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Chapitre III : Caractérisation des propriétés optiques des eaux du Golfe du Lion

III. C.1.a. Coefficient d’absorption des particules non-algales (a nap )

La relation entre la signature spectrale du coefficient d'absorption des particules non-algales et leur origine (minérale ou organique) n'a pas été clairement établie (Nelson et Guarda, 1995 ; Sydor et Arnone, 1997 ; Gallegos et Neale, 2002 ; Siegel et al., 2002). Babin et al. (2003a) ont cependant émis l'hypothèse qu'une augmentation de cette pente indique une augmentation de la part du matériel détritique d'origine organique. Dans cette sous-partie, les coefficients d'absorption des particules non-algales sont analysés dans le but d’étudier la relation entre leur dépendance spectrale et les propriétés biogéochimiques du milieu.

La figure III-11 illustre pour 4 campagnes (16-17 mars 2010, 28-29 avril 2010, 4-5 novembre 2010 et 10-17 mars 2011) les pentes spectrales du coefficient d'absorption des particules non-algales (anap). Une fonction exponentielle décroissante (équation I-9) a été utilisée pour modéliser le coefficient d'absorption des particules non-algales. Afin de comparer les valeurs des pentes avec celles publiées par Babin et al. (2003a), le même protocole a été appliqué. Ainsi, pour chacun des spectres anap, la valeur de l'absorption à 750 nm (proche infrarouge) a été retranchée, soit anap(λ) - anap(750). Afin de s'affranchir de l'impact de l'absorption résiduelle des pigments phytoplanctoniques (due à une éventuelle dépigmentation incomplète des particules retenues sur les filtres), les pics d'absorption de la Chla (dans le bleu (400-480 nm) et le rouge (620-710 nm)) n’ont pas été considérés dans le calcul de la pente spectrale, comme suggéré par Babin et al. (2003a).

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Figure III-11 : Spectres du coefficient d'absorption des particules non-algales (anap en m-1) pour les campagnes des : a) 16-17 mars 2010, b) 28-29 avril 2010 c) 4-5 novembre 2010, d) 10-17 mars 2011.

Les valeurs de SNAP (figure III-12) sont réparties sur une bande relativement étroite avec 85% des valeurs comprises entre 0.0085 et 0.0105 nm-1. La valeur moyenne est de 0.009 nm-1 avec un coefficient de variation d'environ 10%. Estapa et al. (2012) ont calculé cette pente spectrale à partir de mesures d'absorption particulaire sur cuvette et ont trouvé des pentes moyennes de 0.0104 ± 0.0009 nm-1 proches de nos gammes de valeurs.

Figure III-12 : Fréquence de distribution de la pente exponentielle SNAP (en nm-1) des spectres d'absorption des particules non algales, aNAP(λ).

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Le tableau III-5 synthétise les valeurs des pentes spectrales SNAP en distinguant les 4 campagnes réalisées. Campagne N SNAP (nm-1) R2 16-17 mars 2010 20 (92±3)×10-4 0.99 28-29 avril 2010 16 (88±8)×10-4 0.99 4-5 novembre 2010 14 (75±6)×10-4 0.99 année 2010 50 (85±9)×10-4 0.99 10-17 mars 2011 37 (95±4)×10-4 0.99 année 2010 & 2011 87 (90±9)×10-4 0.99

Babin et al. (2003a) (123±13)×10-4

Tableau III-5 : Pentes spectrales SNAP (en nm-1) de la fonction exponentielle décroissante du coefficient

anap(λ) pour trois campagnes de 2010 et une campagne de 2011.

A partir de l’ensemble des données (N=87), la modélisation du coefficient d'absorption des particules non-algales par une fonction de type exponentielle décroissante est validée (R2 = 0.99). Les pentes spectrales moyennes sont maximales en mars 2010 et 2011 avec une pente

SNAP de 0.0092 ± 0.0002 nm-1 et de 0.0094 ± 0.0004 nm-1, respectivement. Lors de l’épisode de crue du 4-5 novembre 2010 (fortes concentrations et proportions de sédiments en suspension, voir parties III.A. et III.B) une valeur moyenne remarquablement faible de 0.0075 ± 0.0006 nm-1 est observée, tandis qu’une valeur moyenne intermédiaire est mesurée les 28-29 avril 2010. Ceci tend à confirmer l'hypothèse de Babin et al. (2003a) selon laquelle la nature des particules non-algales impacte la valeur de la pente SNAP.

