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Chapitre I. Etat de l’art sur les antennes agiles et les matériaux à changement de phase

I.3. Matériaux à Changement de Phase (PCM)

I.3.2. Transformation de la phase cristalline vers la phase amorphe des PCM

Pour passer à un état amorphe en partant d’une phase cristalline, une énergie thermique suffisamment élevée est nécessaire pour chauffer le matériau au-delà de son point de fusion comme indique la Figure 37. Ainsi, l’application d’une impulsion optique ou électrique intense, pendant un temps très court (de l’ordre de la dizaine voire de la centaine de nanosecondes), génère un échauffement du matériau à changement de phase (par effet Joule lors de l’activation électrique). Lorsque la température au sein du matériau PCM dépasse la température de fusion, il subit une transition d’une phase cristalline solide vers une phase liquide. Au moment de la coupure de l’impulsion, cette température doit ensuite être dissipée très rapidement, passant de plus de 700°C à une température inférieure à 150°C en moins de 1 µs ( ~ 109 K/s) afin de tremper thermiquement le matériau et le figer dans sa structure désordonnée surfondue, c’est-à-dire, dans un état amorphe hautement résistif [135], [136]. Cette trempe thermique est primordiale. En effet, au moment de la coupure de l’impulsion d’activation, si elle est rapide comme attendu dans ce type de processus, le matériau est transformé à l’état amorphe à partir de sa phase liquide transitoire. Cependant, si cette trempe thermique est « trop lente », le matériau évoluera de nouveau vers sa phase cristalline à la fin de l’excitation thermique. L'impulsion électrique ou optique doit être donc parfaitement contrôlée temporellement pour contrôler à la fois la transition de phase mais également pour ne pas provoquer un échauffement excessif dans l’environnement du matériau PCM (ex. circuit de commande électrique).

Figure 37 : Schéma du principe de changement de la phase cristalline vers la phase amorphe des PCM, par l’application d’une impulsion courte électrique ou optique.

A titre d’illustration, la Figure 38 montre un diagramme de type TTT (Transformation Température-Temps). Une opération d’amorphisation sera réussie si ΔT (la température de référence est la température ambiante, dans ce cas ΔT = 0) diminue de la valeur de ΔTmelt

(point de fusion) à la valeur (ΔTmelt /e) dans un laps de temps (défini comme le temps de trempe ou de refroidissement) inférieur au temps de trempe critique (CQT- Critical Quenching Time). Si le temps de refroidissement est plus long que CQT, même si le PCM a subi une fusion à une température ΔT > ΔTmelt, la transition de température lors du refroidissement va tomber dans la région du diagramme correspondant à la phase cristalline, et par conséquent le matériau PCM va recristalliser et garder sa conductivité métallique (l’état ON). En résumé, un processus d’amorphisation réussi, suit le chemin de la courbe bleue sur la Figure 38, où la vitesse de trempe est grande. Une opération d’amorphisation échouée se retrouve dans la zone rouge de la Figure 38 où la vitesse de trempe est faible.

Figure 38 : Diagramme TTT (Transformation Température-Temps) de PCM et les changements de phase pour les opérations de cristallisation (courbe en pointillés), amorphisation (courbes solides)

Typiquement, l’opération inverse de cristallisation (passage de la phase amorphe à la phase cristalline) a lieu à plus basses températures (ΔT < ΔTx,min) [135], et sera détaillée dans le sous-chapitre suivant.

A titre d’exemple, la Figure 39 montre un commutateur intégrant le GeTe activé par des impulsions électriques appliquées sur l’élément chauffant (tungstène, W) placé au-dessous du GeTe. Les différents temps de transitions de température du processus d’amorphisation, comme l’indique la Figure 40, ont été déterminés de manière expérimentale par la mesure des différents temps de refroidissement, entre 10 ns et 1µs. Les résultats montrent un temps de trempe (CQT) de 317 ns pour une opération d’amorphisation réussie.

Figure 39 : (a) Commutateur intégrant le GeTe activé par des impulsions électriques. (b) Image zoomée du dispositif. (c) Image d’une coupe transversale du dispositif [135].

Figure 40 : Augmentations de températures générées par des impulsions électriques avec différentes allures générant des temps de refroidissements différents pour un commutateur intégrant le GeTe

(Figure 39). Les courbes bleues représentent le matériau amené à l'état amorphe (OFF) et les courbes rouges représentent le matériau amené à l'état cristallin (ON) [135].

En règle générale, lors du changement d’état des PCM avec des impulsions électriques ou optiques, le processus de transformation d’un état cristallin à un état amorphe est le plus critique car il nécessite une fusion et une trempe rapides. Lors de l’activation avec un faisceau laser, il a été démontré dans la littérature que des impulsions optiques très courtes (picosecondes, ps) ou même des paquets d’impulsions ultra-courtes (femtosecondes, fs) sont intrinsèquement préférables car elles produisent des vitesses de refroidissement beaucoup plus élevées [137], [138].

Dans une étude du processus d’amorphisation d’une couche de Ge2Sb2Te5 (46 nm d’épaisseur) réalisée avec différentes longueurs d’impulsions laser (Figure 41 (a)) [138], les auteurs démontrent les avantages de l’utilisation des impulsions laser dans le régime des femtosecondes. Dans la Figure 41 (c), l'absence virtuelle de diffusion de chaleur latérale pendant l'impulsion femtoseconde entraîne des frontières nettes entre la région amorphisée et le fond cristallin et une distribution de l'énergie irradiée sur la couche de PCM plus efficace, impliquant des valeurs de fluence laser plus faibles (66 mJ/cm2) que pour des impulsions nanosecondes (Figure 41 (b), 154 mJ/cm2). Le dépôt d'énergie instantané possible avec des impulsions ultracourtes, génère des conditions de forte fusion et de refroidissement rapides qui entraînent des zones de transformation plus nettes sur toute l’épaisseur du film, ce qui conduit également à des temps de transformation beaucoup plus courts (100 ps) et à une stabilité à long terme plus élevée en raison de l'absence de noyaux cristallins (dans l’épaisseur de la couche) pouvant déclencher une recristallisation spontanée. Cependant, la même étude remarque que le refroidissement accéléré du film de PCM est aussi favorisé par la conductivité thermique élevée du substrat employé (Si) combiné à une couche de SiO2 (10 nm).

D'autre part, il convient de noter que le CQT est spécifique à la géométrie du dispositif. Un plus grand volume du matériau PCM pourrait conduire à un CQT plus long [135].

Figure 41 : (a) Evolution de la réflectivité (normalisée à l’état cristallin) à 532 nm d’un film cristallin de Ge2Sb2Te5 lors d’une amorphisation induite par une impulsion laser nanoseconde (154 mJ/cm2, courbe en pointillés noirs) et une impulsion laser femtoseconde (66 mJ/cm2, courbe solide rouge). Les

profils des impulsions laser sont indiqués en bas (noir = impulsion nanoseconde, rouge = impulsion femtoseconde). (b) Marque amorphe sur un fond cristallin après une impulsion laser nanoseconde, avec une région d’amorphisation partielle entourée d’une ligne pointillée. (c) Marque amorphe après

une impulsion femtoseconde [138].