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Chapitre I. Etat de l’art sur les antennes agiles et les matériaux à changement de phase

I.3. Matériaux à Changement de Phase (PCM)

I.3.3. Transformation de la phase amorphe à l’état cristallin dans les PCM

Le phénomène de cristallisation des matériaux PCM (initialement à l’état amorphe) est le résultat de la combinaison de deux mécanismes différents: la nucléation et la croissance des phases cristallines. Ces mécanismes de nature thermique varient en fonction de la

composition du PCM considéré. Bien que l'un des mécanismes puisse dominer l'autre, les deux sont toujours simultanément présents. Par exemple, certains alliages de GST, montrent un processus de cristallisation par nucléation, c’est-à-dire que, dans ces groupes, le taux de nucléation localisé de la phase cristalline est supérieur au taux de croissance uniforme. Cependant, dans des alliages de SbxTex dopés et de AIST, le taux de cristallisation par croissance est supérieur au taux de nucléation [135], [139], [140]. La Figure 42 illustre un diagramme ternaire avec les mécanismes de cristallisation par nucléation correspondant au groupe I et de cristallisation par croissance correspondant au groupe II [133].

Figure 42 : Diagramme avec les compositions correspondant aux mécanismes de cristallisation dominé par nucléation (groupe I) ou dominé par la croissance (groupe II).

Pour mieux comprendre, les deux processus sont illustrés sur la Figure 43. Dans ce cas, le matériau à changement de phase est initialement cristallin (région bleue foncée) et a été partiellement transformé dans la phase amorphe par une impulsion laser (région verte). Cette marque amorphe va être recristallisée par le même laser.

Figure 43 : Schéma des mécanismes du processus de cristallisation de la surface d’un matériau à changement de phase. (a) Croissance de la phase cristalline (bleu) à partir des bords d’une tache amorphe (vert). (b) Cristallisation par nucléation puis croissance de l’intérieur de la marque amorphe.

La cristallisation par croissance commence par le bord (l'interface entre la marque amorphe et l'entourage cristallin

)

et se poursuit vers le centre de la marque amorphe, c’est-à-dire que c’est une progression du front de phase séparant les régions amorphes et cristallines (Figure 43 (a)). Dans ce cas, le temps de cristallisation d'une marque amorphe augmente avec son diamètre [141], [142]. Si la cristallisation commence au centre ou sur la surface de la marque amorphe (région la plus chaude provoquée par le faisceau) et progresse vers la bordure circulaire (l'interface entre la marque amorphe et l'entourage cristallin

)

c’est un processus dit

par nucléation (Figure 43 (b)). En d’autres termes, la nucléation est le processus de formation de noyaux cristallins au sein d’une matrice amorphe. Ensuite, la croissance des noyaux cristallins implique la formation d'une interface continue. Dans ce cas, le temps de cristallisation d'une marque amorphe est indépendant de son diamètre. Le dopage de certains matériaux peut provoquer une accélération du processus de cristallisation dominé par la nucléation, alors que le même dopant peut entraver la croissance d’un matériau dominé par la cristallisation par croissance. Ces processus sont détaillés dans la littérature [143]–[146]. En générale, la cinétique de transformation amorphe-cristallin est suivie selon deux grandeurs: la température de cristallisation Tc (ΔTx,tmin dans la Figure 38) et l’énergie d’activation de cristallisation Ea. Lors d’une montée en température du PCM, Tc est la température à laquelle le matériau se cristallise. Cependant, Ea représente une barrière d’énergie séparant le passage de la phase amorphe vers la phase cristalline. Une valeur élevée de Ea conduira à une transformation rapide à haute température. Plus ces valeurs seront élevées, plus la phase amorphe sera thermiquement stable [117].

Pour cristalliser un film de PCM initialement à l’état amorphe, deux stratégies peuvent être adoptées. Une première variante sera via l’application d’une impulsion pas trop énergétique (électrique ou optique) mais supérieure à Ea, et assez longue pour garantir sur toute sa durée d’atteindre la bonne température d’activation favorable à la cristallisation (courbe en pointillé sur la Figure 38). Une autre approche consiste à utiliser la même énergie que pour le processus d’amorphisation (une impulsion qui garantit un ΔT > ΔTmelt dans la Figure 38), mais avec un mécanisme de dissipation suffisamment long pour plonger le matériau dans la gamme de températures favorables à la recristallisation (temps de dissipation > CQT, Figure 38). Dans la pratique, il est préférable d’utiliser la première variante, compte tenu du fait qu’il est plus facile de maitriser les énergies de l’impulsion d’activation que les mécanismes de dissipation thermique.

La forme de l’impulsion utilisée pour les deux types de processus devient fondamentale pour les transitions dans les deux sens, car le paramètre principal pour manipuler le changement de phase du matériau est la température. A titre d’exemple, la Figure 44 montre un diagramme avec les températures de cristallisation et les longueurs des impulsions laser pour différentes compositions de PCM [133].

Figure 44 : Dépendances de la température de cristallisation Tx et de la composition (à gauche) et de la durée des impulsions laser cry pour produire la cristallisation (à droite) des films minces dans le

diagramme ternaire Ge-Sb-Te. La vitesse de chauffage pour la mesure Tx est de 10 K/min et la puissance laser pour la mesure cry est de 8 mW [133].

La vitesse du mécanisme de cristallisation, la température et la reproductibilité de la transformation sont des paramètres essentiels pour l’intégration des matériaux PCM pour des applications RF. Comme mentionné précédemment, un autre paramètre très important dans le choix d’un PCM est l’amplitude du changement de leurs propriétés électriques (et optiques) entre les phases amorphes et cristallines.

Les propriétés électroniques des alliages de matériaux à changement de phase ont été étudiées depuis le début des années 1970. Ces études ont montré que ces matériaux présentent un comportement semi-conducteur de type p, avec des concentrations de trous très élevées dues à l'existence de nombreuses lacunes Ge/Sb dans la structure du réseau (dans les alliages GST et GeTe). Les PCM cristallins sont considérés comme des semi-conducteurs dégénérés à bande interdite étroite avec un niveau de Fermi dans la bande de valence. Les PCM amorphes pour leur part, sont considérés comme des semi-conducteurs intrinsèques avec des états localisés induits par le réseau désordonné. A haute température, une forte concentration d'électrons est favorisée vers la bande de conduction, participant à la conduction finale, vraiment proche d'une conduction métallique [104], [105], [147].

Cependant, un nombre très limité de matériaux réversibles présentent des contrastes électriques élevés entre les états amorphe et cristallin. Nous présentons dans la suite les caractéristiques du GeTe et du Ge2Sb2Te5, considérés comme les principaux matériaux à changement de phase utilisés dans la technologie PCM pour des applications RF, et point de départ de nos travaux.