• Aucun résultat trouvé

Chapitre I. Synthèse bibliographique

I.2. La biologie de l’os : vers de nouvelles méthodes d’accès aux connaissances

I.2.3. Les supports de culture

Comme évoqué précédemment, le développement de tissus modèles osseux in vitro nécessite un environnement 3D qui simule au moins partiellement la structure, les propriétés mécaniques (e.g., rigidité), la composition ou encore les signaux de la matrice extracellulaire naturelle. Les matrices

15

supports 3D constituent alors des outils cruciaux pour l’identification des mécanismes cellulaires régissant le devenir des cellules osseuses.

Si le succès des implants osseux in vivo est conditionné par leur capacité à être colonisés, dégradés et remplacés par des tissus néoformés, les substrats adaptés aux expérimentations in vitro en bioréacteur doivent avant tout fournir un support 3D adapté à la culture des cellules. Or, la composition aussi bien que l’architecture des matrices support influencent grandement la réponse cellulaire et doivent ainsi être spécifiques d’une application visée.

I.2.3.1. Le rôle clef de l’architecture

L’architecture de la matrice support joue un rôle prépondérant dans les stratégies de culture 3D en bioréacteur [36]. La microarchitecture (<20 µm) du substrat, comprenant la topologie de surface ainsi que la taille, la forme et la distribution des micropores, module ses propriétés ostéoconductives [65, 66] et ostéoinductives [67, 68]. Les raisons de cette modulation proviendraient (i) de l’adsorption sélective de protéines contenues dans le milieu de culture ou les fluides biologiques [69, 70], (ii) d’une augmentation de la surface qui pourrait promouvoir les échanges dynamiques aux interfaces biomatériau-MEC-cellule [71], ou encore (iii) de la sensibilité des cellules aux discontinuités du substrat [72, 73]. La macroarchitecture (>100 µm) du substrat, comprenant sa géométrie globale et sa structure interne (e.g., taille, forme, répartition des pores), est tout aussi fondamentale. La géométrie globale se doit de correspondre parfaitement à la chambre de culture pour éviter tout biais expérimental, tel que des fuites. La structure interne de la matrice influe sur ses propriétés mécaniques [74], sa vitesse de dégradation [75, 76], sa capacité à être perfusée (e.g., perméabilité, tortuosité), les champs de vitesse d’écoulement [77, 78] ou encore les transports de masse [79]. La macroarchitecture impacte par conséquent la colonisation, la prolifération et la différenciation cellulaire au cours de la culture [80, 81].

I.2.3.2. Influence de la composition

La composition d’un matériau comprend sa composition chimique (e.g., atomes composant le matériau) et sa structure cristallographique (e.g., ordre local). Associées aux traitements chimiques, mécaniques ou encore thermiques que peuvent subir les matériaux, ces deux grandeurs gouvernent les propriétés chimiques (e.g., solubilité, hydrolyse, acidité, capacité d’adsorption), physiques (e.g., mouillabilité, charge de surface, degré de cristallinité), mécaniques (e.g., rigidité) et biologiques (e.g., toxicité, adhésion cellulaire) intrinsèques du substrat de culture. En retour, ces propriétés intrinsèques affectent le devenir cellulaire, des étapes les plus précoces, telles que l’adsorption des protéines, jusqu’aux étapes de différenciation cellulaire [36]. En effet, outre les caractéristiques microarchitecturales, telles que la rugosité (voir section précédente 1.2.3.1), le type, la conformation et la densité des protéines adsorbées sont fonctions (i) des groupements ioniques présents à la surface du matériau, (ii) de l’environnement ionique et de la valeur du pH du milieu de culture [82, 83]. Or, ces paramètres chimiques (i et ii) peuvent être significativement modifiés lors des étapes de dégradation du matériau. In vitro, le substrat peut se dégrader via des réactions chimiques (e.g., dissolution, hydrolyse), via l’activité de certaines cellules (e.g., résorption, endocytose) ou encore via la perte d’intégrité mécanique (e.g., fissuration). Comme les produits de cette dégradation peuvent affecter le devenir cellulaire, ils doivent également être biocompatibles (i.e., non toxiques).

Chapitre I Synthèse bibliographique

16

En fonction des applications visées, de nombreux matériaux ont montré d’intéressantes potentialités pour la culture 3D de cellules osseuses [51] :

- Certains métaux et alliages non dégradables (e.g., TA6V, Ti-Nb), considérés comme bioinertes et biocompatibles, sont d’intérêt du fait de leur grande modulabilité tant au niveau architectural que de leur composition, permettant ainsi la modification des propriétés mécaniques des structures générées [84]. Leur principal défaut réside cependant dans le possible relargage d’ions métalliques (e.g., oxydation) pouvant être néfastes pour les cellules osseuses ou leur métabolisme [85].

