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Dans cette partie nous allons nous intéresser au comportement des chaines de PS36PAA125 à l’interface entre l’eau et l’air via l’étude de différentes isothermes de compression. Nous allons, dans un second temps, analyser l’organisation des films de ce polymère sur un substrat solide, après le transfert, en utilisant l’AFM. L’organisation des polymères sur le substrat est supposé identique à celle de l’interface entre l’eau et l’air avant le transfert puisque le transfert des molécules de l’interface eau/air à la surface est supposé parfait et sans distorsion.

3.1.1 PS

36

PAA

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à l’interface entre l’eau et l’air : isothermes

de compression

Dans une expérience typique avec la balance de Langmuir, les molécules déposées à l’interface entre l’eau et l’air vont être comprimées à l’aide des barrières en téflon. Grâce au capteur de pression, il est possible de suivre l’évolution de la pression de surface en fonction de l’aire disponible par molécule : c’est ce qu’on appelle une isotherme de compression (voir partie 2.2.4).

La Figure 3.1 représente deux isothermes de compression effectuées successivement pour des chaines de PS36PAA125. Ces deux isothermes de compression se superposent (Figure 3.1), ce qui signifie que le système est réversible : il n’y pas de perte de molécules dans le volume lors de la compression du film à l’interface [1, 2, 3].

La sous phase étant de l’eau MilliQ, le pH est d’environ 5.5. La concentration en sel de la sous-phase est quant à elle égale à 0.1M. Pour cette concentration en sel, la longueur de Debye-Hückel λD du système est à peine égale à 1nm, l’écrantage des interactions électrostatiques est donc important. Pour des longueurs de chaines comparables, Currie et ses collaborateurs ont montré que les chaines de PAA se situaient dans le régime salé [1]. Le taux d’ionisation α des chaines de PAA adsorbées à l’interface est proche du taux d’ionisation αb du PAA dans le volume qui peut être approximé à environ 0.5 pour un pH de 5.5 et une concentration en KCl de 0.1M [1].

Des études précédentes de diffraction des rayons X aux petits angles (GISAXS) ont montré qu’à l’interface entre une solution aqueuse et de l’air, les molécules de PS-b-PAA s’organisent sous forme de micelles [2] (schéma Figure 3.1).

Les isothermes de la Figure 3.1 montrent que pour des grandes aires disponibles par molécule (jusqu’au point X1), la pression de surface ne varie que faiblement, ce qui signifie que les copolymères n’interagissent que très peu. Dans leur étude, Currie et ses collaborateurs ont montré que les blocs de PS, collapsés car en mauvais solvant, ne contribuaient pas à l’évolution de la pression de surface [1]. L’évolution de la pression de surface est uniquement gouvernée par les interactions entre les chaines de PAA. Lorsque les micelles sont éloignées les unes des autres, les chaines de PAA n’interagissent donc que très peu à l’interface.

Les travaux de Currie et de ses collaborateurs ont montré que les chaines de PAA vont se solvater lorsque l’aire par molécule va diminuer, passant d’une conformation de pelote hydratée, à faible compression, à une conformation de brosse, à forte compression [1]. Les brosses de PAA ne commencent ainsi à interagir à l’interface que lorsqu’elles se

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recouvrent pour des faibles aires par molécule (inférieures à X1). D’après les travaux de Lennox et de son groupe, l’évolution monotone de la pression de surface avec la diminution de l’aire disponible par molécule signifie que les chaines de PAA sont principalement solvatées, même avant le début de la compression.

L’extrapolation de la partie linéaire (au niveau des fortes pressions de surface) de l’isotherme de compression donne une valeur d’aire limite par molécule A0 égale à 5.5nm2/molécule. L’aire limite par molécule de PS à l’interface entre l’eau et l’aire peut être calculée à partir de l’équation empirique obtenue par Kimaki [4]:

= 0,04

(3.1) avec M la masse moléculaire.

