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Chapitre I. Synthèse bibliographique

I.2. La biologie de l’os : vers de nouvelles méthodes d’accès aux connaissances

I.2.2. Transition vers des modèles de tissu osseux 3D in vitro

Le développement de modèles de tissus 3D in vitro semble constituer une étape fondamentale pour l’accroissement des connaissances en biologie au vue des limites des modèles animaux et de la culture cellulaire traditionnelle 2D. Cette transition nécessite l’évolution des méthodes et des systèmes de culture, ainsi que des techniques d’observation et d’analyse. De nombreux modèles de culture 3D in

vitro sont étudiés sur la base de l’agrégation de cellules en sphéroïdes [38-40], de leur encapsulation

dans un gel [41, 42], ou encore de leur ensemencement sur des matrices 3D [37, 43]. Le choix d’un modèle de culture et de ses spécifications est fonction du modèle de tissu 3D à développer et de la question scientifique posée.

Le développement d’un modèle de tissu osseux 3D in vitro requiert en premier lieu un substrat doté d’une architecture 3D permettant la colonisation, la prolifération et la différenciation cellulaire. Des exemples de culture de cellules osseuses dans des matrices d’architecture 3D contrôlées en milieu statiques ont démontré leur intérêt scientifique [44, 45]. Cependant, l’activité des cellules situées en périphérie du support de culture et en contact privilégié avec les nutriments tend à obstruer la porosité externe du support et très vite à limiter la diffusion des nutriments jusqu’au cœur du support, entrainant inévitablement la mort des cellules situées au-delà d’une centaine de micromètre de la surface [36, 46-50].

Pour pallier cette problématique, des bioréacteurs perfusés ont été conçus. Il est de nos jours bien établi que les bioréacteurs perfusés sont les systèmes de culture 3D les plus adaptés au transport de charge (e.g., nutriments, déchets), ainsi qu’à la répartition, prolifération et différenciation des cellules osseuses à l’intérieur de la matrice support [51-53]. Ces systèmes visent à faire traverser la matrice support, préalablement ensemencée, par le milieu de culture (Figure I-5). Bien que la conception et la

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complexité de tels systèmes dépendent de l’application visée, ces derniers comportent au minimum une chambre de perfusion contenant la matrice support, une pompe et un réservoir de milieu de culture, le tout connecté par des tuyaux (Figure I-5). Ils permettent d’associer une meilleure maîtrise du microenvironnement cellulaire (e.g., apport de nutriment, évacuation des déchets, injection de substances chimiques), le suivi de nombreux paramètres (e.g., pH, température, pression partielle d’oxygène, concentration glucose) ainsi qu’une possible stimulation mécanique via le flux de perfusion [54] et/ou la compression du support de culture [37] .

Bien qu’encore limitée par manque d’expérience, pour des raisons technologiques ou encore de coût, le développement de bioréacteurs, conçus pour répondre à une question scientifique précise, tend à se développer. Dans ce cadre, les matrices supports, indispensables à la culture des cellules osseuses sont également amenées à évoluer selon la nature de l’étude (voir section I.2.3. page 14)

Figure I-5. Représentation schématique d’un système de culture 3D composé d’une chambre de culture dans laquelle est insérée un support de culture macroporeux préalablement ensemencé, et d’un système de perfusion composé principalement d’une pompe, de tuyaux, et de réservoirs contenant le milieu de culture à perfuser et si nécessaire les effluents.

Malgré d’importantes évolutions, les modèles de tissus osseux 3D dynamiques sont encore très minimalistes comparés au modèle in vivo : ils ne comportent très souvent qu’un seul type cellulaire et n’incluent pas de contrôle des signaux micro-environnementaux biochimiques, biophysiques et mécaniques. Or, les mécanismes régissant la dynamique osseuse sont basés sur les interactions entre de nombreux types cellulaires (e.g., ostéocytes, cellules endothéliales, cellules bordantes, ostéoblastes, ostéoclastes). Certaines études couplant un bioréacteur perfusé et la co-culture de plusieurs types cellulaires ont toutefois été réalisées (e.g., ostéoblastes & ostéoclastes [55], ostéoprogéniteurs & cellules endothéliales [56], ostéoblastes & ostéoclastes & cellules endothéliales [57]).

