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Le transfert international du siège social selon le droit commun

Section 2 La manipulation du rattachement de la loi de la société

Section 1. Le transfert international du siège social selon le droit commun

331. Le siège social d’une entreprise a un rôle juridique capital. Sa localisation est importante dans la mesure où la société sera soumise à la loi du territoire sur lequel il est implanté. Outre la lex societatis, il définit aussi la nationalité de l’entreprise. Lorsque le transfert du siège social est réalisé au-delà des frontières nationales, il suscite des questions spécifiques auxquelles les sociétés ne sont pas confrontées lorsqu’elles opèrent exclusivement dans l’ordre interne. Le transfert de siège social qui constitue, en droit interne, une technique juridique des plus banales risque en effet rapidement de tourner au cauchemar dès lors que cette opération doit franchir les frontières nationales. 308. En droit commun, le transfert transfrontalier du siège social difficilement envisageable à cause des obstacles que posent les droits nationaux à la réalisation de l’opération (§1) ainsi que de la possibilité de conflits de lois (§2).

§1. Les obstacles à la réalisation du transfert transfrontalier du siège social

332. À dire vrai, discuter de la validité du transfert international du siège social revient à s’interroger sur la continuité de la personnalité morale. Si la personne juridique ne survit pas à l’opération, il n’y a pas transfert de siège, mais dissolution de la société suivie d’une reconstitution. Le principal argument opposé à la possibilité d’un transfert international de siège social tient à la disparition de la personnalité morale qui résulterait du changement de statut juridique affectant la société309. Il est nécessaire pour qu’un transfert s’effectue d’une part que l’État de départ reconnaisse le transfert de la société sans interruption de la personnalité morale et que, d’autre part, l’État d’accueil accepte la validité de ce transfert. Se pose donc le problème de la continuité ou de la permanence de la personne morale qui doit être résolu pour assurer la mobilité des sociétés, indispensable à leur développement.

308 Quentin URBAN, Jochen BAUERREIS, Gerhard HOHLOCH, Uwe BLAUROCK, Hanno MERKT,

Luc JULIEN-SAINT-AMAND, « Transfert international de siège social au regard du droit communautaire », Petites affiches, 17 août 2006 n° 164, p. 3 : « Si le transfert de siège social d'une société de Paris à Toulouse n'est qu'un jeu d'enfant, réaliser la même opération entre Paris et Stuttgart relève de la guéguerre ».

309

J.-M. BISCHOFF, « Observations sur la validité du transfert international de siège social », in

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333. Une société désireuse de transférer son siège social est donc exposée à un double péril : le premier, que son État d’origine empêche la réalisation de l’opération en forçant la société à se dissoudre et le second réside dans la faculté dont dispose l’État d’accueil d’interdire ou de rendre plus difficile l’immigration sur son territoire national310. Sont ainsi soulevées des incertitudes sur le maintien de la personnalité juridique de la société migrante (A) auxquelles s’ajoutent les restrictions imposées par les lois à la réalisation d’un transfert international de siège social (B) qui sont de nature à dissuader la poursuite d’un projet de transfert transfrontalier.

A. La continuité de la personne morale à l’épreuve du transfert transfrontalier de siège social

334. La volonté de transférer le siège social est souvent contrariée par la remise en cause de la personnalité juridique acquise par la société à sa constitution sur son territoire d’origine. Cette remise en cause de la personnalité juridique est due à l’origine à la nature juridique qui lui est reconnue. Ainsi, l’influence de la nature de la personnalité juridique reconnue aux sociétés sur la réalisation du transfert international de siège social met en péril la réalisation de l’opération de transfert international de siège social (1). Or, il n’y a à proprement parler transfert du siège d’une société d’un État à l’autre que lorsque la société survit audit transfert311. Aujourd’hui, l’existence de lien entre la nature juridique de la personnalité morale et la validité d’un transfert de siège social est à relativiser puisque la continuité de la personnalité morale de la société déplaçant son siège social est reconnue (2).

