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II.2 Facteurs influençant l’adsorption

II.2.3 Conclusions

Ce bref aperçu de l’influence de la MO et/ou de la fraction argileuse montre les difficultés à généraliser des modèles d’adsorption pour des sols de composition différente et des polluants organiques aux propriétés physico-chimiques très diverses. Et la plupart des mécanismes proposés dans la littérature sont sujets à controverse.

Seules quelques « règles » semblent pouvoir s’appliquer aujourd’hui aux composés non ionisables. La présence d’une fonction « ionisable » sur un polluant rend sa prédiction

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d’adsorption délicate, voire impossible. Chaque étude constituera donc un cas particulier dont l’interprétation sera basée sur les données obtenues sur d’autres sols et d’autres polluants.

Dans le paragraphe qui suit, nous allons présenter les données décrites dans la littérature concernant l’adsorption de la mésotrione (et de son homologue la sulcotrione), puis du glyphosate.

III ADSORPTION DES BENZOYLCYCLOHEXANE -1,3- DIONES

III.1 La sulcotrione

L’adsorption de la sulcotrione dans les sols est très faible, les Kd mesurés pour différents sols variant de 0,23 à 7,04 L.kg-1 (Wilson et Foy, 1992 ; Baer et Calvet, 1997 ; Baer et Calvet, 1999). Cette faible adsorption ne permet pas, selon les auteurs, la réalisation d’isothermes de désorption. Ces résultats tendent a priori à montrer une augmentation du risque d’entrainement de l’herbicide dans les eaux de surface, puis les eaux souterraines. Toutefois, les études réalisées en plein champ ont suggéré que la mobilité de la sulcotrione est relativement limitée (Rouchaud et al., 1998a ; 1998b). En effet, 4 mois après l’application de l’herbicide, les plus grandes concentrations sont retrouvées dans les premiers horizons jusqu’à 10 cm. Seules de très faibles quantités de sulcotrione ont été détectées dans l’horizon 10-15 cm, cette dernière n’ayant jamais été détectée dans l’horizon 15-20 cm, quel que soit le sol.

Différents facteurs physico-chimiques permettant d’expliquer ces résultats ont été avancés par les auteurs.

1) La mobilité de la sulcotrione augmenterait pour de faibles teneurs en matière organique, impliquant de fait des interactions entre la sulcotrione et la MO. Cette corrélation a été établie après épandage de différentes quantités d’amendements organiques sur les sols. Pour compléter les résultats concernant l’influence de la MO, Rouchaud et al. (1996) ont évalué la persistance de la sulcotrione dans un sol recevant différents apports organiques. Le temps de demie-vie de la sulcotrione dans la parcelle de terrain témoin est de 16 jours. Il varie de 22 à 29 jours quand le sol reçoit un amendement organique. Cependant, Mamy et Barriuso (2005) ont suggéré que l’adsorption de la sulcotrione était indépendante de la teneur en matière organique, contrairement aux travaux de Wilson et Foy (1992).

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82 2) Plus le pH est élevé, plus la dissipation de l’herbicide est importante. Mamy et al. (2005) et Mamy et Barriuso (2007) ont confirmé ce résultat en montrant que la sulcotrione est peu adsorbée sur un sol alcalin, sa persistance augmentant quand le pH du sol diminue (vide supra).

3) Dans une moindre mesure, une teneur en argiles non négligeable, même pour les sols répertoriés comme « sableux », semble conditionner la ‘mobilité’ de la sulcotrione. Enfin, dans des sols contenant une teneur en MO similaire, la persistance de la sulcotrione est plus faible dans le sol contenant plus de sable que de terreau ou d’argile (Rouchaud et al., 1998b). Ces résultats suggèrent, entre autre, l’implication de la fraction argileuse dans l’adsorption de la sulcotrione. Toutefois, Wilson et Foy (1992) ont montré que la sulcotrione présentait une faible affinité pour les argiles.

Enfin, il semble qu’il y ait une bonne corrélation entre les propriétés d’adsorption de la sulcotrione et la concentration dans le milieu de métaux complexables tels que le fer ou le manganèse (Mamy et Barriuso, 2005).

