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Nanoindentation sur un substrat revêtu d’une couche mince

Chapitre 5 Propriétés mécaniques

5.2 Mesure des propriétés mécaniques des couches poreuses par nanoindentation

5.2.3 Nanoindentation sur un substrat revêtu d’une couche mince

Le paragraphe précédent a permis de montrer que la nanoindentation couplée à une méthode correcte d’analyse des données permet une caractérisation satisfaisante des propriétés mécaniques d’un monolithe poreux. L’application la plus courante de la nanoindentation reste néanmoins la caractérisation mécanique de revêtements minces. Dans ce cas, l’épaisseur finie du revêtement complique l’analyse des données.

Influence du substrat Du fait que la taille caractéristique du contact est du même ordre de grandeur que l’épaisseur d’une couche mince déposée sur un substrat, les grandeurs mécaniques mesurées lors d’un essai de nanoindentation sont celles d’un système composite inhomogène présentant idéalement les propriétés mécaniques de la couche à faible pénétration et celles du substrat à forte pénétration (figure 5.5).

Figure 5.5 – Évolution du module élastique en fonction de la profondeur d’indentation dans une couche de carbone amorphe de 1125 nm déposée sur du silicium (adapté de [6]).

système composite se comporte comme le film massif. A mesure que le rayon de contact croît, la contribution du substrat à la déformation devient de plus en plus importante. Dans le cas représenté sur la figure 5.5, la raideur composite du système croît car le substrat est plus raide que la couche. Enfin, lorsque le rayon de contact est très grand, l’influence de la couche devient négligeable.

Cette interprétation met en évidence un point essentiel pour la caractérisation de couches minces : la profondeur sur laquelle l’influence du substrat est négligeable diminue avec l’épaisseur de la couche. Il est parfois même impossible d’observer cette zone expérimentalement, soit parce que la couche est trop fine, soit parce que cette zone est masquée par le défaut de pointe décrit plus haut. Dans ce cas, il est nécessaire d’exploiter la zone de transition pour en extraire les propriétés mécaniques de la couche. Pour cela, l’approche générale consiste à modéliser le module équivalent du substrat revêtu sous la forme d’une loi de mélange du type :

Eeq= Esub+ (Ecouche− Esub)Φ(a/t) (5.5)

où a est le rayon de contact, t l’épaisseur de la couche puis Ecoucheet Esub∗ les modules élastiques réduits de la couche et du substrat. Différents modèles sont disponibles dans la littérature pour proposer une fonction Φ adaptée. Ces approches peuvent être d’une complexité croissante, en partant de modèles totalement empiriques [7], en passant par des modèles analytiques approchés [8–12] ou enfin par des modèles numériques [6, 13– 15]. L’application d’un modèle par rapport à un autre dépend de nombreux facteurs, et certains travaux permettent de comparer les approches [10, 16]. Il ressort de ces comparaisons que dans le cas simple d’une couche complaisante sur un substrat raide avec des coefficients de Poisson similaires pour la couche et le substrat, l’écart entre différents modèles est faible, tandis que dans les cas plus complexes, les modèles numériques sont

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plus précis.

Toutes ces approches pour prendre en compte le caractère composite de la réponse mécanique sont essentiellement appliquées à l’extraction du comportement élastique de la couche, mais pas pour en déterminer la dureté. En effet, l’influence du substrat sur le module élastique est à grande portée, car le champ de déformation élastique induit par la charge possède une grande étendue [17–19] (au moins une dizaine de fois le rayon de contact), tandis que l’effet sur la dureté se manifeste beaucoup moins. Cette différence sera rappelée lors de la présentation des résultats expérimentaux.

Rupture de l’interface Toutes les considérations précédentes sur la prise en compte du système composite ne considèrent l’endommagement que par déformation plastique. Une autre voie d’endommagement lors de l’essai d’indentation est la fissuration à l’interface entre la couche et le substrat, ou délamination (figure 5.6). Ce mode d’endommagement permet de dissiper une partie de la contrainte par décollement de l’interface et flambement de la couche autour de la zone indentée.

Empreinte de l'indenteur Zone délaminée Zone délaminée Flambement de la couche

a

b

Figure 5.6 – a - Représentation schématique de la délamination d’une couche pendant un essai d’indentation. b - Cliché de microscopie optique d’un indent dans une couche de silice déposée sur du silicium présentant des zones de délamination.

Durant l’essai d’indentation, la délamination rend l’interprétation des données presque impossible, car une partie de la charge appliquée est dissipée par le flambement de la couche, et le rayon de contact s’en trouve modifié. La méthode d’Oliver et Pharr n’est alors plus applicable et le module élastique mesuré semble décroître. Les courbes expérimentales sont en général présentées jusqu’à la profondeur maximale d’indentation, mais le module élastique après le début de la délamination n’est pas pris en compte.

Cas des couches poreuses structurées par un latex Après cette présentation des deux points principaux qui compliquent l’essai de nanoindentation sur un substrat revêtu, il apparaît qu’il est important d’obtenir des données de bonne qualité dès le début de la pénétration de l’indenteur dans la couche, afin de minimiser l’effet du substrat et d’éviter que la délamination ne vienne perturber l’analyse. Cependant, comme déjà dit plus haut, les couches poreuses de silice structurées par un latex ne sont pas homogènes à l’échelle

de la taille de pores (de l’ordre de 100 nm) et il est nécessaire de bien pouvoir modéliser la zone de transition pour laquelle les propriétés élastiques sont composites entre la couche et le substrat, car ce sera sans doute la seule zone accessible.

Figure 5.7 – Principales caractéristiques de l’essai d’indentation dans une couche poreuse.

De plus, il n’est pas possible a priori de savoir comment la structure poreuse se comportera sous la pointe de l’indenteur. En effet, sous la contrainte, l’on peut s’attendre à ce que les pores se déforment élastiquement ou plastiquement, voire qu’ils s’effondrent de manière fragile. Dans tous les cas, le comportement observé sur les données mécaniques sera différent. A ce sujet, les résultats obtenus sur les monolithes poreux ont donné une première information qui est que la déformation de la structure poreuse ne semble pas induire de variation du module élastique ou de la dureté pendant l’essai.

Tous ces points à garder à l’esprit pour l’indentation des couches poreuses de silice sont résumés dans la figure 5.7.