1. L’influence de la nature juridique de la personne morale sur la réalisation d’un transfert transfrontalier du siège social

335. Le transfert transfrontalier du siège social d’une personne morale est susceptible de provoquer un bouleversement si important du rattachement à la loi qui la régit,

310 A. AUTENNE, et E.-J. NAVEZ, « Cartesio, les contours incertains de la mobilité des sociétés

revisités », Cahiers de droit européen, 2009, p. 110.

311

Ludovic BERNARDO, « Droit communautaire d’établissement et le transfert du siège des sociétés », Gaz. Pal., juil. 2003, n°193, p. 38

Page | 150 qu’il peut entraîner son irrégularité ou la perte de sa personnalité morale312. Aujourd’hui, sauf à recourir à des montages complexes et coûteux, spécialement pour les petites et moyennes entreprises, pour transférer son siège de Paris à Rome ou de Berlin à Barcelone, il est plus pratique d’abord de dissoudre et liquider sa société, puis de la recréer dans le pays d'accueil; ce qui implique un changement de nationalité, de loi applicable, mais aussi la perte de la personnalité morale, sans compter l’effet fiscal de l'opération313.

336. L’idée dominante est que le déplacement à l’étranger du siège social provoque un bouleversement de la personnalité morale, de nature à remettre en question l’existence ou la validité de celle-ci314. La réticence de nombreux États à admettre l’émigration des personnes morales s’est traduite par l’obligation pour celles-ci de se dissoudre afin de se reconstituer dans un autre État315. La perte de la personnalité morale consécutive au transfert international du siège social serait donc devenue inéluctable (1.1). Cependant, il faut dorénavant reconnaître le manque d’intérêt de la controverse à propos de la nature juridique

312 E.-J. NAVEZ, « Le transfert du siège social et la transformation transfrontalière des sociétés

commerciales au sein de l'Union Européenne », in Droit des groupes de sociétés. Questions pratiques, Bruxelles, Larcier, 2013, p.91 ; E.-J. NAVEZ, « Transfert de siège social d'un pays à un autre », in Précis

de droit des sociétés (J. MALHERBE, Y. DE CORDT, Ph. LAMBRECHT et Ph. MALHERBE, sous la dir.), 4e

éd., Bruxelles, Bruylant, 2011, pp. 1182 à 1197.

313 Michel MENJUCQ, Anne OUTIN-ADAM, « Pour la mobilité des sièges sociaux en Europe »,

Les Echos n° 20882 du 03 Mars 2011, p. 11 (lien internet : http://www.lesechos.fr/03/03/2011/LesEchos/20882-54-ECH_pour-la-mobilite-des-sieges-sociaux-en- europe.htm). Dans le même sens, Pour M. Didier KLING (Vice-président de la Chambre de commerce et d'industrie de Paris, président d'honneur du Conseil national des commissaires aux comptes) , « le problème du transfert est le suivant, si un transfert de siège veut s’effectuer entre Paris et Frankfort, la société aura une forme juridique qui n’est pas connue à Francfort donc elle ne pourra pas y être immatriculé ; la société devra se radier à Paris alors qu’elle n’aura pas été encore immatriculé à Francfort sous une forme juridique différente. Alors le passage de la frontière sera juridiquement impossible avec un problème redoutable qui est celui de la disparition de la personne morale, c’est-à- dire que dans les formes actuelles si ce transfert devait être opéré, les fondateurs seront obligés de supprimer la personne morale c’est-à-dire que pendant un certain temps l’on ne saura pas qui est propriétaire de l’actif de l’entreprise et qui est redevable de son passif »in Transcription de l’interview de M. Didier KLING sur la mobilité des sociétés en Europe : directive sur les transferts de sièges sociaux

et statut de Société européenne. Lien à suivre : http://www.etudes.cci-paris-idf.fr/rapport/265-

transfert-siege-social-mobilite-des-societes-en-europe.

314

Voy. À cet égard V. SIMONART, La personnalité morale en droit privé comparé, Bruxelles, Bruylant, 1995, n° 443 et s. et les références citées.

