• Aucun résultat trouvé

Chapitre III : Caractérisation des propriétés optiques des eaux du Golfe du Lion

III. F. Discussion et conclusion

Ce chapitre III a permis d'appréhender, à l'aide de paramètres biogéochimiques, les propriétés des eaux côtières influencées par les apports liquides et solides du Rhône (sections III.A. et III.B). L'étude basée sur 5 épisodes de l'année 2010, répartis entre le printemps et l'automne et couvrant des conditions de vent et surtout de débit liquide du Rhône variés s’est focalisée sur le prodelta, i.e. la zone proche de l'embouchure du grand Rhône jusqu’à 10 km au large. Les variations de concentrations en MES dans les eaux de surface y sont très marquées, surtout lors des épisodes de crue. Sur seulement quelques kilomètres (environ 4-5 km depuis MESURHO), les concentrations en MES mesurées en surface diminuent d'environ 50% de l’embouchure vers le large. Lors d'épisodes de crue, le transfert vertical vers le fond des particules est rapide. Cette observation est en accord avec la littérature (Aloisi et al., 1982 ; Naudin et al., 1992). Cette chute rapide de la concentration s'explique par des phénomènes de floculation induits par l'augmentation de la salinité dans la zone côtière. Ces phénomènes créent des particules plus grosses (flocs ou agrégats) qui tendent à chuter plus rapidement que les particules élémentaires. Hors crue, les concentrations en MES sont plus homogènes spatialement. Les particules sont plus fines, elles chutent donc plus lentement et sont exportées plus au large contrairement aux particules floculées.

Les concentrations en Chla, proxy de la biomasse phytoplanctonique, étaient assez faibles en 2010. L'atténuation de la lumière par les particules présentes en surface peut limiter la production phytoplanctonique et expliquer ces faibles concentrations (Smith, 1982 ; Wofsy, 1983). Des profils de fluorescence disponibles pour une seule campagne de 2010 montrent des valeurs plus élevées juste en dessous de la couche de surface, zone où la salinité est plus élevée. Pour l'ensemble de nos campagnes le microplancton, en particulier les diatomées, domine la biomasse phytoplanctonique. Cette observation est en accord avec d'autres études selon lesquelles la croissance des diatomées est favorisée dans des eaux riches en nutriments (Furnas, 1990) et en silicate (Naudin et al., 2001).

L'évolution spatiale des concentrations en POC montre le même type de comportement que celle des concentrations en MES. La comparaison avec des études récentes a montré que les gammes de concentrations en POC mesurées dans la zone côtière sont proches de celles

143

mesurées en amont de l'embouchure (Harmelin-Vivien et al., 2010). Les processus de transport du POC semblent donc être relativement conservatifs depuis le fleuve vers les eaux côtières au moins sur les premiers kilomètres. La teneur POC/MES montre une forte variabilité pour de faibles concentrations en MES (i.e. <5 g m-3) et cette teneur est fonction du type d'événement fluvial. En période de crue les sédiments en suspension exportés dans la zone côtière sont essentiellement de nature minérale avec une faible teneur en POC, contrairement aux épisodes de débit modéré. Spatialement et quel que soit le type d'événement fluvial rencontré, la teneur POC/MES augmente avec la distance depuis l'embouchure. Les particules minérales chutent alors rapidement ; parallèlement la teneur en POC augmente du fait de la prédominance de particules phytoplanctoniques au large. Cette observation est en accord avec Naudin et al. (2001).

Nous avons par ailleurs cherché à comprendre le lien entre les différents paramètres biogéochimiques. Le principal enseignement de cette étude est que l'origine du POC est fonction du débit du fleuve et de la saison. Pour des épisodes hors crue, la teneur POC/MES est élevée et la concentration en POC est conditionnée par celle en Chla. En période de crue printanière, le POC est issu d'une part des cellules phytoplanctoniques et d'autre part des sédiments apportés par le fleuve. Enfin, en période de crue automnale, la teneur POC/MES est minimale, elle est majoritairement liée aux sédiments en suspension.

