. Le paramètre choisi dans cette étude est le coefficient de rétrodiffusion particulaire (bbp) dans les eaux de surface car il s’agit d’un paramètre fréquemment utilisé comme proxy de la concentration en MES. De plus, il est possible d’estimer ce coefficient à partir de mesures satellitaires de la couleur de l’eau (Gordon et al., 1975 ; Morel et Prieur, 1977). La longueur d’onde de bbp que nous avons sélectionné est 750 nm car c’est une région spectrale où les propriétés de rétrodiffusion des particules prédominent par rapport à l’absorption particulaire. Sur les 27 mesures concomitantes réalisées en 2008 pour lesquelles les coefficients bbp(750), aNAP, aφ, aCDOM étaient tous disponibles, 17 échantillons appartiennent au groupe « Côte » et 10 échantillons au groupe « Large ». Pour ces 27 stations, la valeur moyenne de bbp(750) est de 0.0069 m-1.La classification de ces 27 stations a consisté à fixer différentes valeurs seuils de bbp(750) pour retrouver une classification s'approchant de la classification géographique initiale « Côte » et « Large ». Plusieurs valeurs seuils ont été testées et la valeur qui a permis d’obtenir une classification réaliste la plus proche de la classification géographique est bbp(750) = 0.0035 m-1. Ainsi, le groupe 1 est le groupe de stations pour lequel bbp(750) > 0.0035 m-1 ; le groupe 2 est le groupe de stations pour lequel bbp(750) < 0.0035 m-1. Plus précisément, sur les 27 stations :

- 14 sont classées dans le « groupe 1 » dont 13 font partie groupe « Côte » - 13 sont classées dans le « groupe 2 » dont 9 font partie groupe « Large »

L'utilisation de la rétrodiffusion particulaire comme critère de classification des masses eaux est donc adaptée. Le tableau III-11 synthétise les valeurs moyennes de l'absorption relative à l'absorption totale (soustraite de l’absorption par l’eau de mer pure) des trois composantes (aNAP, aφ, aCDOM) en % pour les deux groupes. On constate que les valeurs moyennes aNAP/

atotale des « groupe 1 » et « groupe 2 » sont très proches des valeurs obtenues pour les groupes « Côte » et « Large » (tableau III-10), respectivement.

Groupe aNAP/ atotale (%) aφ / atotale (%) aCDOM / atotale (%) Groupe 1 bbp(750) > 0.0035 m-1, (N=14) 22.1 45.2 32.7 Groupe 2 bbp(750) < 0.0035 m-1, (N=13) 12.6 44.1 43.3

Tableau III-11 : Contribution moyenne en surface à l'absorption totale de l'absorption des NAP, du phytoplancton et du CDOM pour les deux groupes de classification utilisant la valeur seuil bbp(750) = 0.0035 m-1.

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Les pentes spectrales moyennes SCDOM et SNAP, indicatrices de la nature des MES du « groupe 1 » et du « groupe 2 », sont présentées dans le tableau III-12. La différence de pente

spectrale SNAP entre le « groupe 1 » et le « groupe 2 » est très marquée de la même manière qu'entre les groupes « Côte » et « Large ». En revanche, la différence de pente SCDOM entre les deux groupes est faible, si bien qu'il est difficile de conclure sur l'origine du CDOM. Ces résultats tendent à confirmer que les particules non-algales chutent rapidement près de leur source (l’embouchure du Rhône) tandis que le transport du CDOM vers le large est beaucoup plus conservatif.

Groupe SCDOM (nm-1) SNAP (nm-1) Groupe 1

bbp(750) > 0.0035 m-1, (N=14) 0.0194 0.0084 Groupe 2

bbp(750) < 0.0035 m-1, (N=13) 0.0188 0.0064

Tableau III-12 : Valeurs moyennes de SCDOM, SNAP (nm-1) en surface pour les deux groupes de classification utilisant la valeur seuil bbp(750) = 0.0035 m-1.