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Chapitre 4 Structure poreuse

4.2 Porosimétrie ellipsométrique

4.2.5 Transition porosité ouverte porosité fermée

La surface spécifique de couche poreuses structurées par des latex de taille variable et pour des fractions volumiques de pores de 20 à 70 % est représentée sur la figure 4.11. Conformément au modèle géométrique décrit dans l’équation 4.10 la surface spécifique croît linéairement avec la fraction volumique de pores, quand celle-ci est supérieure à 40 %. Le rapport des pentes entre les trois domaines linéaires est bien celui entre les diamètres de pores. Pour les fractions poreuses inférieures à 40 %, cependant, la surface spécifique est faible et presque constante2.

240 200 160 120 80 40 0 Surface spécifique (m 2 .cm -3 ) 1.0 0.8 0.6 0.4 0.2 0.0 Fraction poreuse, F 32 nm 59 nm 77 nm

Figure 4.11 – Evolution de la surface spécifique avec la fraction poreuse pour différentes tailles de porogène ( q77 nm, p59 nm, u32 nm). L’évolution théorique linéaire de la surface spécifique avec la fraction poreuse est représentée en trait noir pointillé. La ligne grise verticale représente la fraction poreuse seuil entre structure poreuse fermée et ouverte, et celle en pointillés représente le seuil de percolation pour l’empilement aléatoire compact.

Cette transition abrupte est interprétée comme l’ouverture de la porosité à l’adsorp- tion d’éthanol au delà d’un certain seuil. En dessous de ce seuil, la porosité est fermée, et l’adsorption se produit dans les pores ouverts sur la surface. Au-delà du seuil, la porosité est ouverte et l’adsorption s’opère sur la surface de l’intégralité des pores.

Percolation Le caractère abrupt de la transition et l’invariance de la position du seuil avec la taille de pores permettent de considérer l’ouverture de la porosité comme une transition de percolation [37, 38]. Par définition, le seuil de percolation est la fraction volumique à partir de laquelle la taille du plus gros agrégat de pores atteint la taille du

2. Ce seuil à 40 % est très prononcé pour les couches strcturées avec le latex de 32 nm de diamètre. Pour les tailles de porogène plus élevées, le seuil semble être déplacé légèrement vers les plus fortes fractions poreuses, mais l’inflexion se situe déjà à 40 %.

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système (la taille de l’agrégat est alors infinie du point de vue du système). Ce caractère infini de la taille de l’agrégat au seuil de percolation implique qu’à ce moment il n’existe plus d’échelle finie dans le système et que la position du seuil de percolation est invariante avec l’échelle de la porosité. Le phénomène de percolation est abondamment étudié du point de vue théorique [38], et il est intéressant d’exploiter les résultats théoriques afin de gagner des informations sur la structure des couches poreuses.

La percolation du système de billes de polymère dispersées dans une matrice de silice en train de gélifier peut être décrite par la percolation continue (en anglais continuum percolation) d’un arrangement de sphères dures à l’équilibre. D’un point de vue théorique, « à l’équilibre » signifie que l’ensemble de sphères est statistiquement homogène. Un tel système possède un seuil de percolation pour une fraction volumique critique Φc= 0.64,

correspondant à l’empilement compact aléatoire (en anglais Random Close Packing, RCP)[39].

Le seuil de percolation est observé expérimentalement vers Φc= 0.40 et le modèle

doit être ajusté afin de tenir compte de cet écart. Une première approche peut être de considérer que la taille des pores est du même ordre de grandeur que l’épaisseur des couches poreuses étudiées. En théorie de la percolation, un tel effet de taille finie L de l’échantillon se manifeste sur le seuil de percolation Φc(L) par un déplacement de celui-ci

par rapport à celui d’un échantillon de taille infinie Φc, conformément à la loi [38] :

Φc− Φc(L) ∝ L

1

ν (4.12)