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Malheureusement, ces systèmes de co-culture sont complexes, difficilement maîtrisables et n’ont, à notre connaissance, jamais été couplés avec des dispositifs de stimulation mécanique fiables. La volonté de mieux comprendre les interactions cellulaires régulant la biologie de l’os à l’aide de ces systèmes in vitro perfusés se heurte toutefois à des contraintes techniques, telles que la fabrication de supports de culture contrôlés [36], limitant leur développement.

Une approche in vitro complémentaire a fait son apparition très récemment, se focalisant principalement sur les interactions systémiques inter-organes via la mise en série de systèmes micro- perfusés appelés ‘’organs-on-chips’’. Cette démarche fait suite au constat que l’os communique avec les tissus musculaires environnants, mais aussi avec le foie, le pancréas, les reins, les intestins, la thyroïde, etc. (Figure I-6). Par exemple, la sécrétion excessive d’hormones thyroïdiennes (i.e. hyperthyroïdie) peut provoquer une diminution significative de la masse minérale osseuse [58].

Figure I-6. Schéma précisant les interactions possibles entre l’os et certains organes (‘’bone as a signalling centre ‘’ [59])

Dans un premier temps, les systèmes organs-on-chip ne visent pas au développement de modèles de tissus complets, mais plutôt à la combinaison d’unités fondamentales fonctionnelles de différents tissus pour mieux les étudier [60] (Figure I-7 page 14). Ces systèmes s’intéressent bien entendu aux unités fondamentales saines, mais aussi à l’influence que la défaillance d’une unité systémique ou encore l’action qu’un produit actif pourrait avoir sur les autres unités fondamentales.

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Figure I-7. Représentation schématique du concept ‘’organs-on-chip’’ (courtoisie Geraldine Hamilton, Wyss Institute [61])

Un avantage majeur de ces systèmes réside dans les opportunités d’observation (e.g, imagerie haute résolution) et d’analyse (e.g., signaux biochimiques) en temps réel qu’ils offrent. Ainsi, le suivi des activités métaboliques et génétiques de cellules vivantes fonctionnelles dans un microenvironnement proche du physiologique peut être étudié [62]. De plus, ces systèmes micro-perfusés ont également l’avantage d’être d’une grande flexibilité et dotés d’un important panel de paramètres contrôlables à un niveau jusqu’à présent inégalé (e.g., types et position des cellules, stimuli chimiques et mécaniques, gradients de nutriments et d’oxygène) [62]. Cependant, outre les challenges technologiques inhérents à la conception, la production et la mise en place de tels systèmes, ils souffrent avant tout de leur miniaturisation et par voie de conséquence de leur minimalisme. A titre d’exemple, les systèmes micro- perfusés conçus par Zhang et al. [63] et Park [64] et al. possèdent des chambres de culture de respectivement 10 et 17 µL pour un volume total de milieu de culture de 150 µL. Or, comme indiqué précédemment, certains organes comme l’os requièrent de nombreux types cellulaires et une organisation macroscopique pour exprimer pleinement leurs fonctions.

Le couplage de ces deux approches in vitro (i.e., culture en bioréacteur perfusé et organ-on-chip) représente sans aucun doute le modèle de tissu osseux in vitro le plus abouti et permettrait de combiner les interactions intercellulaires et inter-organes ainsi que le contrôle et le suivi en temps réel d’un grand nombre de signaux. Une première étape vers ces systèmes combinés passe par l’amélioration des couples bioréacteur (perfusé) - matrice support, et plus précisément dans le contrôle et l’homogénéité des paramètres de culture au sein du support 3D (e.g., force de cisaillement, taux d’O2). Ceci implique forcément un contrôle précis du flux de perfusion au cours du temps mais également un ajustement précis des propriétés du support de culture par rapport à l’étude envisagée.