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Propriétés électriques et optiques des matériaux à changement de phase

Chapitre I. Etat de l’art sur les antennes agiles et les matériaux à changement de phase

I.3. Matériaux à Changement de Phase (PCM)

I.3.1. Propriétés électriques et optiques des matériaux à changement de phase

Les matériaux à changement de phase se présentent comme une approche particulièrement prometteuse pour une commutation réversible, rapide et non-volatile entre un état amorphe (isolant) et un état cristallin (conducteur). Les deux phases amorphe/ cristalline de ces composants sont caractérisées par des propriétés optiques et électriques très différentes, fournissant ainsi le contraste électrique/ optique nécessaire pour bien distinguer un état « OFF » d’un état « ON ». Les deux phases sont stables à température ambiante avec une durée de conservation des propriétés supérieure à 10 ans [105].

Les détails des processus de changement de phase seront donnés dans la suite, mais pour bien comprendre le comportement de ces matériaux nous présentons, sur la Figure 34, un exemple typique du changement de phase par température d’un PCM. Le matériau est initialement amorphe, c’est-à-dire avec une résistivité élevée. Il est chauffé (ex. sur une plaque chauffante ou dans un four) jusqu’à une température spécifique, appelée température de cristallisation où il subit une diminution brusque de sa résistivité vers une phase cristalline (de faible résistivité). Lorsque le matériau est refroidi, il a l’avantage de conserver son état cristallin à faible résistance jusqu’à la température ambiante (bi-stabilité).

Figure 34 : Résistivité en fonction de la température d’un matériau à changement de phase. La transformation de la phase amorphe vers un état cristallin est aperçu par la forte diminution de

résistivité [106].

Le principe du changement de phase dans un dispositif PCM, est basé sur la transformation de nature thermique d'une phase cristalline, ordonnée, à une phase amorphe, désordonnée, en passant par une phase liquide, comme décrit sur la Figure 35 [107]. Actuellement, des impulsions laser ou électriques sont utilisées comme des sources thermiques localisées permettant le changement de phase. Elles sont adaptées selon l’application visée (disques optiques réinscriptibles ou mémoires non-volatiles).

A l'état amorphe, les PCM ont un comportement similaire à des diélectriques ou des semi-conducteurs. Ils présentent une réflectivité optique très faible et une résistivité électrique très élevée. La phase cristalline pour sa part, a un comportement plutôt métallique, elle est

faiblement résistive et optiquement réflective. La forte différence de résistivité électrique entre les phases amorphe et cristalline atteint jusqu'à plus de six ordres de grandeurs.

Figure 35 : Principe du changement de phase dans les PCM. Le matériau dans la phase cristalline à gauche fond localement sous l’action d’un stimulus électrique ou optique. Si la vitesse de refroidissement est suffisamment élevée, le matériau reste dans une phase désordonnée amorphe (trempe thermique). Pour revenir à la phase cristalline, il faut fournir l'énergie thermique nécessaire à

la réorganisation des atomes (adaptées de [107]).

Contrairement aux commutateurs à base de semi-conducteurs, un commutateur PCM ne consomme aucune énergie pour maintenir un état donné, conducteur ou isolant (ON ou OFF). En effet, sa non-volatilité d’état est une de ses propriétés les plus importantes, inhérente aux chalcogénures. En d’autres termes, des dispositifs intégrant des PCM à l’état cristallin vont rester activés (état ON) sans apport d’énergie jusqu’à ce qu’ils soient perturbés par une source d’énergie externe. Ils ne consomment de l’énergie que pour le changement entre deux états dissimilaires (ON/ OFF).

Les détails des processus de cristallisation et d’amorphisation seront donnés dans le sous-chapitre suivant, mais en règle générale, le processus de cristallisation est le plus lent. Cependant, il peut se dérouler en quelques dizaines de nanosecondes. Par exemple, il peut être inférieur à 16 ns dans le cas du GeTe [108].

Des nombreux alliages de chalcogénure ont été analysés dans la littérature pour des applications diverses et plusieurs d'entre eux sont répertoriés dans le Tableau I-3 [109].

Tableau I-3 : Quelques compositions de familles de chalcogénures [109].