Ces différents résultats, parfois contradictoires, sont très fortement sol-dépendants mais l’environnement pédo-climatique peut également fortement conditionner la transformation biotique de l’herbicide. En effet, le lessivage des sols a été étudié du fait de la faible adsorption de la sulcotrione. Rouchaud et al. (1998a) ont rapporté que la sulcotrione pénètre à des profondeurs plus faibles en hiver qu’en été (les pluies sont plus faibles en hiver qu’en été). Cherrier et al. (2005) ont analysé le comportement de la sulcotrione, marquée au 14

C sur le noyau aromatique, suite au lessivage d’une colonne de sol placée en conditions naturelles durant les deux mois d’été 2002, c’est-à-dire soumise aux conditions climatiques (seules deux périodes d’irrigation ont été réalisées). La sulcotrione semble relativement peu mobile, puisque deux mois après le traitement, le cumul des eaux de ruissellement permet de récupérer 14,5 % de sulcotrione par lessivage. Deux métabolites de la sulcotrione, dont le CMBA, sont visibles après 15 jours et restent en surface (jusqu’à 15 cm sur les 28 cm de la colonne). A la fin de l’expérience, seul l’horizon 0-5 cm contient la sulcotrione (10 %) et ses métabolites (55 % de CMBA et 35 % du métabolite 2). Il semble que la sulcotrione forme peu de résidus non-extractibles (environ 15%) (Cherrier et al., 2005). Ces données rejoignent globalement les travaux de Mamy et al. (2005) qui ont montré que des résidus non- extractibles étaient certes rapidement formés (28 jours), mais que leur quantité était relativement peu importante par rapport à d’autres herbicides comme le metazachlor.

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Par ailleurs, dans le but d’étudier le comportement de la sulcotrione et de ses métabolites (CMBA et cyclohexane-1,3-dione), Chaabane et al. (2005) ont réalisé des études d’adsorption et désorption de ces composés sur quatre sols différents en conditions de laboratoire. La cyclohexane-1,3-dione est le composé s’adsorbant le plus (Kf (eau) = 1,4 à 10,0

cm3/g) et se désorbant le moins (11 % au maximum). L’affinité modérée de la sulcotrione et

du CMBA semble équivalente vis-à-vis de ces sols (Kf (eau) = 0,66 à 2,82 cm3/g pour la sulcotrione et Kf (eau) = 0,35 à 1,59 cm3/g pour le CMBA). Toutefois, seule la sulcotrione permet une bonne désorption (67 à 91 %). Il est à noter que les valeurs de Kd, déterminées uniquement pour la sulcotrione, sont légèrement moins importantes dans l’eau déionisée que dans une solution de CaCl2. La présence de CaCl2 permettrait une interaction de type « pont ionique » entre la sulcotrione sous forme majoritairement anionique (au pH des sols utilisés), et les sols, dont la surface est, nous l’avons vu, globalement négative. Enfin, ces auteurs concluent au peu d’influence du pH et de la teneur en MO et à l’importance de la teneur en argiles, résultats en désaccord partiel avec d’autres études (Rouchaud et al., 1998 ; Mamy et al., 2005).

En conclusion, la sulcotrione présente une faible affinité pour les sols et est relativement mobile. Les différentes études révèlent un comportement très sol dépendant pour la sulcotrione, avec également une influence notable de la teneur en eau des sols. Il apparaît qu’il n’y a pas de consensus quant à l’influence du pH et de la MO du sol : ceci est principalement dû à la disparité des études et des sols étudiés. Seule la teneur en argile du sol semble influencer de façon « systématique » le devenir de la sulcotrione : une teneur élevée en argiles augmente l’adsorption et réduit la mobilité de l’herbicide.

III.2 La mésotrione

Dans la littérature très peu de données sur l’adsorption de la mésotrione existent. Les résultats sont principalement issus d’études de terrain.

Le temps de demie-vie de la mésotrione dans le sol est variable selon les études : 2 à 8 jours (Béraud et al., 2001), 5 à 32 jours (Dyson et al., 2002) ou 34 à 50 jours (Rouchaud et al., 2000). Des essais en plein champ ont montré qu’elle n’est plus retrouvée au-delà de 10 cm pour un seuil de détection de 0,005 mg/kg de sol (Béraud et al., 2001). Sur 15 sols européens et américains testés, Dyson et al. (2002) ont mesuré des Kd relativement faibles de 0,13 à 5,0 L.kg-1. Ces auteurs ont également montré une forte corrélation entre la diminution de

