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Interfaces biologiques et bio-séparation

1.2 Applications des surfaces intelligentes à base de polymères

1.2.1 Interfaces biologiques et bio-séparation

Comme indiqué précédemment, les surfaces intelligentes possèdent de nombreuses applications dans le domaine des biotechnologies et du biomédical [15, 80]. En effet, les chaines de polymères peuvent subir des changements dynamiques de conformation en fonction de changements dans des systèmes vivants (pH, température…).

Une première application potentielle serait l’adsorption réversible des cellules ce qui permettrait la création de tissus biologiques pour la régénération et la reconstruction de tissus biologiques hôtes.

Les polymères les plus utilisés pour ce type d’applications sont les polymères thermosensibles comme le PNIPAm [81, 82]. Pour favoriser l’adhésion cellulaire sur une surface, il est souhaitable que cette dernière soit hydrophobe. En effet, les cellules n’adhèrent pas sur des surfaces hydrophiles. Pour des surfaces de PNIPAm, l’adhésion cellulaire est promue à une température supérieure à la LCST (autour de 37° [81, 82]) et la libération des cellules se produit dès que la température est abaissée à une température inférieure à la LCST. Du fait des forces de contraction exercées par les cellules entre elles, c’est finalement un film de cellules qui se détache de la surface thermosensible. La contraction du film de cellules fait perdre un dixième de la taille du film de cellules initial adhéré à la surface [83]. L’intercalation d’une matrice extracellulaire entre la surface thermosensible et le film cellulaire permet de conserver la taille de ce dernier lors du détachement. En effet, les cellules restent accrochées à cette matrice extracellulaire, qui va quant à elle se décrocher de la surface thermosensible (Figure 1.15) [81, 83].

La température à laquelle les cellules vont se détacher dépend du type de cellules adhérées [81]. L’adhésion cellulaire et l’organisation de ces cellules sur la surface dépend de la mouillabilité de la surface mais aussi d’autres paramètres comme sa topographie, sa rugosité, sa rigidité [84] et de l’épaisseur du gel de PNIPAm [85]. Les avantages de l’utilisation de surfaces intelligentes pour la création de tissus biologiques sont :

• l’adhésion des films cellulaires fabriqués, sans besoin de points de sutures, aux tissus de l’hôte (expérience in vivo) [86] ;

• L’absence d’utilisation d’enzyme pour décoller le film cellulaire, les enzymes pouvant casser le film (Figure 1.15).

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Figure 1.15 : Détachement d'un film cellulaire sur une surface thermosensible de PNIPAm : (A) cellules attachées sur le film hydrophobe via la matrice extracellulaire (ECM), (B) détachement à l'aide d'enzymes et

(C) détachement par diminution de la température [81]

Une deuxième application dans le domaine de la bio-ingénierie est la possibilité d’exposer ou de cacher certaines fonctions chimiques à l’interface biologique, ce qui permet de moduler l’activité biomoléculaire. Par exemple, Nakatani et son équipe ont réussi à réversiblement fixer ou détacher un aptamère d’ARN sur des surfaces contenant des peptides (rôle de ligand) possédant des groupes azobenzènes sensibles à l’irradiation UV [87]. En fonction de la longueur d’onde d’irradiation, ces peptides subissent une réorganisation moléculaire permettant l’attache ou la libération de l’aptamère d’ARN. Une troisième application est la bioséparation, c’est-à-dire la séparation entre plusieurs ions, plusieurs protéines, plusieurs macromolécules ou plusieurs substances chimiques de tailles différentes. L’utilisation de surfaces intelligentes sensibles au pH est très étudiée pour la séparation d’ions de charges différentes ou de protéines.

Des brosses de polyacides faibles permettent de piéger des cations au sein des chaines chargées négativement à pH basique. Les anions, aussi présents dans la solution, peuvent donc être éliminés en pompant la solution. Dans un second temps, le rinçage de la surface par une solution acide provoque l’effondrement des brosses de polymère et la libération des cations [88].

Suivant le même principe, des surfaces mixtes contenant un polyacide faible (PAA) et une polybase faible (P2VP) peuvent, en fonction du pH, soit piéger les anions, soit piéger les cations [41]. Lorsqu’un gradient de composition est imposé sur de telles surfaces mixtes, ce qui signifie que plus on va vers un côté de la surface, plus la proportion du polyacide augmente (et donc la proportion de la polybase diminue), l’adsorption de protéines se fera préférentiellement d’un côté ou de l’autre de la surface en fonction du pH. C’est le cas de la BSA qui à pH basique (pH > pIBSA) est chargée négativement et va s’adsorber préférentiellement du côté de la surface dense en P2VP faiblement chargée négativement (dû à la présence de quelques chaines de PAA) [89]. Il n’y a pas d’adsorption du côté dense en PAA à pH basique du fait de la trop grande répulsion entre les protéines et les chaines de PAA, chargées négativement. A pH acide (pH<pIBSA) l’inverse se produit puisque dans ce cas, la BSA est chargée positivement.

La bioséparation par des chaines de polymères permet aussi la purification de macromolécules biologiques comme des molécules d’ADN [90]. Le passage d’un flux de

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sang, possédant à la fois des molécules d’ADN ainsi que d’autres biomacromolécules, sur une surface de chaines de PNIPAm solvatées à une température inférieure à la LCST, permet de piéger les molécules d’ADN tandis que les autres biomacromolécules restent dans le flux. Cela est dû à la taille plus petite des molécules d’ADN qui leur permet de diffuser dans les brosses contrairement aux autres biomacromolécules, plus grandes. Les molécules d’ADN sont aussi très hydrophiles et réagissent via des liaisons hydrogènes avec les molécules d’eau. Ces dernières jouent donc le rôle de connecteur entre les molécules d’ADN et les chaines de PNIPAm et permettent la capture des molécules d’ADN au sein des chaines. Les molécules d’ADN sont ensuite récupérées dans de l’eau pure en augmentant la température, ce qui cause l’effondrement des chaines de PNIPAm (Figure 1.16).

La séparation de macromolécules en fonction de leur taille est possible via des membranes pouvant modifier de façon réversible la taille de leurs pores. Une grande partie des travaux sur ces membranes ont été réalisées avec des gels ou des brosses de PNIPAm situés à l’intérieur des pores, sur les parois [91, 92, 93]. Lorsque la température est inférieure à la LCST, les chaines de PNIPAm sont étendues dans la solution aqueuse et les pores sont refermés tandis que lorsque la température est supérieure à la LCST, les chaines sont collapsées et les pores sont ouverts, permettant le passage des macromolécules si leur taille est inférieure à la taille des pores. Pour cette application, il est aussi possible d’utiliser des polypeptides possédant une LCST [94].

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