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La transition vitreuse colloïdale

2.3 Les transitions vitreuses des ferrofluides

2.3.1 La transition vitreuse colloïdale

Propriétés physico-chimiques des ferrofluides concentrés

Les ferrofluides à différentes fractions volumiques sont obtenus par la technique de com-pression osmotique décrite au paragraphe 2.1.2. La comcom-pression osmotique est effectuée pen-dant quatre semaines afin d’obtenir un équilibre entre la pression osmotique du bain et celle

du ferrofluide.33

A la sortie du bain, l’aspect macroscopique des ferrofluides est relevé. Bien qu’il s’agisse d’une approche qualitative, l’aspect macroscopique des ferrofluides et leur capacité à couler lorsque l’on incline le récipient qui les contient sont des témoins utiles du passage de la transi-tion fluide-solide. La figure 2.24 présente des clichés photographiques de ferrofluides liquides (qui coulent aux échelles de temps expérimentales), liquides très visqueux (qui coulent sur des échelles de temps supérieures à la minute) et solides (qui ne coulent pas à l’échelle de cette thèse).

FIG. 2.24 –Aspects macroscopiques de ferrofluides (de gauche a droite) liquides, liquides concentrès, solides

La fraction volumiqueφ du ferrofluide est déterminée par dosage du fer comme cela est

décrit dans la partie 2.1.2. Pour des ferrofluides liquides, cette méthode est efficace et la dis-persion des mesures expérimentales n’excède pas0.5%. En revanche pour les ferrofluides plus

concentrés, la viscosité importante des échantillons entraîne une incertitude sur le prélèvement d’un volume contrôlé (nécéssaire pour doser le fer) et la dispersion des valeurs expérimentales de la fraction volumique augmente. Une mesure de densité de l’échantillon est alors employée pour estimer la fraction volumique, méthode efficace, mais qui présente des dispersions

ex-33Notons que l’équilibration de la pression osmotique après cette période pour les ferrofluides vitreux n’est pas démontrée, mais constituera notre protocole.

périmentales élevées, qui peuvent atteindre3% pour les ferrofluides les plus concentrés. Une

estimation de la fraction volumique par mesure de transmission34est consistante avec la mé-thode chimique à basse fraction volumique, mais échoue à forte concentration, l’épaisseur de la cuve employée n’étant plus alors assez bien contrôlée. Notons enfin que les ferrofluides sont conservés dans des pots remplis de n-dodécane, composé chimique choisi pour son absence d’interaction avec les particules et son imperméabilité à l’eau, pour éviter une évaporation de l’eau du ferrofluide qui entrainerait une variation de la fraction volumique. De plus quelques gouttes de chloroforme sont ajoutées dans le pot, afin d’éviter la prolifération bactérienne, pos-sible à pH 7. Le tableau 2.3 résume les caractéristiques relatives aux ferrofluides A (d = 10

nm,σ=0.35, [cit]libre=0.03 M).

Nous avions déjà placé, dans la partie 2.1.2, le ferrofluide A sur le diagramme des phases des nanoparticules de maghémites (voir figure 2.2, page 64). Notons que tous les échantillons utilisés se situent au dessus de la droite de pente unité d’équation ΠVp

kBT = 0 qui représente

un système parfait sans interactions. Le système est donc à toutes les concentrations dans un régime répulsif de l’espace des phases. L’intensité des répulsions entre nanoparticules aug-mente, cela est compréhensible, lorsque la pression osmotique imposée augmente. D’autres arguments en ce sens sont également apportés par l’évolution des facteurs de structure obtenus par diffusion de rayonnement aux petis angles .

34En utilisant la loi de Beer-Lambert :t = e−αeφoùe est l’épaisseur de la cuve contenant le ferrofluide et α un coefficient qui dépend du ferrofluide employé et de la longueur d’onde du laser

Aspect macroscopique W (%) Π(kP a) ΠVp kBT φ Liquides 1.9 0.6 0.126 0.01 3.5 1.5 0.315 0.13 5.1 2.9 0.609 0.175 6.7 5.1 1.07 0.19 8 7.5 1.58 0.22 Liquides pâteux 9.9 12.1 2.54 0.25 11.5 17.2 3.61 0.265 13.5 25.3 5.31 0.28 15.5 37.2 7.81 0.30 Solides 18 54.6 11.5 0.32 20 74 15.5 0.35