Pour une chaine de 36 monomères de styrène, l’aire limite par molécule obtenue serait donc égale à 1.5nm2/molécule. Le fait que l’aire limite par molécule des chaines de PS36PAA125 soit plus élevée que l’aire limite par molécule qu’aurait une chaine de PS de 36 monomères signifie que la partie PAA du copolymère interagit toujours à l’interface. On peut donc penser que les chaines de PAA ne sont que partiellement immergées en solution, autrement, nous aurions pu obtenir des chaines de PAA avec une plus grande densité de greffage. Par exemple, Genzer et ses collaborateurs ont synthétisés des surfaces de brosses de PAA possédant une densité de greffage bien plus importante que la densité de molécules de PS36PAA125 à l’interface entre l’eau et l’air que nous avons obtenu [5]. Ces résultats sont en accord avec les travaux de Bakker et de son équipe qui ont montré que pour des concentrations élevées en sel dans la sous-phase, les chaines de PAA possédant un taux d’ionisation α proche de 0.5 vont toujours être présentes à l’interface, due à l’écrantage des interactions électrostatiques [6].

L’évolution de l’organisation des chaines de PS36PAA125 avec la diminution de l’aire disponible par molécule est schématisée sur la Figure 3.1. On peut identifier cette organisation à des micelles de type « méduses partielles » [7]. Si les chaines de PAA avaient été fortement présentes à l’interface, elles auraient eu une conformation de pancake et un pseudo-plateau aurait été observé sur les isothermes de compression [8]. L’ensemble de ces interprétations pour l’étude d’isothermes de Langmuir ont cependant été nuancées récemment par les travaux de Guennouni et ses collaborateurs [9].

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Figure 3.1 : Isothermes de compression de molécules PS36PAA125. Courbe noire : 1ère isotherme ; courbe rouge : 2ème isotherme. Sous phase : eau à pH neutre et 0.1M NaCl

Les travaux de Théodoly et de son équipe ont également montré que ces micelles ne sont pas figées : au cours de la compression, certaines molécules de PS-b-PAA peuvent migrer des micelles pour aller à l’interface. On a ainsi, à l’interface, la présence d’un film hybride constitué de micelles et de brosses de PS-b-PAA [2]. Cela serait dû à une réorganisation du système pour minimiser les répulsions entre les chaines de PAA. Nous pensons donc que les molécules de PS36PAA125 s’agrègent sous forme de micelles à l’interface entre la solution aqueuse et l’air. L’observation, via l’utilisation de l’AFM, de la morphologie de films de PS36PAA125 transférées à différentes pressions de surfaces va pouvoir nous indiquer sur la véracité de cette affirmation et sur l’évolution de la morphologie des films avec l’augmentation de la densité de greffage.

3.1.2 Morphologie des films de copolymères à bloc de

PS

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PAA

125

Nous avons effectué de nombreux transferts de films de PS36PAA125 à différentes pressions de surface via la méthode de Schaefer (partie 2.2.4). Des images AFM de ces surfaces, effectuées dans l’air en mode tapping, sont présentées Figure 3.2. Ces images correspondent aux transferts réalisés aux pressions de surface indiquées par des flèches sur l’isotherme de compression de cette même Figure.

Pour des transferts à faibles pressions de surface (0.2mN/m à 1mN/m), on peut observer la présence de micelles avec un cœur de PS, d’épaisseur comprise entre 3 et 4nm dans l’air, correspondant aux sphères claires sur les images. A l’air, les chaines de PAA sont collapsées sur la surface. Ces images confirment l’organisation micellaire de la chaine, discutée dans la partie précédente, et est en accord avec des images AFM réalisées dans une autre étude [3].

Pour un transfert réalisé à une pression de surface de 0.2mN/m, les micelles sont éloignées les unes des autres. L’aire par molécule correspondante est de 19nm2/molécule. Dans nos conditions de transfert (pH neutre ; 0.1M NaCl), le rayon de giration Rg des

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chaines de PAA est compris entre 4 et 5 nanomètres [10, 11]. La densité de molécules à l’interface pour des faibles compressions est donc proche de la densité correspondante à la transition de la conformation de pelote à la conformation brosse des chaines de PAA. Plus la pression de surface à laquelle est effectué le transfert est élevée, plus les micelles vont être proches (Figure 3.2b à 3.2e) et la densité de molécules de PS36PAA125 élevée (14nm2/molécule pour un transfert à 1mN/m). Pour des transferts opérés à de grandes pressions de surface (9mN/m, Figure 3.2f), on obtient des surfaces très denses (environ 7nm2/molécule) en PS36PAA125 avec la présence de défauts (entourés en gris sur la Figure 3.2f) d’environ 15nm d’épaisseur. C’est dans ce régime de pression que la migration des chaines de PS-b-PAA, des micelles à l’interface, a été observée [2].

