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Les travaux de Ralph G. Nuzzo et de ses collaborateurs [17, 18] ont montré qu’il était possible d’adsorber par chimisorption, via des groupements disulfides, des molécules sur de l’or fraichement déposé par évaporation sur des wafers en silicium. Ils ont prouvé que les liaisons entre l’or et les molécules organiques se faisaient par leur groupement disulfide. Différentes molécules organiques ont été irréversiblement adsorbées après l’immersion des surfaces d’or dans des solutions de concentrations variant de 10-2 à 10-3M dans des solvants appropriés pendant quelques minutes jusqu’à quelques heures. Il a été déduit de ces travaux la présence d’interactions fortes entre les molécules adsorbées et l’or via les atomes de souffre mais aussi la présence de grandes densités de molécules greffées à la surface proches des densités de phases condensées. La présence des molécules adsorbées à la surface a été vérifiée avec le changement de mouillabilité des surfaces en fonction du groupement terminal des molécules greffées [17].

Dans notre cas, le (PAA47)2S2 a été dissous dans de l’éthanol pour obtenir une solution à 1mM. La concentration de la solution de (PDMAEMA)2S2 était quant à elle de 0.1mM dans de l’éthanol.

Les surfaces d’or ont été ensuite immergées pendant une heure dans les solutions puis rincées abondement à l’éthanol et séchées sous flux d’azote.

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2.3. Techniques de caractérisation des surfaces

2.3.1 Microscopie à force atomique (AFM)

L’AFM (Figure 2.14) est une technique qui permet de mesurer des propriétés de surface sur une échelle de quelques angströms jusqu’à une centaine de micromètres. La conception de l’AFM [19] en 1985 par Binnig, Quate et Gerber est basée sur le microscope à effet tunnel (STM) développé par Binnig et Rohrer [20] qui ont reçu le prix Nobel de physique en 1986. Le STM permet d’obtenir la topographie, en 3 dimensions (3D), de surfaces conductrices en maintenant constant le courant tunnel entre la surface conductrice et une pointe fine conductrice, le tout se faisant sous vide pour éviter l’oxydation du métal. L’AFM a été inventée dans le but de pouvoir surpasser les limites imposées par le STM comme par exemple étudier une plus grande diversité de surfaces (conductrices ou isolantes) et travailler en milieu liquide. D’autres techniques existaient déjà pour faire de la topographie en 3D de surfaces non conductrices comme par exemple le profilomètre à stylet (SP) [21]. Cette technique permettait une résolution latérale de 1µm (taille qui correspondait au rayon du stylet) et une résolution verticale de 10Å. La force appliquée sur le stylet était autour de 10-4N et des déformations de surface survenaient à cause du frottement du stylet sur cette surface. L’AFM permet, quant à elle, de mesurer des forces beaucoup plus faibles pouvant aller jusqu’à 10-18N (dans le vide à une température de 300mK) grâce à un cantilever suffisamment mou. Il est ainsi possible de mesurer les forces d’interactions entre les atomes (la force d’une liaison covalente est de l’ordre du nN), et donc de faire de la topographie de surface, en mesurant la force intervenant entre la pointe et la surface. L’avantage de cette technique est la résolution verticale qui est de l’ordre de l’angström alors que la résolution latérale est de l’ordre de la dizaine de nanomètres (limitée par le diamètre de la pointe qui est de l’ordre de 10-20nm). L’élément clé de l’AFM est le cantilever, possédant en son bout une pointe fine (de forme conique ou pyramidale), et qui permet de détecter la force entre la pointe et la surface. Le cantilever doit être assez mou pour pouvoir être déformé mais aussi assez rigide pour pouvoir vibrer à de hautes fréquences de résonnance pour négliger les fréquences dues aux bruits extérieurs (~100Hz). Le cantilever est constitué de silicium ou de nitrure de silicium et possède une longueur comprise entre 100 et 500µm pour une épaisseur comprise entre 0.5 et 5µm. Aujourd’hui, ces cantilevers sont issus de la microfabrication.

L’AFM ne se limite pas à la topographie de surface : elle permet aussi de détecter des domaines avec des propriétés magnétiques ou électriques en surface différentes sur l’échantillon en utilisant une pointe magnétique (mode magnétique) ou électriquement chargée (mode électrique). Il est aussi possible d’étudier les forces d’adhésion entre la pointe et l’échantillon et les propriétés viscoélastiques de ce dernier.

Au cours de cette thèse, de nombreuses images de topographies de surfaces ont été effectuées. Pour cela deux modes de travail de l’AFM ont été utilisés.

