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Chapitre III. Vers une caractérisation plus précise des hydroxyapatites carbonatées

III.1. L’hydroxyapatite et ses substitutions

Les apatites constituent une famille de minéraux définie par la formule chimique générale Me10(XO4)6(Y)2 dans laquelle Me représente généralement un cation bivalent, XO4 un groupement anionique trivalent et Y un anion monovalent. L’hydroxyapatite phosphocalcique Ca10(PO4)6(OH)2, communément appelée hydroxyapatite (HA), en est le membre le plus emblématique. La structure apatitique accepte un grand nombre de substitutions [168-171], qui, en conséquence, modifient ses propriétés intrinsèques d’où une utilisation des apatites dans des domaines aussi variés que le stockage, l’énergie, la dépollution ou encore le biomédical.

III.1.1. L’hydroxyapatite phosphocalcique : généralités

III.1.1.1. Structure de l’hydroxyapatite

L’HA (Ca10(PO4)6(OH)2)a une composition théorique massique de 39,68 % de calcium, 18,45 % de phosphore et un ratio molaire Ca/P égal à 1,667. Elle cristallise dans le système hexagonal et plus précisément sous le groupe d’espace P63/m ; ses paramètres de maille a, c et γ étant respectivement égaux à 9,418 Å, 6,884 Å et 120°, d’où un volume de maille égal à 528,80 Å3 (International Center for Diffraction Data-Powder Diffraction Files, ICDD-PDF 09-432).

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Dans le cas concret de l’HA, les tétraèdres PO4 définissent le squelette de la structure cristallographique. En effet, à l’inverse des sites Ca et OH, aucune lacune n’a jamais été mise en évidence sur ces sites [172, 173]. Ce squelette définit au sein de la structure deux types de tunnel notés I et II, comme représentés sur la Figure III-1 (page 64).

Le tunnel de type I, de diamètre égal à environ 2,5 Å, est occupé par des cations CaI. Les sites de ces cations CaI,au nombre de 4 par maille, présentent une symétrie Ch (i.e. axe de rotation combiné à un plan de réflexion qui lui est perpendiculaire). Ils sont placés sur les axes ternaires et sont entourés de neufs atomes d’oxygène provenant des groupements XO4 (PO4, trois O(1), trois O(2) et trois O(3)). Le tunnel de type II, de diamètre compris entre 3 et 4,5 Å, contient le reste des cations Ca, soit 6 cations CaII par maille. Les sites de ces derniers sont localisés à la périphérie du tunnel et présentent une symétrie Cs. Groupés trois par trois au niveau z = ¼ et z = ¾ de la maille, ils forment des triangles équilatéraux décalés de 60° autour de l’axe sénaire hélicoïdal (axe c de la maille hexagonale). Avec une coordinance égale à 7, ils sont entourés de six atomes d’oxygène des groupements PO4, un O(1), un O(2), quatre O(3)) et d’un atome d’oxygène issu d’un groupement OH.

Finalement, les sites anioniques OH sont localisés le long de l’axe sénaire du réseau et occupent les niveaux z = ¼ et z = ¾. Ils possèdent une grande mobilité du fait de leur localisation dans le grand tunnel de type II.

Une telle structure cristalline permet de nombreuses substitutions au sein de son réseau.

Figure III-1. Projection de la structure cristalline de l’hydroxyapatite selon les plans (001) et (010) (courtoisie Antoine Boyer [174])

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Par la suite, nous emploierons les termes d’ions « hydroxyde » et de sites « hydroxyde » pour décrire la structure des hydroxyapatites. En revanche, nous parlerons de vibration des groupements « hydroxyle » lors des caractérisations par spectroscopie infrarouge.

III.1.1.2. Groupements ioniques caractéristiques

La spectroscopie infrarouge (IR) est couramment utilisée pour obtenir des informations sur les molécules ou groupements moléculaires présents au sein d’un échantillon mais aussi sur leur environnement chimique : elle fournit des informations sur l’organisation structurale de composés gazeux, liquides ou solides, organiques ou inorganiques, amorphes ou encore cristallins.

Cette technique d’analyse est basée sur la réponse des molécules lorsqu’elles sont soumises à une excitation énergétique : les liaisons interatomiques des molécules, initialement sous leur état fondamental au niveau d’énergie vibrationnelle ν0, sont susceptibles de changer de mode normal vibratoire sous l’effet d’une irradiation, i.e., d’atteindre un niveau d’énergie vibrationnelle supérieur. Physiquement, le passage à un niveau d’énergie vibrationnelle supérieur se traduit par une « vibration interne » des molécules dans le plan (e.g., étirement/ ’’stretching’’, cisaillement/ ’’scissoring’’, bascule/ ’’rocking’’) ou hors du plan (e.g., torsion/ ‘’twisting’’, agitation/ ‘’wagging’’). Ces niveaux d’énergie sont fixés intrinsèquement par la nature de la molécule (i.e., masses des atomes, nature des liaisons, forces interatomiques) et par les contraintes imposées par les atomes voisins (i.e., environnement ionique). Ainsi, l’énergie (ou la fréquence) absorbée par une molécule lorsqu’elle change de mode normal vibratoire est caractéristique de sa nature chimique et de son environnement. Les bandes caractéristiques des modes de vibration des groupements ioniques de l’HA et leur attribution sont présentées sur la Figure III-2 et dans le Tableau III-1. Ce dernier fait aussi état des bandes caractéristiques d’éventuels résidus de synthèse ou d’impuretés pouvant accompagner l’HA lors de sa synthèse par précipitation en voie humide.