Binaire Ternaire Quaternaire

SbTe, InSe, SbSe, GeTe

GeSbTe, InSbTe, InSeTl, GeTeTi, GaTeSe, GeTeAs,

SnTeSe, GeTeSn, SbSeBi

GeSbTeSe, AgInSbTe, GeTeSnPd, GeTeSnAu,

GeTeSnO, InSeTlCo

Le choix de la composition la plus appropriée pour une application donnée reste une quête compliquée. Pour des applications en hyperfréquences, le matériau doit répondre à un certain nombre d’exigences comme par exemple :

 La résistivité électrique très faible à l’état cristallin ;

 La vitesse de transition rapide lors de la commutation entre les deux phases ;

 La stabilité thermique et chimique (conservation des propriétés dans chaque état au cours du temps) ; durant le processus de commutation le matériau doit rester réversible, sans interaction ou réaction avec l’environnement de travail (par exemple, l’oxydation) et sans modification intrinsèque irréversible ;

 L’intégration technologique simple ;

 La nécessité d’avoir une énergie faible pour la cristallisation ou amorphisation;

 La fiabilité élevée du changement d’état (grand nombre des cycles de commutation). Un certain nombre de familles de PCM a déjà été identifié pour des applications de stockage de données [110]–[112] et répondant aussi aux besoins en hyperfréquences, la plupart se trouve dans le diagramme sur la Figure 36. Les matériaux les plus étudiés sont le GeTe et les compositions de type GexSbxTex (en abrégé GST dont le plus connu est le Ge2Sb2Te5), mais certaines familles de SbxTex offrent également des propriétés appropriées lorsqu’elles sont combinées avec de l’argent et de l’indium (en abrégé AIST) [107], [113]. Une autre famille qui a suscité un intérêt considérable est l’alliage avec l’antimoine comme celles de GexSbx, GaxSbx ou InxSbx. En effet, elle ne contient pas de chalcogènes, mais elle est fait partie des PCM car elle contient de l’antimoine dopé (ici, la notion de dopage se comprend comme la concentration plus importante d’un élément de l’ordre de quelques pourcents) [113], [114].

Figure 36 : Diagramme ternaire Ge-Te-Sb regroupant la plupart de familles de PCM [104].

Le dopage avec un certain pourcentage d’un élément dans quelques familles de PCM convient pour la recherche de certaines performances. Par exemple, dans la famille GexSbx une légère augmentation de Ge augmente la vitesse de changement de phase. Dans les GST et le GeTe l’augmentation de Ge contribue à améliorer la stabilité thermique à l’état amorphe et est utilisée pour des applications à températures élevées [115]–[117]. De nombreux dopants comme l’azote, le carbone, l’oxygène, le silicium, l’indium et le tungstène ont été testés sur le GeTe et les GST afin de faire varier les températures et les vitesses de transitions, la stabilité, les valeurs de résistivité dans une phase donnée ou les contrastes électrique ou optique entre les deux phases [118]–[128]. Cependant, il arrive souvent que les propriétés exigées impliquent

la détérioration d’autres caractéristiques. Par exemple, la recherche d’une bonne stabilité à l’état amorphe est toujours au détriment de la vitesse de cristallisation qui devient plus lente. La recherche d’un nombre élevé de cycles de commutation entre les deux états reste un défi. En effet, le contraste électrique et la réflectivité optique peuvent se détériorer au fur et à mesure que le nombre de cycles de commutation augmente. Les facteurs responsables de ce problème sont divers, par exemple, les changements locaux de l'épaisseur du film de PCM pendant les changements de phase et la formation de cavités nanométriques dans le film en raison d’un déplacement de matière lors d’une irradiation laser, ou la formation de défauts microscopiques causés par les contraintes thermiques induites lors des transitions de phase cycliques et qui s'accumulent au fil des cycles. Ces problèmes peuvent être réduits par l’ajout de certains dopants, les mêmes utilisés pour modifier les vitesses de transitions. Par exemple, en prenant en compte que certains dopants ont des points de fusion plus élevés que le matériau à changement de phase, ils restent sous forme solide lorsque le film de PCM fond et compensent ainsi le déplacement du flux de matière [109].

De nos jours, certaines compositions déjà mentionnées (basées sur du GST ou GeTe) peuvent fournir non seulement des vitesses de commutation élevées (dizaines de ns) mais aussi un nombre de cycles allant de 105 jusqu’à 1012. Ces matériaux répondent donc parfaitement aux exigences du marché de stockage, mais la nature compétitive du développement des PCM implique que ni leur composition exacte ni les conditions de fabrication ne sont publiées [108], [129]–[134].

Par la suite, nous apporterons des éléments sur le mécanisme du changement de phase et nous analyserons les trois phases des PCM lors du changement de phase: la phase cristalline, la phase amorphe et la phase liquide transitoire.