Le coefficient critique ν vaut 0.88 dans le cas de la percolation en trois dimensions [40]. Dans ce cas, un doublement de la taille de l’échantillon doit diviser par deux l’écart entre le seuil de percolation de l’échantillon de taille finie et celui de l’échantillon infini. Or, les mesures ont été réalisées sur des échantillons présentant des tailles de pores entre 30 nm et 80 nm ce qui représente une variation d’échelle d’un facteur supérieur à deux. Ainsi, s’il y a un effet de taille finie, celui-ci ne suffit pas à expliquer l’abaissement du seuil de percolation à 0.40, car dans ce cas le seuil ne serait pas le même pour toutes les tailles de pores.

En réalité, les sphères de polymère interagissent entre elles, ce qui n’est pas pris en compte dans le cadre du modèle ci-dessus. Comme décrit dans le paragraphe 3.1.2, le potentiel d’interaction entre sphères est répulsif à longue distance et attractif à courte distance, et il existe une distance entre surfaces drep pour laquelle l’énergie de répulsion est maximale. Lorsque la fraction volumique de billes augmente, la distance moyenne entre surfaces de billes diminue et certaines particules peuvent se retrouver à une distance inférieure à drep et donc s’agréger (figure 4.12-a). Il est difficile de prendre en compte ce genre d’interactions dans des simulations numériques, surtout dans le cadre des particules de PMMA dispersées dans un milieu complexe à décrire en termes de propriétés

diélectriques comme de la silice en train de gélifier, avec une quantité substantielle d’eau. Une approche simple et équivalente est de se placer dans un modèle de sphères dures à coquille molle, dit « en noyau de cerise »(en anglais cherry-pit). Dans ce type de modèle, les parties dures sont impénétrables, mais deux sphères sont considérées connectées si leurs parties molles sont en contact ou superposées (figure 4.12-b). Dans un tel modèle, il a été montré que lorsque l’épaisseur de la coquille molle augmente, le seuil de percolation chute rapidement de 0.60 à des valeurs inférieures à 0.20 (figure 4.12-c) [38, 41]. En particulier, une épaisseur de coque molle valant 3.8 % du diamètre total abaisse le seuil de percolation à 0.40. Pour faire le lien entre ce modèle et la réalité, on peut considérer que l’arrangement de sphères dures avec attraction à courte distance est équivalent à un arrangement de sphères dures à coquille molle d’épaisseur drep/2 (figure 4.12-c). D’après les simulations représentées sur la figure 3.5, la distance correspondant au maximum de répulsion drep vaut environ 2 nm, et l’épaisseur de coquille molle qui en résulte vaut entre

1.3 % et 3 % du diamètre des billes utilisées. Cette valeur est parfaitement compatible avec la valeur du seuil de percolation observée expérimentalement.

d

rep

d>

d

rep

d<

agrégation

D

0

e

m

b

c

a

Figure 4.12 – Représentation schématique du modèle de percolation continue. a - Modèle équivalent proposé pour représenter l’agrégation des billes au moment de la formation du réseau poreux : si la distance entre billes est inférieure à une valeur drep, les billes s’agrègent de manière irréversible. b -Particules dans le cadre du modèle de coque molle (noyau de cerise). c - Évolution du seuil de

percolation continue dans le cadre du modèle de coque molle, en fonction de l’épaisseur de la coque (adapté de [38]).

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En conclusion de ces considérations sur la percolation du réseau de pores, une agrégation limitée du latex au moment du dépôt de la couche de silice, induite par l’attraction entre billes à courte distance, permet de rendre compte de l’abaissement du seuil de percolation vers 0.40. Ainsi, quand la fraction volumique de pores est inférieure à ce seuil, la porosité est fermée vis-à-vis de l’adsorption de molécules provenant de l’atmosphère. Cette occlusion de la porosité est susceptible d’avoir des conséquences bénéfiques sur la stabilité des couches poreuses. Ce point est abordé ci-dessous.