Figure III-2. Spectre IR caractéristique d’une hydroxyapatite stœchiométrique. Les modes de vibration ν sont décrits dans le Tableau III-1.

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Tableau III-1. Bandes IR caractéristiques des hydroxyapatites synthétisées par voie aqueuse [175]

III.1.2. Les substitutions d’intérêt biologique dans

l’hydroxyapatite

Comme introduit précédemment, la structure cristallographique de l’HA peut accueillir de nombreuses substitutions ioniques, et ce, sur l’ensemble des sites définis à la section III.1.1.1 (page 63). Ainsi, les cations bivalents Ca2+ peuvent non seulement être remplacés par des cations bivalents (e.g., Sr2+, Ba2+, Pb2+), mais également par des cations monovalents (e.g., Na+, K+) ou trivalents (e.g., La3+, Ga3+, Eu3+). De même, les anions PO43- trivalents peuvent être remplacés par des groupements bivalents (e.g., CO32-, SO42-, HPO42-), trivalents (e.g., AsO43-, VO43-), ou tétravalents (e.g., SiO44-). Enfin, les groupements OH- peuvent également être substitués par des ions monovalents (e.g., F-, Cl-) ou bivalents (e.g., CO

32-, O2-, S2-). Néanmoins, la substitution des ions Ca2+, PO43- et OH- par des ions de valence différente est limitée par (i) la taille de ces derniers, et (ii) la nécessité d’une compensation de charge qui en découle (i.e., électroneutralité de la structure) [176]. Celle-ci est obtenue par des substitutions couplées (e.g., CO32- et SiO44-comme supposé par M. Palard [177]) ou par la création de lacunes cationiques (sites Ca2+) et/ou anioniques (sites OH-). Rappelons que les sites PO

43- (sites B) sont toujours saturés à 6 ions par maille quels que soient les écarts à la stœchiométrie engendrés par les multiples substitutions [172, 173]. L’incorporation d’espèces ioniques dans le réseau de l’HA affecte les propriétés physico-chimiques intrinsèques de l’HA et par voie de conséquence ses « performances » en milieu biologique [7, 97, 98, 176]. Par exemple le magnésium, présent naturellement dans la phase inorganique de l’os (» 0,7 % en masse), est connu pour jouer un rôle fondamental dans le métabolisme osseux. Outre l’effet biologique positif de la libération de magnésium au sein d’un défaut osseux [7, 176], les hydroxyapatites « magnésiées » (Mg-HA) ont démontré une ostéointégration améliorée par rapport à l’HA du fait notamment d’une biodégradation supérieure [176]. D’autres exemples de substitutions d’intérêt biologique sont présentés dans le Tableau III-2.

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Pour plus d’informations, les revues de Shepherd et al. [98, 178], Boanini et al.[7], Šupová [97] et Cacciotti [176] traitent en détail de l’influence de nombreuses substitutions ioniques d’intérêt biologique dans l’HA.

Tableau III-2. Exemples de substitution dans la structure de l’HA [7, 97, 98, 176]

Également présents dans la phase inorganique de l’os (entre 3 et 8 % en masse), préférentiellement en site B [179-183], les ions carbonate peuvent aussi se substituer aux ions hydroxyde (site A) de cette apatite biologique. L’introduction d’ions carbonate dans la maille augmente la solubilité de l’HA comme confirmé par les expériences in vitro et in vivo menées par Barralet et al. [122] et Nelson et al. [165]. Une biorésorption plus importante de céramiques en CHA par rapport à des céramiques en HA a également été observée in vitro et in vivo [124, 167, 184]. Au final, la biodégradation (i.e., solubilité et

résorption ostéoclastique) des CHA est d’autant plus importante (thermodynamiquement) que le taux d’ions carbonate est élevé. Ainsi, G. Spence propose de contrôler la vitesse de résorption des céramiques synthétiques en CHA en maîtrisant leur teneur en carbonate [124]. Par déduction, il serait ainsi possible d’adapter la dégradation de ces biocéramiques à l’application biologique considérée. De plus, les ions carbonate incorporés dans l’HA amélioreraient l’ostéointégration, l’ostéoconduction et la bioactivité du matériau [164, 166, 184-187]. Pour ces raisons, les sections suivantes de ce chapitre vont traiter de ces CHA, de leur synthèse au développement de méthodes de caractérisation précises de leur teneur en ions carbonate.

III.2. Les hydroxyapatites phosphocalciques