Les régressions linéaires établies entre l'absorption des particules non-algales (anap) (m-1) et la concentration en MES (g m-3) sont présentées figure III-13 à deux longueurs d'onde : (i) 443 nm, qui est communément utilisée comme référence pour la modélisation de l'absorption des particules algales et non-algales ; (ii) 770 nm afin d'évaluer s'il existe une absorption significative des NAP dans le proche-infrarouge.

Figure III-13 : a) anap(443) en m-1 fonction de la concentration en MES en g m-3 et b) anap(770) en m-1 fonction de la concentration en MES en g m-3. Les régressions linéaires sont reportées sur le graphique. Les barres d'erreur horizontales représentent l’incertitude sur les concentrations en MES.

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Les résultats montrent que, sur une large gamme de concentration en MES (0.7-36.7 g m-3), il existe une seule régression linéaire entre ces deux paramètres (R2 = 0.90 à 443 nm et R2 = 0.96 à 770 nm) bien que les MES soient composées de proportions très variables en matières algales et non-algales.

Le tableau III-6 rapporte les valeurs de la pente de la régression linéaire établie entre anap à deux longueurs d'onde et la concentration en MES, avec une ordonnée à l’origine nulle en distinguant chacune des campagnes.

Campagnes N anap(443)/MES (m2 g-1) R2 anap(770)/MES (m2 g-1) R2

16-17 mars 2010 20 0.0248 0.84 0.0075 0.90 28-29 avril 2010 16 0.0261 0.83 0.0078 0.82 4-5 novembre 2010 14 0.0198 0.80 0.0084 0.90 année 2010 50 0.0200 0.92 0.0084 0.96 10-17 mars 2011 37 0.0293 0.90 0.0092 0.90 année 2010 & 2011 87 0.0206 0.90 0.0084 0.96

Tableau III-6 : Pentes (anap(443)/MES) et (anap(770)/MES) associées à leurs coefficients de détermination (R2) des régressions linéaires pour trois campagnes de 2010 et une campagne de 2011.

A chaque longueur d'onde, le coefficient de détermination est plus faible lorsque l’on considère une campagne individuelle par rapport à la régression moyenne établie sur l’ensemble des campagnes. Cependant, ce coefficient reste significatif (supérieur à 0.80 et 0.82 à 443 nm et 770 nm, respectivement), pour chaque campagne. Ces résultats indiquent que les particules non-algales absorbent la lumière de façon significative à 770 nm alors que l’absorption particulaire dans le proche infra-rouge a longtemps été supposée négligeable (voir la discussion au chapitre II, à la fin du paragraphe II.E.2.c). Cependant, cette absorption particulaire dans le proche infrarouge (PIR) ne représente généralement qu'une faible partie de l'absorption totale de la lumière par le milieu marin, étant donnée la contribution majoritaire de l'absorption par les molécules d’eau. A titre d’exemple, l'absorption de la lumière par l'eau de mer pure à 750 nm s'élève à 2.857 m-1 (Kou et al., 1993) alors que l’absorption particulaire est typiquement inférieure à 0.05 m-1 (figure III-11). Cependant, pour la concentration en MES la plus élevée (~35 g m-3), l'absorption des particules non-algales peut représenter environ 10% de l'absorption totale. Même si l’absorption due aux NAP ne domine pas l’absorption totale, elle est donc significative et doit être prise en compte dans les modèles bio-optiques en eaux côtières.

Une expérience additionnelle a été menée avec des billes totalement diffusantes non-absorbantes (Duke Scientific Corporation : 1µm Latex Microsphere Suspensions) afin de vérifier la véracité de l'absoprtion des particules dans le PIR. Au cours de cette expérience les billes ont été concentrées par filtration sur un filtre GF/F, en appliquant le même protocole que lors des filtrations des échantillons d'eau de mer. Le filtre GF/F a ensuite été placé au centre de la sphère intégrante afin de mesurer la densité optique des billes. Deux échantillons ont été préparés en suivant le même protocole afin de disposer de mesures en duplicat.

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Figure III-14 : Densité optique des billes diffusantes non-absorbantes concentrées sur filtre GF/F en fonction de la longueur d'onde (nm) pour deux échantillons.

La figure III-14 montre que la densité optique des billes entièrement diffusantes, pour les deux échantillons, est très proche de 0 du visible au proche infrarouge (400-800 nm). On peut donc conclure que l'absorption non-nulle des particules non-algales dans le PIR n'est pas une erreur due à la diffusion résiduelle des particules.