315 Voy. M. MENJUCQ, Droit international et européen des sociétés, op. cit .,n°44. Sous l’angle

du droit belge, voy. Th. TILQUIN et B. FANARD, « Les éléments essentiels de la société »,in Le droit des

sociétés aujourd’hui : Principes, évolutions et perspectives, Éd. Jeune barreau Bruxelles, 2008, pp. 60-

61, n° 47 et 48 ; A. BENOIT-MOURY , « Que reste-il comme éléments intangibles dans la SA ? », Liber

Amicorum Lucien Simont , Bruxelles, Bruylant, 2002, p. 516 ; G. RAUCQ , « Transfert transfrontalier du

siège social d’une société », in Qquestions de pratique notariale, Bruylant, Bruxelles, 1998, p. 368 et les références citées.

Page | 151 de la personnalité morale et de son influence sur la validité d’un transfert de siège social (1.2).

1.1. La perte de la personnalité morale consécutive au transfert transfrontalier du siège social.

337. La question du maintien de la personnalité morale de la société à la suite du transfert de son siège est à l’origine due à la conception de la notion même de personnalité morale316. En effet, deux conceptions rivalisent : celle de la personnalité morale en tant que réalité et celle ne voyant en l’attribution de la personnalité juridique qu’une fiction. La mise en œuvre de ces théories fait ressortir les inconvénients du défaut d’unité de la notion de siège social. Il en ressort que les incertitudes sur la survie de la personnalité morale se retrouvent dans tous les systèmes juridiques et qu’elles sont accentuées par la diversité des conceptions du siège social, statutaire ou réel. Selon la théorie de la fiction, une société ne peut survivre à un transfert de son siège statutaire (a). Quant à la théorie de la réalité, le transfert du siège réel entraîne incontestablement la perte de la personnalité morale (b). La diversité d’interprétation de la notion de siège associée à celle de la nature juridique de la personnalité juridique sont des freins réels à la mobilité des sociétés.

a. La théorie de la fiction de la personnalité morale et l’impossibilité du transfert du siège statutaire

338. Selon cette dernière, la théorie de la fiction317, il n’est pas possible de voir physiquement une société. L’existence qui lui est conférée est donc une fiction qui lui permet d’avoir une personnalité juridique. Selon les partisans de la théorie de la fiction, la

316J. PELLERIN, « La personnalité morale et la forme des groupements volontaires en droit des

sociétés », RTD Com. 1981, 471 ; G. GOUBEAUX, « Personnalité morale, droit des personnes et droit des biens », in Etudes dédiées à R. ROBLOT, LGDJ 1984, p. 199; J.-P. GRIDEL, « La personnalité morale en droit français », RID comp. 1990. 495 et s. ; C. FREYRIA, «La personnalité morale à la dérive... »,

Mélanges BRETON et DERRIDA, 1991, 121 et s. ; J. PAILLUSSEAU, « Le droit moderne de la personnalité

morale », RTD civ. 1993,.p. 705 et s. ; E. SAVAUX, « La personnalité morale en procédure civile », RTD

civ. 1995, p. 1 et s.

317

Pour l’analyse de la théorie de la fiction, voy. not. G. PANOPOULOS, «Pour une nouvelle compréhension du droit international des sociétés à la lumière de la jurisprudence de la Cour de justice: du confit de lois au confit d’autorités »,CDE , 2006, p. 719.

Page | 152 personnalité morale n’est due qu’à l’effet de la loi qui la confère. C’est la théorie la plus ancienne. Elle a été soutenue par les professeurs Ihering et Savigny318. Cette thèse ne reconnaît comme sujets de droit que les êtres humains dotés de chair et de sang319. Elle suppose une faculté de vouloir et d’agir. Dès lors, seules les personnes physiques peuvent en bénéficier. Cependant, en dehors des personnes physiques, la personnalité juridique peut être octroyée aux groupements par le législateur. La personnalité morale désignerait la personnalité juridique conférée par la loi à une entité et qui lui permet, à ce titre, d'agir et d'être titulaire de droits, telle une personne physique. Une fiction, entendue comme une fiction juridique, est la technique du droit par laquelle est tenue pour établie une situation juridique contraire à la réalité factuelle. La personnalité morale accordée à des groupements est le résultat d'un artifice, les personnes morales étant des créations de pures techniques. La personne morale n’est qu’une “métaphore anthropomorphique“320 « Dieu a créé l’homme à son image et l’homme a créé les groupements à son image ».

