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I.2 Dégradation par voie biologique

II.2.2 Transformation biologique du glyphosate en AMPA

La deuxième voie met en jeu la formation « intermédiaire » de l’AMPA, métabolite mis en évidence pour la première fois par Rueppel et al. (1977) à partir d’échantillons de sol. Contrairement à la première voie, l’apport de phosphates inorganiques n’inhibe pas la dégradation de glyphosate, pouvant laisser penser que cette voie a été développée par les microorganismes pour répondre à un besoin de dégrader le glyphosate en présence de ces phosphates (Kishore et Jacob, 1987).

La première souche microbienne dégradant le glyphosate a été isolée à partir des boues activées de la station d’épuration de l’usine Monsanto produisant ce composé par Balthazor et Hallas (1986), le glyphosate constituant la seule source de phosphore. Cette souche, appartenant au genre Flavobacterium, est capable de transformer quasi- quantitativement le glyphosate en AMPA, qui est ensuite minéralisé par l’action d’une phosphonate hydrolase libérant ainsi notamment des ions phosphates et ammonium utilisables par la souche. La présence de phosphates inorganiques n’inhibe pas la dégradation du glyphosate en AMPA mais inhibe celle du AMPA.

Une autre souche très active a été isolée du même milieu : il s’agit de Pseudomonas sp. LBr (Jacob et al., 1988). Elle est capable de dégrader efficacement le glyphosate jusqu’à des concentrations très élevées de l’ordre de 20 mM. Afin d’étudier le métabolisme de cette bactérie, ces auteurs ont analysé des cellules lyophilisées par RMN du solide, après culture sur un milieu contenant du glyphosate marqué au 13C (source de phosphore). Ils ont pu mettre

ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE – Dégradation de la sulcotrione, de la mésotrione et du glyphosate

40 en évidence une particularité de cette souche qui est celle d’utiliser les deux voies de dégradation du glyphosate : la voie majoritaire est celle de l’AMPA, qui est formé en grande quantité mais qui est ensuite très peu métabolisé ; la voie de la glycine, bien que mineure, est également observée (environ 5 % du glyphosate est transformé en glycine). La capacité de cette souche à dégrader le glyphosate est liée à la concentration de phosphates dans le milieu et aux besoins de la cellule en phosphore. D’autres souches bactériennes utilisant cette voie métabolique ont été récemment décrites (Singh et Walker, 2006), la dégradation étant plus ou moins efficaces. L’AMPA semble toujours dégradé plus lentement que le glyphosate.

Les souches fongiques jouent également un rôle important dans la dégradation du glyphosate, la première étude montrant cette capacité a été réalisée avec Penicillium citrinum (Zboinska et al., 1992). Krzysko-Lupicka et al. (1997) ont également montré que parmi 26 souches fongiques isolées de sol testées, 7 peuvent utiliser le glyphosate comme seule source de phosphore : Trichoderma viride II, Trichoderma viride II A3g, Penicillum sp., Alternaria sp., Trichoderma harzianum, Scopulariopsis sp. et Aspergillus niger. Le métabolisme des trois dernières souches a été étudié plus en détails, mettant en évidence une forte dépendance de la croissance des cellules et de la dégradation du glyphosate avec le pH initial du milieu (le pH initial doit être ajusté à 6 au départ pour éviter une trop forte baisse du pH au cours de la dégradation inhibant la croissance) et le passage par l’AMPA comme métabolite intermédiaire. Penicillium chrysogenum, lui, est le premier champignon décrit comme pouvant utiliser le glyphosate comme source d’azote (Klimek et al., 2001). Avec les souches fongiques, la question reste posée d’une véritable dégradation ou d’une incorporation dans la biomasse. L’incubation de Trametes sp. en présence de glyphosate marqué au 14C a montré une minéralisation de 8 % du glyphosate et une incorporation de 16,5 % dans le cytoplasme (fraction glucidique) (Charney et al., 2004).

D’autre part le glyphosate peut être métabolisé par certains végétaux, pommiers et poiriers (Carlisle et Trevors, 1988). Le principal métabolite produit est l’AMPA. Toutefois au contact du sol, il est plus facilement adsorbé sur des particules qu’absorbé par les racines des plantes (Hance, 1976).

ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE – Dégradation de la sulcotrione, de la mésotrione et du glyphosate

Les voies métaboliques du glyphosate, herbicide utilisé depuis de nombreuses années, ont été largement étudiées. Il semble que la plupart des souches capables d’utiliser le glyphosate ne le transforment que minoritairement en AMPA et majoritairement en sarcosine. Toutefois, le AMPA est pratiquement le seul métabolite détecté (et recherché) dans des matrices environnementales du fait de sa faible biodégradabilité et de sa persistance dans les sols, la sarcosine étant facilement intégrée au métabolisme central des microorganismes. Ceci suggère également que les constituants des sols peuvent moduler la métabolisation du glyphosate. Quoiqu’il en soit, la rupture de la liaison C-P reste l’opération essentielle pour la dégradation du glyphosate, même si l’action de l’enzyme C-P lyase, dont l’expression et l’activité sont fortement modulées par la présence de phosphates dans le milieu, reste mal connue.