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84 l’adsorption de la mésotrione et l’augmentation du pH du sol. Compte tenu de son faible pKa (3,1), la mésotrione doit être totalement dissociée quel que soit le sol étudié, même s’il est difficile de corréler le pH de la solution avec le pH local effectif à la surface des colloïdes. Dans ces études, de larges gammes de texture de sol, de pH (4,4 à 7,5) et de teneur en matière organique (0,6 à 3,35 %) ont été couvertes par les différents sols étudiés. Même si la corrélation entre l’adsorption et le pH semble bien établie, l’influence de le la teneur en MO semble poser davantage de problèmes. En effet, les auteurs indiquent qu’il n’est pas correct de déterminer un Koc pour la mésotrione, car la forme anionique (dissociée), dominante a priori au pH des sols, n’est pas susceptible de s’adsorber sur la MO en raison de la charge nette globale négative de cette dernière. Les auteurs évoquent des relations empiriques donnant le Koc en fonction du pH, ce qui semble raisonnable compte tenu du pKa moyen de la

mésotrione. Les valeurs de Kd ainsi simulées et mesurées sont sensiblement du même ordre de

grandeur, malgré les très fortes disparités observées d’un sol à l’autre. Une corrélation directe entre adsorption et teneur en MO semble cependant suggérée (le modèle tenant compte du pH pour cet herbicide ionisable).

Par ailleurs, Rouchaud et al. (2000) ont étudié, après traitement de quatre champs de culture de maïs différents (sableux, argileux, limono-sableux ou riche en limons), la mobilité de la mésotrione. Le temps de demie-vie de la mésotrione est respectivement de 34, 42, 40 et 50 jours. Les auteurs ont pu constater que la persistance de la mésotrione augmente à la fois avec l’apport récent d’amendements organiques et la quantité de matière organique du sol, et dépend de la texture du sol. Un sol limoneux permet une plus grande adsorption de la mésotrione qu’un sol sableux. Ces résultats sont en désaccord avec ceux de Maeghe et al. (2002), qui ont étudié la persistance d’inhibiteurs de l’enzyme HPPD (dont la mésotrione) dans différents sols belges. Ils ont constaté que la mésotrione, comme la sulcotrione, ont une persistance plus importante dans des sols sableux et limono-sableux.

Ces quelques données ne permettent pas de tirer de conclusions généralisables sur le devenir de la mésotrione dans les sols.

IV ADSORPTION DU GLYPHOSATE

Une première lecture des données bibliographiques révèle que le glyphosate est généralement fortement adsorbé dans les sols, ce qui lui confère une faible mobilité. Autio et

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al. (2004) ont mesuré les Kf (utilisés préférentiellement aux Kd selon les auteurs) du glyphosate sur 21 sols finlandais. Ces coefficients d’adsorption varient de 37 à 303 L.kg-1 selon le sol, confirmant ainsi une adsorption forte de l’herbicide. Cependant, dans cette vaste étude, aucune corrélation triviale n’a pu être établie entre l’adsorption du glyphosate, et par exemple, la teneur en MO ou le pH des sols. Mamy et Barriuso (2005) ont, quant à eux, étudié l’adsorption du glyphosate sur trois types de sols français. Les résultats confirment globalement une forte adsorption de l’herbicide (les Kf varient de 17,6 à 60,5 L. kg-1). Cette fois-ci, des corrélations ont pu être établies entre l’adsorption et différents paramètres pédologiques : pH des sols, teneur en cuivre, phosphates et oxydes de fer et d’aluminium. Les auteurs ont également montré que cette adsorption était dépendante du temps, et que la teneur en MO n’était pas un facteur majeur dans le phénomène d’adsorption. La diminution de l’adsorption du glyphosate avec une augmentation du pH s’explique par une charge négative nette globale (densité électronique) plus importante à pH élevé du glyphosate (De Jonge et De Jonge, 1999). Ces auteurs ont également montré que l’apport d’ions tels que Ca2+, K+ ou NH4+ (augmentation de la force ionique) avait une forte influence sur l’adsorption du glyphosate. Ceci s’explique par une « désorption » des H+ de la surface du sol, le pH de la suspension diminuant de fait et l’adsorption de l’herbicide augmentant.

Il est à noter que les Kf mesurés dans une solution de CaCl2 à 0,01 mol.L-1 sont environ 2,5 fois plus grands que ceux mesurés dans l’eau déionisée. Ainsi, des protocoles d’adsorption très variés expliquent la diversité des valeurs de Kf trouvées dans la littérature, la présence d’ions Ca2+ modifiant les mécanismes d’adsorption mis en jeu. Le glyphosate peut former un complexe relativement stable avec le calcium, ce qui doit favoriser l’adsorption.

Mais est-il possible de mettre en évidence les mécanismes physico-chimiques expliquant ces corrélations ? Nous présentons dans les paragraphes qui suivent un bilan non exhaustif des résultats de la littérature concernant l’adsorption du glyphosate sur différentes fractions de sols : matière organique, argiles, oxydes et hydroxydes métalliques. En effet, le nombre important de publications sur le glyphosate permet une analyse plus fine que pour les tricétones.

IV.1 Adsorption du glyphosate sur les constituants organiques du sol

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