339. L’État peut donc par un acte de volonté octroyer artificiellement la personnalité morale à un groupement de personnes ou de biens. La personnalité morale dans ce cas ne peut se concevoir sans une loi admettant son existence. C’est une création artificielle et non une réalité juridique. Cette théorie met en évidence le fait que l’octroi de la personnalité morale aux groupements dépend de la loi qui en définit les conditions et les

318

R. VON SAVIGNY, System des Heutigen römischen Rechts, ou Traité de droit romain actuel, tome 4, publié en 1845, trad. Ch. GUENOUX, Firmin-Didot, t. II, 2e éd., 1860, p. 233 dans lequel cette question est étudiée : « Le droit fait des fictions pour ne pas accepter des notions en contradiction avec ses règles fondamentales, et qui apparaîtront comme des anomalies indisciplinées ; par ce moyen, le droit courbe les faits sous sa règle au lieu de se courber sous les faits».

319 R. VON JHERING, L'esprit du droit romain, t. IV, trad. O. DE MEULENAERE, 2e éd., Maresq.

1880, p. 341: « Dès que l'on perd de vue cette idée fondamentale du droit, que l'homme seul est destinataire des droits, l'on ne s'arrête plus dans la voie de la personnification. On commence, dans les servitudes prédiales, par élever des fonds au rang de personnes et l'on finit par décerner les mêmes honneurs aux titres au porteur. Non ! Les véritables sujets de droit, ce ne sont point les personnes juridiques comme telles, ce sont leurs membres isolés».

320 Selon le mot de P. COULOMBEL, op. cit., Thèse Nancy, 1950, p. 15 : Lorsque l'on interprète

cette métaphore anthropomorphique comme un être réel, comme une sorte de surhomme ou d'organisme, on hypostasie de façon illégitime un procédé auxiliaire de pensée, une notion auxiliaire que la science juridique a construite en vue de simplifier ou de rendre plus concrète l'analyse et la description de données juridiques compliquées.

Page | 153 limites321. Si l’acte de naissance d’une société est un acte de volonté, un contrat, celle-ci devient en principe, une personne morale, une fois accomplies les formalités de publicité322.

340. Les systèmes anglo-saxons adoptent cette conception très formaliste du rattachement d’une société à un État, et de l’attribution de la personnalité juridique, en se référant uniquement à l’immatriculation (incorporation) sans aucune considération pour la localisation du centre de direction. En effet, dans ces systèmes, la personnalité morale est conçue comme un bienfait de la loi qui cesse lorsque l’objet de la compétence législative disparaît. Les juges anglais adoptent donc la thèse de la fiction dans l’absolu, car ils estiment qu’une personne morale est une abstraction qui naît de son accueil par une autorité publique et ne vit que par la loi de constitution.

341. En suivant cette conception, le transfert qui entraînera la perte de la personnalité juridique est le transfert du siège statutaire, puisque le siège statutaire est le siège prévu dans les statuts dont le dépôt est constitutif d’une formalité d’enregistrement, ou encore la formalité selon laquelle la personnalité juridique est acquise. En transférant le siège statutaire à l'étranger, il y a inéluctablement perte de cette personnalité puisque la société abandonne cette loi étatique qui l’a octroyée. II y aura dissolution de la personnalité morale. Les États disposeraient ainsi du pouvoir exorbitant de vie ou de mort à travers la sanction de dissolution et de liquidation sur les sociétés locales qui aspirent à l’émigration, en cas de rupture du rattachement à la lex societatis.

342. Aussi le droit anglais considère-t-il que la société ne survit pas à la modification du lieu de constitution et n’admet-il pas le transfert du siège statutaire à l’étranger sans dissolution. Ainsi, la société qui entend transférer son siège statutaire doit se dissoudre. En conséquence, ni le transfert du siège statutaire ni le transfert du siège total (transfert du siège statutaire et transfert du siège effectif de direction), c’est-à-dire transfert de siège statutaire et effectif, ne sont possibles dans le système de l’incorporation. Le déplacement du siège statutaire ferait perdre à la société le bénéfice de la personnalité morale que l’État d’origine lui avait reconnue. Si l’on estime que la personnalité juridique est une

321

Fl. DEBOISSY et G. WICKER, « Chronique de Droit des sociétés », JCP E 2013.