TAB. 2.3 –Tableau récapitulatif des caractéristiques des ferrofluides A utilisés dans cette étude. Les1ereet2e

colonnes concernent respectivement l’aspect macroscopique des ferrofluides à leur sortie du bain de compression osmotique et la fraction massique W de polymères dissous dans le bain. Les3eet 4e colonnes représentent respectivement la pression osmotique correspondante et la variable sans dimensionΠVp

kBT, oùVpest le volume des particules, utilisé pour placer le ferrofluide dans le diagramme de phase colloïdal. La dernière colonne représente la fraction volumique mesurée

La structure des ferrofluides concentrés

La structure locale des ferrofluides A à diverses concentrations est obtenue par diffusion de neutrons au petits angles sur le spectromètre PAXY (voir les détails dans la partie 2.2.2), dans la gamme de q (0.005 - 0.1 Å−1). La figure 2.25 montre les facteurs de structure des ferro-fluides A à différentes fractions volumiques, calculés selon la méthode décrite précédemment. L’allure générale des facteurs de structure des échantillons considérés dans la figure 2.25 té-moigne d’un ordre de portée limitée dans toute la gamme de concentrations, même aux frac-tions volumiques où le système est macroscopiquement solide. Nous n’avons donc pas formé de cristal colloïdal qui serait constitué d’un arrangement périodique de nanoparticules. Ceci s’explique notemment par la polydispersité importante35 des échantillons utilisés (σ ≈ 0.3).

35Un argument simple dans ce sens est de remarquer que pour un système polydisperse, l’invariance par translation est brisée

FIG. 2.25 –Facteurs de structure statiques S(q) des ferrofluides A à différentes fractions volumiques, obtenus par diffusions de neutrons aux petits angles sur le spectromètre PAXY. En insert : distance la plus probable entre nanoparticules2π/qmax(qmaxest l’abscisse du pic de facteur de structure) en fonction de la distance moyenne (Vp/φ)1/3issue de la fraction volumique.

En effet, dans [164] les auteurs montrent que le processus de cristallisation est dépendant de la polydispersité.

La hauteur du pic du facteur de structure augmente deφ = 10% jusqu’à φ = 26.5%,

tradui-sant une augmentation des répulsions dans la dispersion. La position du pic, qui est comme nous l’avons vu relié à la distance la plus probable entre objets diffusants, se décale vers les grands q. Dans l’insert de la figure 2.25, nous avons représenté la distance la plus probable en fonction de la distance moyenne entre particules extraite de la fraction volumique. Nous trouvons que jusqu’à la fraction voumiqueφ = 26.5% ces deux grandeurs sont assez bien

comparables. A plus forte concentration (φ > 30%), le pic à tendance à s’étaler, à diminuer

d’intensité, traduisant un élargissement de la distribution statistique des positions des nanopar-ticules. La position de ce pic amoindri se décale encore vers les grands q, mais la compaction

du système est alors empêchée par la mise en contact des nanoparticules elle-mêmes. Pour la fraction volumiqueφ = 35%, les nanoparticules sont très proches du contact.

Une autre grandeur intéressante est la compressibilité, reliée à la valeur du facteur de struc-ture lorsque le vecteur d’onde q tend vers zéro (voir Eq. 2.28). Il est visible sur la figure 2.25 que cette compressibilité a tendance à diminuer lorsque la fraction volumique augmente, traduisant l’augmentation des répulsions entre nanoparticules. Notons également qu’aucune remontée du facteur de structure n’est visible aux petits angles, écartant la formation d’agglo-mérats géants de particules à forte concentration. L’étalement du pic de structure mentionné précédemment est par contre une empreinte de l’existence de domaines hétérogènes de densi-tés différentes, dans les échantillons à haute fraction volumique.

Le gel des dynamiques de translation et de rotation

De premiers résultats sur le ralentissement dynamique dans les ferrofluides concentrés ont été apportés par MÉRIGUET, au cours de son travail de thèse [144], en utilisant les techniques de biréfringence pour sonder la dynamique de rotation des nanoparticules [165] et la tech-nique de diffusion Rayleigh forcée pour sonder leur dynamique de translation [150, 166].