Figure 3.2 : Isotherme de compression de molécules de PS36PAA125 à l'interface entre l'eau (pH neutre ; 0.1M NaCl) et l’air (a) ; les flèches indiquent les pressions de surface correspondantes aux images AFM. Images AFM de hauteur en mode tapping dans l’air des surfaces de PS36PAA125 pour des transferts à des pressions

de surface de 0.2mN/m (b), 0.4 mN/m (c), 0.8mN/m (d), 1.0 mN/m (e) et 9mN/m (f)

A l’aide des images AFM réalisées aux plus faibles pressions de surface (Figure 3.2a à 3.2e), il est possible de calculer le nombre d’agrégation Nag des micelles de PS36PAA125. Il existe plusieurs méthodes de calcul de Nag [12]. Dans notre cas, nous avons pris la méthode la plus simple qui consiste à déterminer l’aire disponible par micelle (obtenue en comptant le nombre de micelles sur chaque image) puis à diviser ce nombre par l’aire disponible par molécule obtenue à partir de l’isotherme de compression :

=

/

/ é (3.2)

En utilisant cette méthode, on assume que l’organisation du film de molécules de PS36PAA125 est identique à celle des molécules à l’interface entre l’eau et l’air et que le transfert s’est effectué sans distorsion du film.

Cette étude a été effectuée pour des surfaces dont le transfert de molécules a été réalisé à des pressions de surfaces de 0.2mN/m, 0.6mN/m et 0.8mN/m. Pour chaque pression de

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transfert, 4 images AFM différentes ont été utilisées pour calculer l’aire disponible par micelle. Les résultats sont répertoriés dans le Tableau 3.1. Ce nombre d’agrégation moyen est du même ordre de grandeur pour les 3 différentes densités.

Tableau 3.1 : Valeurs du nombre d'agrégation Nag moyen et des distances moyennes entre micelles de

PS36PAA125 transférées à différentes pressions de surfaces

Le nombre d’agrégation Nag des micelles dépend de la longueur des chaines, du ratio entre la longueur du bloc hydrophobe (PS) et la longueur de la partie hydrophile (PAA) ainsi que des conditions de solvants.

Les nombres d’agrégation moyens Nag calculés sont dix fois plus grands que celui obtenu dans les travaux de Théodoly et de ses collaborateurs, pour un nombre de monomère d’acide acrylique similaire. Cependant dans leur étude, la sous-phase de la balance de Langmuir était de l’eau pure. Les chaines de PS-b-PAA étaient donc dans le régime osmotique [2]. D’autres calculs de Nag ont été effectués pour d’autres polymères diblocs à l’interface entre l’eau et l’air. Même si les longueurs de chaines des polymères diffèrent de celle du PS36PAA125, on peut constater que dans chacun de ces travaux, les nombres d’agrégation sont du même ordre de grandeur que ceux que nous avons obtenu dans nos travaux pour les molécules de PS36PAA125 [12, 13, 14, 15].

Nous avons estimé la longueur L d’une chaine de PAA afin de comparer la distance entre les micelles avec la distance 2L, ce qui pourrait nous renseigner sur le comportement des chaines à l’interface. Comme nous sommes dans le régime salé, la longueur d’une chaine de PAA augmente avec l’augmentation de la densité de greffage (équation 1.18 du chapitre I). Les chaines de polymère s’agrégeant sous forme de micelles à l’interface, la densité des chaines de PAA (au sein de ces micelles) est très élevée. Nous supposons donc que les chaines de PAA sont complètement étirées et que leur longueur L est ainsi égale à :

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(3.3)