322 Nous savons que l'immatriculation d'une société a pour effet d'entraîner pour le

groupement la jouissance de la personnalité morale voir en ce sens Cass. 1re civ., 5 juillet 1989, RTD.

com., 1990, p. 400, obs. C. CHAMPAUD ; Gaz. Pal., 1989, 2, p. 634, note B. HATOUX ; Cass. com., 30

novembre 1999, D., 2000, jur., p. 627, note E. LAMAZEROLLES ; Cass. com., 14 juin 2000, Bull. Joly

Page | 154 qualité ou un attribut, cette qualité ne peut survivre au transfert international puisque la compétence de l’autorité publique créatrice de la personne morale s’est arrêtée aux frontières de l’État de départ323.

343. Dans l’optique de la mobilité, certains auteurs considèrent qu’il est préférable de repousser la thèse de la fiction et de reconnaître la réalité technique de la personnalité morale324.

b. La théorie de la réalité de la personnalité morale et la non survie de la société au transfert du siège réel

344. À l’opposé de la théorie de la fiction, les créateurs de la thèse de la réalité325 quant à eux, notamment le professeur Gény326, soutiennent que seule la réalité importe. Pour eux, les êtres collectifs sont tout aussi réels que les personnes physiques : le droit ne ferait donc que constater une réalité. L’autorisation de l’État n’est pas nécessaire ; la ressemblance entre les groupements et les personnes physiques suffit à reconnaître aux premiers la même personnalité morale que les seconds. L’autorisation de l’État ne serait donc pas nécessaire pour reconnaître la personnalité morale. Un groupement capable de dégager une volonté collective et ayant un intérêt distinct de celui de ses membres peut avoir une personnalité morale en dehors de toute reconnaissance de l’État. Elle considère que tout groupement, constituant un centre d’intérêt collectif distinct des intérêts personnels de ses membres, est une personne morale.

345. Dans le système de la théorie de la réalité, le transfert du siège entraînera dissolution de la société en cas de transfert du siège réel. Ainsi, le transfert du siège statutaire, n’entraînant que la modification des statuts, n’emporte pas perte de la personnalité juridique ;

323 Jacques BEGUIN, «Les sociétés commerciales sont-elles condamnés à l’immobilité

internationales ?, in Mél. En l’honneur de Paillusseau, Aspects organisationnels du droit des affaires, n°14, p. 50.

324 G. LAGARDE, « Propos de commercialiste sur la personnalité morale. Réalité ou réalisme ?

», Etudes offertes à A. JAUFFRET, 1974, p. 429.

325

La théorie de la réalité de la personnalité morale, posée dans l’arrêt Comité d'établissement de Saint-Chamond c/ Ray : Civ., 2e sect. civ., 28 janvier 1954, D. 1954. 217, note G. Levasseur, JCP 1954. II. 7978, concl. LEMOINE, Dr. soc. 1954. 161, note P. Durand.

326

François GÉNY, Science et technique en droit positif, t. III, 1921, n° 224, p. 221 ; COULOMBEL, Le particularisme de la condition juridique des personnes morales de droit privé, thèse Nancy, 1950, p. 41.

Page | 155 comme le changement de forme sociale n’a non plus aucune incidence sur la permanence de la personnalité morale327. Si l’on considère une approche stricte du rattachement par le siège réel impliquant la matérialisation du siège indiqué dans les statuts, les conséquences sont très négatives pour les sociétés328. Les États prévoyant en effet, généralement, que les sociétés sont soumises au droit de l’État dans lequel elles ont leur siège social, le transfert dudit siège entraîne mécaniquement, en principe, la disparition juridique de la société concernée dans son État d’origine, et sa création dans l’État étranger. Dans ce cas, la société perd son rattachement avec l’État de départ, mais se place en situation d’acquérir un nouveau rattachement avec l’État d’arrivée. Les défenseurs de la thèse de perte de la personnalité juridique consécutivement au transfert du siège estimaient qu’autoriser le changement de lex societatis329 ne serait pas apporter une modification aux statuts de la société, mais serait changer l’être moral tout entier, en bouleverser le régime et le placer sous l’égide d’une loi