- Les céramiques bioinertes (e.g., alumine, zircone), bien que plus limitées que les alliages métalliques en terme de modulabilité et plus fragiles mécaniquement, ont l’avantage de proposer une structure thermodynamiquement donc chimiquement très stable, n’évoluant que très peu en milieu biologique.

- Outre la faculté de pouvoir les mettre en forme relativement facilement, notamment via des méthodes additives [86], un grand nombre de polymères biocompatibles plus ou moins biodégradables existent (e.g., pour des applications osseuses [87] : poly(methyl-methacrylate) [PMMA], polyéthylène [PE], acide polylactique [PLA], acide polyglycolique [PGA]). Ce potentiel de dégradation peut être théoriquement ajusté par le biais de leur chimie (e.g., composition des unités fondamentales), leur degré de polymérisation, leurs masses molaires moyennes, leur structure et conformation (e.g., homopolymère, copolymère, polymère linéaire versus réticulé), et leur cristallinité [88]. Cependant, la dégradation des polymères synthétiques provoque une libération de produits de faible masse molaire moyenne (e.g., oligomères ou monomères comme le methyl- métacrylate pour le PMMA [89, 90]) ou des dérivés acides (e.g., acide lactique pour le PLA, acide glycolique pour le PGA [88]) qui peuvent s’avérer nocifs pour les cellules osseuses et leur métabolisme [87, 88, 91]. En outre, les propriétés de surface de certains polymères biodégradables (e.g., hydrophobicité [92]) ne favorisent pas l’adhésion cellulaire ou la formation d’un nouveau tissu osseux [93]. Enfin, leurs faibles propriétés mécaniques ne sont que peu adaptées aux stimuli mécaniques (e.g., cisaillement, compression) éventuellement exercés lors de la culture [94].

- Les biocéramiques en phosphates de calcium (CaP), fortes de leurs similitudes avec la partie minérale de l’os (e.g., rigidité, composition), sont utilisées depuis les années 1950 comme substituts de l’os [95] et fin des années 1970 comme support de culture in vitro [96]. Leur biocompatibilité, leur bioactivité (souvent supérieure aux polymères synthétiques) [7, 97] et leur biodégradabilité [7, 97, 98] en font des supports de culture de choix. L’obtention de matrices 3D d’architecture contrôlée est néanmoins complexe et la fragilité relative de ces céramiques constitue une problématique majeure limitant leur sollicitation mécanique au cours de la culture cellulaire. Ces faiblesses mécaniques peuvent être toutefois compensées en ajustant l’architecture et/ou leur composition.

- D’autres matériaux massifs (e.g., bioverres ) ou encore nanostructurés (e.g., nanotubes de carbone [99]) peuvent être utilisés pour la culture 3D de cellules osseuses, sous réserve de contrôler leurs interactions avec le milieu environnant et de maîtriser leur toxicité.

Notons qu’il est bien sûr possible de combiner différents matériaux (i.e. composite) pour pallier à leurs limites respectives. En revanche, il sera alors très complexe de relier un comportement biologique aux propriétés physico-chimiques du support de culture.

17

Le développement de modèles de tissus osseux 3D in vitro requiert de connaître l’influence de la composition et de l’architecture du substrat de culture sur la réponse cellulaire et réciproquement de pouvoir évaluer l’influence du milieu de culture et de l’activité cellulaire sur ce substrat. En conséquence, il est impossible d’établir rigoureusement les liens entre réponse biologique et caractéristiques de la matrice support (i.e. composition, architecture) si ces dernières ne sont pas précisément connues [36]. Par exemple, la taille des macropores du substrat est connue pour impacter de façon significative le développement du tissu osseux (in vivo et in vitro) [100, 101] mais les résultats obtenus sont étrangement comparables pour des pores compris entre 100 et 1200 µm [102, 103]. La raison de ce manque de cohérence scientifique est à associer à la nature aléatoire des architectures poreuses utilisées pour ces évaluations biologiques et donc aux limites des procédés de fabrication mis en œuvre pour les obtenir. Ceci indique également que pour l’heure, la grande majorité des études en ingénierie tissulaire osseuse ne se préoccupe pas assez de la maîtrise et de la standardisation de la chimie et de l’architecture des supports de culture [36].

I.2.4. Perspectives pour le développement de modèles de