• Aucun résultat trouvé

Chapitre 2 : Article 1

4.4 Transfert vers la clinique

L’injection de facteurs régénératifs (MSC, MSC-CM 5%O2, bFGF) dans un œil n’entraine pas la même réaction selon que l’organe est intact ou endommagé. L’injection de ces facteurs, ou même de cellules mésenchymateuses directement dans un œil n’ayant subi

aucun dommage laser n’entraine pratiquement aucune activation des cellules progénitrices. La situation diffère complètement dans un œil endommagé. Il est possible d’y observer un gradient d’activation des cellules nestine+, avec une plus forte activation dans le segment endommagé de l’œil que dans le segment intact. Selon nos travaux, cela est principalement dû à l’arrivée de macrophages dans la zone de lésion suite au dommage aigu. L’action combinée des facteurs paracrines des MSC et des macrophages sur les progéniteurs oculaires va mener à la régénération tissulaire. Ceci n’exclut cependant pas que d’autres facteurs puissent aussi catalyser cet effet.

Plusieurs des cas où l’on espère une percée de la médecine régénératrice impliquent soit des maladies chroniques (dysfonction rénale, hépatique, pulmonaire, maladie de Parkinson ou Alzheimer), soit des dommages aigus ne pouvant pas encore traités rapidement avec des cellules souches faute de traitement hautement sécuritaire ou de disponibilité des cellules (par exemple, lors de dommage à la moelle épinière). De plus, ces lésions n’ont pas le même environnement tissulaire que dans notre modèle laser de glaucome. La phase aigüe étant passée, la quantité de signaux pro-inflammatoires y est moindre, les cellules immunitaires présentes ne sont pas exactement les mêmes et les cellules qui y meurent le font sur une échelle de plusieurs années ou ont déjà été remplacées par du tissu fibreux non fonctionnel. Plusieurs études impliquant des MSC n’ont démontré aucun ou peu d’impact sur la fonction de l’organe endommagé. Or un nombre important de ces études ont été réalisées dans des conditions de maladies subaiguës ou chroniques (335). La trabéculoplastie au laser, un des traitements les plus courants pour le glaucome, emploie le même type de laser que celui utilisé dans notre modèle de glaucome. Cette approche clinique permet de recréer un dommage aigu

de petite envergure et de le combiner avec l’injection de MSC, de MSC-CM ou de bFGF. Cette combinaison pourrait avoir un effet bénéfique de promotion de la régénération. Le dommage à lui seul induit un effet favorable sur les macrophages en permettant (i) leur migration à l’endroit précis qui nécessite réparation et (ii) la production locale de nouveaux facteurs (261). La trabéculoplastie au laser cause aussi l’élimination des cellules non fonctionnelles empêchant la croissance de nouveau tissu. Ce traitement a une durée d’efficacité moyenne de trois ans. L’addition d’une injection de MSC-CM à la trabéculoplastie au laser pourrait accroître l’effet des macrophages déjà stimulés par le laser et induire une meilleure régénération du trabéculum malade. Cela pourrait aussi augmenter la durée d’efficacité du traitement. Il serait donc extrêmement pertinent de développer une telle approche thérapeutique du glaucome. Il reste néanmoins à confirmer que l’intensité plus faible du laser employé en clinique génèrerait le même effet que celui observé dans notre modèle. Il sera aussi intéressant d’évaluer la technique de dommage au laser, en combinaison avec les MSC, comme moyen de stimuler la régénération tissulaire dans d’autres modèles de maladies ne présentant pas de dommage aigu. En effet, le laser permet de facilement contrôler l’importance et l’étendue de l’effet localisateur, tout en potentialisant l’effet des MSC.

Trois méthodes ont été employées pour activer la régénération oculaire dans notre modèle: l’injection de cellules, de milieu conditionné ou de bFGF. Plusieurs facteurs sont à considérer dans l’évaluation de la méthode qui sera la plus efficace en clinique. L’injection de bFGF pourrait induire la réponse la plus rapide en éliminant le besoin de tout intermédiaire. De plus, l’effet observé dans notre étude pourrait être amélioré par l’ajout d’autres facteurs régénératifs. Toutefois, il est clair que même une combinaison de facteurs efficaces

nécessiterait plusieurs injections afin d’obtenir un effet soutenu (336). En effet, la demi-vie de ces cytokines in vivo est courte et la clairance de l’humeur aqueuse est rapide (216, 337, 338). Il ne serait donc pas surprenant que les cytokines injectées soient éliminées quelques heures seulement après leur administration. L’utilisation de MSC-CM ou de cellules MSC elles- mêmes offre donc des solutions intéressantes à ce problème, ces deux stratégies ayant un effet direct ou indirect sur les macrophages produisant un effet à long terme. Bien que physiologiquement très appropriée, l’injection de MSC est l’option la plus lente. En effet, ces cellules doivent d’abord être activées, pour ensuite produire in situ les différents facteurs impliqués dans le recrutement et l’activation des macrophages au site de dommage. De plus, l’isolation ou l’expansion de MSC autologues nécessite du temps et un accès à une installation adaptée à leur manufacture. Nous avons toutefois observé que ces cellules avaient l’effet le plus précis, limitant l’activation des cellules progénitrices uniquement à la zone lésée. Ceci justifie de déterminer si des MSC allogéniques pourraient générer le même effet que des MSC autologues. En effet, les MSC pourraient potentiellement être utilisées sans égard à la compatibilité au niveau du complexe majeur d’histocompatibilité et donc servir de cellules donneuses universelles (339-341). Dans un tel contexte, leur utilisation pourrait s’étendre rapidement et offrir une solution autant aux problèmes techniques que financiers.

Le sécrétum des MSC pourrait se révéler une stratégie clinique encore plus simple, puisqu’il n’impliquerait que des facteurs solubles. De plus, les facteurs présents dans ce milieu agissent plus rapidement que les MSC et ont une influence sur plusieurs voies menant à des mécanismes régénératifs au long terme. Ce secrétum pourrait aussi être produit à faible cout et distribué à l’avance dans tous les centres. L’œil est aussi une zone de privilège immun

favorisant la tolérance face à des antigènes étrangers (342). Cette aptitude, combinée aux facteurs immunosuppressifs des MSC, permet d’envisager l’entreposage des facteurs provenant de MSC allogéniques et les conserver pour injection dans des patients quasi sans risque d’une réaction inflammatoire. Sachant que les macrophages font le lien entre les MSC et les cellules progénitrices, il serait aussi intéressant d’isoler le ou les facteurs responsables de leur changement de phénotype, ce qui permettrait d’avoir des réactifs précis « off the shelf » qui favoriseraient la régénération d’un tissu en une seule injection.

4.5 Modèle proposé des mécanismes de régénération par les MSC