Dans [165], les auteurs utilisent la technique de biréfringence dynamique (paragraphe 2.2.2) et montrent que la dynamique de rotation des nanoparticules du ferrofluide B se gèle à partir d’une fraction volumiqueφ qui dépend de l’intensité des répulsions électrostatiques entre particules. Pour les ferrofluides liquides dont la fraction volumique est inférieure àφ, la biréfringence statique∆n0obtenue après l’application d’un pulse de champ magnétique de faible intensité (H0 ∼ 30 Oe), normalisée par la fraction volumique φ, est à peu près constante

en fonction de φ (voir figure 2.26). Au delà de la fraction volumique φ, ∆n0 s’effondre. L’orientation mécanique des grains (qui crée la biréfringence∆n0) est plus difficile, mais un état stationnaire peut être atteint. Pour des ferrofluides très concentrés, des dynamiques lentes

FIG. 2.26 – Biréfringence magnéto induite normalisée, pour un champH = 25Oe à différentes fractions volumiques. La flèche rouge indique la concentrationφ∗pour laquelle le signal de biréfringence s’effondre.

de rotation sont observées.

Dans ce travail, nous avons également utilisé les techniques de biréfringence dynamique pour sonder la dynamique de rotation des nanoparticules. L’emploi de grandes nanoparticules (d ∼ 10 nm, ferrofluide A) nous a permis d’augmenter sensiblement le niveau de biréfringence ∆n0 obtenu après application du champ H0, par rapport aux particules utilisées dans [165]. Ceci nous a permis d’augmenter le rapport signal/bruit et d’étudier en détail les dynamiques lentes en rotation dans les ferrofluides concentrés (φ > φ) ainsi que les phénomènes de vieillissement qui ont lieu à ces concentrations. Nous développerons nos résultats dans la partie 3.2. Notons simplement que pour le ferrofluide A également, le signal de biréfringence

∆n0 s’effondre à partir d’une fraction volumiqueφ = 25% comme nous l’avons représenté

figure 2.26.

Dans [150, 166] les auteurs utilisent la diffusion Rayleigh forcée (RFS, voir paragraphe 2.2.2) couplée à des mesures de diffusion de neutrons pour sonder la dynamique de transla-tion des nanoparticules dans les ferrofluides liquides et à l’approche de la transitransla-tion vitreuse colloïdale. Nous avons reporté figure 2.27 le coefficient Soret normalisé ST/ST 0 (voir Eq. 2.44 page 98) ainsi que la compressibilité osmotique isothermeχT issue d’une expérience de

diffusion de neutrons statiques. Les deux quantités sont comparables (conformément à l’Eq. 2.44) et décroissent de plus d’un ordre de grandeur lorsque la fraction volumique augmente. De la même manière le coefficient de friction visqueusef (φ) déterminé grâce à la mesure du

coefficient de diffusion thermique

|DT| = kBf (φ)T |ST 0| (2.64)

diverge au voisinage de la fraction volumiqueφ, c’est à dire à la fraction volumique à partir de laquelle la dynamique de rotation commence à ralentir :

f (φ) ∼ φ

− φ φ

−α

(2.65)

avecα ≈ 1.2. Notons que DT est proportionnel à un coefficient de diffusion individuel des nanoparticules.

Si les mesures RFS dévoilent un gel de la dynamique de translation des nanoparticules au voisinage deφ, celles-ci ne permettent pas d’étudier la dynamique lente qui apparaît à ces concentrations, ni son vieillissement. Nous utiliserons dans la partie 3.1.2 la technique XPCS pour étudier ces phénomènes, à des échelles spatiales inférieures, proches de la distance in-terparticulaire.

Notons pour conclure que dans les ferrofluides, ces résultats préliminaires montrent que les gels de la dynamique de translation et de rotation ont lieu à des fractions volumiques voisines (aux alentours de φ, à l’imprécision expérimentale près). La divergence du coefficient de friction visqueuse f (φ) précède de peu la divergence du temps caractéristique de rotation,

autrement dit, le découplage rotation/translation observé dans les liquides surfondus n’est donc pas évident dans nos systèmes. L’emploi de grandes particules nous permettra cependant d’étudier plus en détail la dynamique de rotation au delà deφ et nous discuterons plus en détail de ce couplage des dynamiques de translation et de rotation dans la partie 3.2.

FIG. 2.27 –Extrait de [166]. Dépendance du coefficient Soret normaliséST/ST 0, de la compressibilitéχT et du coefficient de diffusion thermiqueDT en fonction de la fraction volumique, pour le ferrofluide C aux force ioniques [cit]=0.03 M (cercles) 0.08 M (diamants) et 0.1 M (carrés). (a) Dépendance enφ de la compressibilité (symboles pleins) et du coefficient Soret. La ligne est un guide pour l oeil. (b) Dépendance enφ du coefficient de diffusion thermique (valeur absolue). La ligne est un ajustement par une loi de puissance (cf Eq. 2.65). La flèche indique la fraction volumique seuilφ∗au-delà de laquelle des dynamiques lentes sont observées.