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Figure 2.14 : Eléments constituant un AFM

2.3.1.1 Mode contact

Dans le mode contact, la pointe est en permanence en contact avec l’échantillon lors du balayage horizontal. La force entre la pointe et la surface est maintenue constante : la pointe est maintenue au contact de la surface via une boucle d’asservissement qui mesure l’interaction entre la pointe et la surface.

L’échantillon (ou la pointe) est mis(e) en mouvement dans les trois dimensions de l’espace via l’utilisation d’un piézo-électrique, autre élément indispensable à l’AFM pour pouvoir effectuer des mouvements à l’échelle subnanométrique. Au cours du balayage, le cantilever se déforme. La déformation du cantilever traduit la force des interactions qui ont lieu entre la pointe et l’échantillon matérialisée par la loi de Hooke :

(2.6)

où k est la constante de raideur du cantilever et z la déformation verticale du cantilever. Pour détecter cette déformation du cantilever lors du balayage, une méthode optique est utilisée : un faisceau laser est envoyé sur le dos du cantilever, ce dernier réfléchissant le faisceau sur un photodétecteur (Figure 2.14). Lors de la déformation du cantilever, la position du faisceau sur le photodétecteur est modifiée. Ce changement de position du faisceau sur le photodétecteur est converti en signal électrique. Ce signal électrique est transmis à la boucle d’asservissement qui, par retour d’information, va modifier la position verticale de l’échantillon (ou de la pointe) via le piézo-électrique afin de maintenir une déformation constante du cantilever.

La hauteur de l’échantillon (ou de la pointe) est alors tracée dans le plan x-y pour obtenir la topographie de l’échantillon.

Les pointes généralement utilisées pour le mode contact ont des constantes de raideur comprises entre 0.001 et 1N/m. Le mode contact permet un balayage rapide de l’échantillon et est très utile en milieu liquide car il permet de s’affranchir des artefacts hydrodynamiques liés aux oscillations de la pointe en milieu liquide. C’est aussi le seul mode de l’AFM qui permet la résolution atomique. L’inconvénient de cette technique est la détérioration des échantillons mous et/ou de la pointe induit par le frottement.

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Dans notre cas, le mode contact sera utilisé pour faire de la topographie de nos surfaces de polyélectrolytes en milieu aqueux. Dans la plupart des cas, l’AFM utilisée sera le Multimode Nanoscope IIIa. Une cellule liquide sera alors utilisée pour immerger l’échantillon et la pointe dans le milieu liquide et un joint en silicone permettra de conserver l’étanchéité de cette cellule. Avant utilisation, la cellule et le joint sont nettoyés à l’éthanol puis séchés à l’azote.

Dans le cas où une tension sera appliquée entre le substrat et le milieu aqueux, nous utiliserons l’AFM Veeco Icon P-Series qui permet de manipuler des échantillons de plusieurs centimètres. Pour ces expériences, la solution aqueuse est directement placée sur la surface à l’aide d’une propipette et la tête de mesure de l’AFM est protégée par la présence d’une petite cellule liquide qui sera préalablement nettoyée à l’éthanol et séchée à l’azote.

2.3.1.2 Mode tapping

Dans le mode tapping, la pointe est excitée à une fréquence proche de sa fréquence de résonnance à une distance très proche de l’échantillon. La pointe vient donc toucher la surface par intermittence lors du balayage. Dans ce cas il n’y a pas de dégradation de l’échantillon puisque la pointe n’effectue aucun frottement sur la surface contrairement au mode contact [22]. Au cours du balayage horizontal de la surface, c’est l’amplitude des oscillations qui est maintenue constante par la boucle d’asservissement. Avec cette technique, deux images sont typiquement obtenues :

• une image de la variation d’amplitude des oscillations du cantilever dans le plan x-y, ce qui correspond à la topographie de la surface ;

• une image de phase dans le plan x-y, qui correspond au décalage de phase par rapport à l’excitation, du mouvement sinusoïdal de la pointe, et qui nous renseigne de manière qualitative sur les propriétés mécaniques de l’échantillon.

Ce mode sera utilisé sur l’AFM Veeco Icon P-Series pour toutes les images de topographie dans l’air de nos surfaces de polymères.

L’AFM n’a pas uniquement été utilisée pour réaliser la topographie des surfaces de polymères, elle nous a aussi permis d’étudier les propriétés d’adhésion de ces surfaces via la réalisation de courbes de force.