La nouvelle technique de mesure de l’absorption particulaire par spectrophotométrie sur filtre au centre d'une sphère intégrante (Röttgers et Gehnke, 2012) a montré une absorption non-nulle des particules, essentiellement non-algales, dans le proche infrarouge. Cette observation est en accord avec des mesures récentes d'absorption particulaire sur cuvette placée au centre d'une sphère intégrante (Estapa et al., 2012). Babin et Stramski (2004) et Doxaran et al. (2009) ont aussi observé une absorption particulaire non-nulle dans le proche infrarouge. L'étude des pentes spectrales du coefficient d'absorption des particules non-algales a permis de disposer d'une information sur la nature des particules en accord avec Babin et al. (2003a). Les longueurs d'ondes proche infrarouge (i.e. 770 nm) donnent les meilleurs résultats pour estimer les concentrations en MES à l'aide du coefficient d'absorption des particules.

L'étude des coefficients d'absorption du CDOM, des NAP et du phytoplancton pour une campagne en 2008 a apporté de nombreux enseignements. La pente spectrale du coefficient d'absorption du CDOM résulte de son origine comme il avait été précédemment suggéré par Carder et al. (1989), Babin et al. (2003a), Matsuoka et al. (2011) où des pentes plus fortes ont été observées dans l'océan côtier. Par rapport à l'absorption totale, l'absorption des NAP est plus forte dans l'océan côtier qu'au large. Enfin une propriété optique télédétectable (i.e.

bbp(750)) permet de classifier les eaux de surface dans le GoL en deux catégories : les eaux directement influencées par les apports du Rhône et celles hors influence directe.

Le coefficient de rétrodiffusion particulaire bbp(770) a été identifié comme un proxy efficace de la concentration en MES. McKee et Cunningham (2006), Boss et al. (2009), Neukermans et al. (2012) ont aussi établi le lien entre ces deux quantités. Les autres longueurs d'ondes de

bbp disponibles sont aussi de bons proxys de la concentration en MES. Cependant, elles présentent des valeurs saturées pour les plus fortes concentrations du fait des capteurs utilisés dans le cadre de cette étude. Le coefficient bbp(770) sera utilisé dans le chapitre IV pour

144

étudier les variations spatiales et temporelles des concentrations en MES. Le rapport de rétrodiffusion particulaire bbp/bp a montré de fortes variations. Cependant, il n’a pas été établi de relation robuste entre les propriétés biogéochimiques des MES et les valeurs de bbp/bp. Une perspective est néanmoins envisageable en utilisant les mesures des plateformes autonomes ProvBio. Les mesures réalisées avec le LISST ont permis de documenter la distribution de taille des particules près du fond lors d'un épisode de crue printanier. Dans la couche de népheloïde de fond, la taille des particules diminue avec la distance depuis l'embouchure vers le large.

Un algorithme empirique régional a enfin été développé à l'aide de mesures in situ de réflectance au dessus de l'eau et des concentrations en MES. Il nécessite la combinaison de trois bandes spectrales de réflectance afin de retrouver les concentrations en MES. Les longueurs d'onde sélectionnées pour développer l'algorithme correspondent aux bandes spectrales des capteurs satellitaire couleur de l'océan MODIS et MERIS. L’algorithme empirique est donc optimisé pour être applicable à ces capteurs avec la meilleure résolution spatiale possible afin d’étudier les processus de faible dimension spatiale qui se produisent à l'embouchure du Rhône. Cet algorithme régional sera appliqué dans le chapitre IV aux images MODIS et MERIS afin de quantifier les concentrations en MES et de comprendre le devenir des MES dans les eaux côtières influencées par les apports liquide et solide du Rhône.

145

Chapitre IV

Dynamique spatio-temporelle des matières

en suspension exportées par le Rhône dans

147

Chapitre IV

Dynamique spatio-temporelle des matières en suspension exportées par le