L’identification des métabolites issus de la dégradation d’un pesticide est importante car ils peuvent être encore plus toxiques ou plus persistants que le pesticide lui-même. La mésotrione se transformerait dans le sol en MNBA et AMBA d’après les études de terrain réalisées par la firme la produisant : Syngenta. Des études de photodégradation de la mésotrione ont montré la formation d’autres composés. Il est par conséquent intéressant de déterminer quels métabolites potentiels intermédiaires peuvent se former au cours de la biodégradation de la mésotrione. Une recherche bibliographique sur la biodégradation de composés de structure analogue à la mésotrione (composés aromatiques nitrés) a donc été réalisée pour avoir une idée des possibles métabolites formés.

ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE – Biodégradation de composés aromatiques nitrés

Les composés aromatiques nitrés tels que les nitrophénols, nitrobenzènes, nitrotoluènes sont utilisés dans de nombreuses applications industrielles (matière première pour la fabrication de colorants, polymères, produits pharmaceutiques et pétroliers), agricoles (pesticides) et militaires (explosifs). La majorité des composés aromatiques nitrés ainsi que leurs produits de dégradation sont toxiques pour les plantes, les animaux et les microorganismes (Haghighi–Podeh et Bhattacharya, 1996 ; Schmitt et al., 2000), certains présentant même des propriétés mutagènes et cancérigènes (Won et al., 1976; Padda et al., 2003). Ils constituent donc une menace pour l’homme et l’environnement. Certains composés ont été classés dans la liste des polluants recherchés prioritairement par l’Agence Américaine de Protection Environnementale (EPA, 2007). Cependant, l’omniprésence de ces composés nitrés dans l’environnement a permis aux microorganismes d’exploiter leur grande diversité génétique et de développer différents mécanismes pour transformer ou éliminer ces composés. Cependant, très peu conduisent à la minéralisation (Ye et al., 2004). Ils jouent un rôle important dans la dégradation de ces polluants souvent persistants, car ils sont capables de les utiliser comme nutriments.

Les composés aromatiques nitrés peuvent être dégradés selon différents mécanismes biochimiques. Ils ont longtemps été considérés comme réfractaires aux attaques par des oxygénases par suite du caractère électro-attracteur du groupement nitro, qui appauvrit le cycle aromatique en électrons (Pelmont, 2005). En revanche, il a été montré que les composés nitroaromatiques portant des substituants polaires tels que des fonctions alcool ou acide carboxylique sont plus facilement biodégradables (Spain et Gibson, 1991 ; Jain et al., 1994 ; Cartwright et Cain, 1959). La dégradation biologique des nitrodérivés peut suivre trois stratégies différentes (Ye et al., 2004 ; Symons et Bruce, 2006) :

Oxydation du cycle aromatique dans une réaction catalysée soit par une dioxygénase avec introduction simultanée de deux groupements hydroxyle et élimination ou non du groupement nitro en nitrite ; soit par une monooxygénase avec introduction d’un seul groupement hydroxyle et élimination du groupement nitro sous forme de nitrites.

BIODEGRADATION DE COMPOSES AROMATIQUES

NITRES

ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE – Biodégradation de composés aromatiques nitrés

44 • Réduction partielle du groupement nitro en fonction hydroxylamine via un intermédiaire nitroso.

Réduction partielle du cycle aromatique conduisant au complexe de Meisenheimer par addition nucléophile d’un ion hydrure et élimination de nitrites.

Nous présenterons ici uniquement quelques exemples illustrant les diverses voies possibles de biodégradation de dérivés nitrés ainsi que le type de métabolites formés. La biodégradation de nitrobenzène, nitrophénol, nitrobenzoate et nitrotoluène sera présentée plus en détails. Il est à noter que plusieurs voies sont souvent répertoriées pour un même microorganisme.

Ces différents mécanismes enzymatiques pourraient être impliqués dans la biotransformation de la mésotrione, qui est un dérivé nitré. Aucun schéma métabolique de biodégradation de la mésotrione n’ayant en effet été proposé à ce jour, il nous a semblé intéressant de voir quels étaient les métabolites qui pourraient se former lors d’une attaque du cycle aromatique ou du groupement nitro.

I OXYDATION DU CYCLE AROMATIQUE

Le cycle benzénique est fortement stabilisé par son énergie de résonance résultant de la délocalisation uniforme des électrons dans le noyau. Son oxydation par voie chimique nécessite des conditions drastiques. Le cycle est toutefois fragilisé par l’introduction d’un ou deux substituants oxygénés. De nombreuses bactéries telles que Pseudomonas, Nocardia et Aerobacter ont été décrites comme capables d’oxyder en aérobiose le cycle aromatique en catéchol grâce à une dioxygénase. Certains microorganismes (Pseudomonas, Burkholderia) peuvent également, dans une réaction catalysée par une monooxygénase, introduire un groupement hydroxyle sur le noyau aromatique, voire enchaîner deux réactions catalysées par une monooxygénase pour conduire au catéchol (Pelmont, 2005). Les composés aromatiques comportant un ou deux groupements nitrés sont plus sensibles aux réactions d’oxydation en aérobiose et conduisent à la formation de produits intermédiaires possédant des fonctions hydroxyle responsables de ruptures oxydatives du cycle. En introduisant ces groupements polaires, le caractère hydrophile de ces composés est augmenté et leur dégradation est facilitée.

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