2.3.1.3 Courbes de force

L’AFM permet la mesure des interactions entre la pointe et la surface. Pour cela on effectue des cycles d’approche puis de retrait de la pointe et on mesure la déflection du cantilever en fonction du déplacement du piezo-électrique. La Figure 2.15a montre la déflection du cantilever (en volts), qui est la valeur de la tension proportionnelle au déplacement du faisceau sur le photodétecteur, en fonction de la position du piézo-électrique. On convertit ensuite la déflection du cantilever en nanomètres en prenant la valeur de la pente (en V/nm) lorsque la pointe et la surface sont en contact (zone entre 750 et 800nm sur la Figure 2.15a). Cela est possible car si l’indentation de la pointe est négligeable lorsque la pointe et la surface sont en contact, le déplacement de la pointe est imposée par le piézo-électrique. Ainsi, la déflexion augmente linéairement avec le déplacement. Enfin, en redressant cette pente à la verticale en x=0, on obtient la Figure 2.15b représentant la déflection du cantilever en nanomètres en fonction de la distance

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de séparation (en nanomètres) entre la pointe et la surface. Lors de l’approche, lorsque la pointe et la surface sont suffisamment éloignées (a), l’interaction entre ces dernières est très faible et la déflection du cantilever est négligeable. Une fois que la pointe se rapproche de la surface (b), l’interaction entre la pointe et la surface augmente : cette interaction peut être répulsive comme c’est le cas sur ce graphe, mais elle peut aussi être attractive. La pointe et la surface entrent ensuite en contact (c) et le déplacement de la pointe est lié au déplacement du piezo-électrique. Lors du retrait de la pointe, cette dernière peut adhérer à la surface (d). Le cantilever dépasse alors sa position d’équilibre et la déflection est négative. S’en suit ensuite un décrochage brusque de la pointe puis un retour à la position (a). Lorsqu’aucune adhésion n’est observée, la courbe d’approche et de retrait sont superposées.

Figure 2.15 : Courbes de force obtenues avant (a) et après traitement (b)

2.3.1.4 Application d’une tension électrique avec l’AFM

Quelques images d’AFM ainsi que de très nombreuses courbes de force ont été effectuées avec l’AFM Veeco Icon P-Series pendant qu’une tension était appliquée entre l’électrode d’or (sur laquelle il y a le film de polystyrène et la couche de polyélectrolytes) et le milieu aqueux (Figure 2.16a). Le dispositif pour appliquer la tension électrique est illustré sur la Figure 2.16b : la surface est collée sur un support en verre et une petite partie du film de polystyrène est enlevée sur un coté avec du toluène dans le but de laisser une partie de l’électrode d’or libre. Un fil conducteur est alors soudé ou collé avec de la colle époxy conductrice sur la partie d’or libre. L’autre électrode est un fil de platine qui sera juste au-dessus de la surface. Les deux électrodes seront reliées à un générateur et une goutte d’eau sera déposée sur la surface au niveau du fil de platine. Il faut bien prendre le soin de ne pas étaler la goutte d’eau sur la partie de la surface où l’or est libre pour éviter un court-circuit.

Pour effectuer des courbes de force, les pointes utilisées sont des pointes commerciales (sQuBE type CP-PNPL-SiO-A) possédant une particule colloïdale de silice de 2μm de diamètre collée au bout du cantilever. En milieu aqueux, pour un pH supérieur à 2, ces pointes sont chargées négativement. Elles peuvent être fonctionnalisées avec de l’APTES ((3-aminopropyl)triéthoxysilane) pour obtenir une pointe chargée positivement à pH

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acide. Dans ce cas la pointe est plongée 15min dans une solution d’APTES à 20mM dans du toluène anhydre, puis rincée et conservée dans de l’eau MilliQ [23].

Figure 2.16 : (a) Schéma de la réalisation de courbes de force avec l'application d'une tension et (b) dispositif pour appliquer la tension

2.3.2 Spectrométrie photoélectronique X (XPS)

L’XPS est une technique d’analyse chimique de surface qui permet de connaitre la composition élémentaire et l’état électronique des éléments chimiques contenus dans les 1 à 10 premiers nanomètres de la surface. Elle a été mise au point par Kai Siegbahn qui reçut le prix Nobel de physique en 1981 pour sa conception. Cette technique d’analyse de surface utilise l’effet photoélectrique expliqué par Einstein au début des années 1900 : lorsqu’une surface est frappée par des photons, cela va produire une émission d’électrons. Expérimentalement, l’échantillon est placé sous un haut vide (autour de 10-8mbar) et est irradié par un rayonnement monochromatique de photons X. Les sources sont soit le magnésium (Kα = 1253eV), soit l’aluminium (Kα = 1486eV). Ces photons interagissent avec les électrons des orbitales atomiques des éléments à la surface de l’échantillon et leurs procurent une énergie supérieure à leurs énergies de liaison ce qui va permettre leur éjection du matériau. Chaque électron éjecté possède une énergie cinétique (Ec) qui lui est propre et égale à :

(2.7)