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1A* corps commun.

8.3. TRANS-LOCAL FÉMININ

En étant nous-mêmes usagers de ces espaces interstitiels, nous avons pu constater un investissement beaucoup plus important de la part des femmes, visiblement plus nombreuses à s’investir, sur un éventail plus large d’activités et avec plus de continuité dans le temps. Est-ce qu’il s’agit d’une mentalité datée qui assignent des rôles sociaux spécifiques et non-éhangeables entre les hommes et les femmes ? Est- ce qu’il s’agit d’un poids différent dans les tâches professionnelles? Est-ce qu’il y a moins d’investissement à l’extérieur de la maison dans les responsabilités liées à la famille ?

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Cette présence féminine semble correspondre à ce type d’espace et de démarche qui demandent un soin régulier, un investissement dans la durée et de la patience. Ces projets correspondent aussi avec les temporalités plus fragmentées du quotidien féminin, aux tâches familiales liées plutôt à l’espace de proximité, à un territoire familier de petite échelle et construit par des relations plus personnalisées. Nos observations confirment, en partie, les analyses de Illich, qui affirme que le genre est vernaculaire : “les lieux et les heures déterminent qui fait quoi, qui use de quoi, et à quel moment. (...) Le tracé de la séparation des genres détermine sur quels territoires, en quelles occasions et jusqu’à quel degré les deux genres peuvent se mêler.”144 Si les analyses de Illich sont basées surtout à des activités liées aux cultures de type traditionnel, des distinctions du même type sè retrouvent dans la Société occidentale contemporaine.

Nous trouvons donc une présence genrée dans le jardinage et dans l’espace public de proximité. Une parenté et un potentiel d’usage apparaît en créant des liens entre l’espacé d’un jardin et l’espace public de proximité ; une féminisation de l’espace public à le potentiel de renverser la tendance, mal vécue par la quasi-totalité des habitants des banlieues et de certains quartiers des grandes villes, d’abandonner l’espace public à des règles non-dites machistes et agressives. Nous trouvons très pertinentes et prometteuses les démarches qui investissent l’espace public par des présences et usages féminisés, comme dans les projets de ALD, Rotor et AAA.

144 Illich, Œuvres complètes T2, Genre et culture, p309

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Ces projets peuvent construire, dans le temps et par la mise en réseau avec d’autres projets, un espace qu’on pourra appeler « le local féminin », un local reconstruit par le vernaculaire féminin ; jardinier, mineur, par les détails, soigné, communiqué de bouche à l’oreille. Ces espaces peuvent contribuer à la construction d’une nouvelle culture vernaculaire, ancrée dans le local parce que construite à partir de ce local, partagée et ayant une durabilité par transmission. Comme l’a déjà souligné Illich, "le genre est vernaculaire. Il est aussi résistant et adaptable, aussi précaire et vulnérable que le parler vernaculaire.”145 En perdurant dans le temps, par un effet constituant, ces espaces pourront générer un espace institutionnel d’un autre type, organisé autrement que sur des logiques oppositionnelles, ayant plus de flexibilité et avec une meilleure prise en compte de la diversité et de la multiplicité. Nous apercevons les possibilités d’un <devenir femme> de l’espace public, à partir de l’espace de proximité.146 Une multiplication diversifiée de ce type de démarche peut générer le potentiel d’un local investi par le voisinage, entre-tenu au niveau du détail, auto-géré en grande partie par recyclage, utilisé de manière collective et sympatique (syn-pathos).

Ces changements de mentalité collective sont pressentis par Clément qui affirme : "je pense que nous allons nous acheminer (...) vers une <démondialisation>, c'est-à-dire une consommation et une production localisée de biens. Cela n’empêchera pas d'avoir une économie étendue à l’échelle de la planète, mais elle devra s'organiser à une échelle locale." D’autres auteurs, comme Magnaghi, analysent l’intérêt offert par <le projet locai>.147 Nous croyons que les ancrages locaux peuvent atténuer et maîtriser une décroissance possible, pour la rendre équilibrée et juste. Et, même, de remplacer la croissance globalisée, qui a atteint actuellement ses limites, avec des dynamiques économiques locales, par des dynamiques translocales et féminines.

Déjà en 1980, André Gorz notait : "ainsi que l'a montré Herbert Marcuse, le socialisme post-industriel, (...) sera féminin ou ne sera pas. Il présuppose une révolution culturelle qui, au niveau des comportements individuels aussi bien que sociaux, extirpe le principe de rendement, l'éthique de la compétition, de l'accumulation et de la lutte pour la vie, pour affirmer la suprématie des valeurs de réciprocité, de tendresse, de gratuité et d'amour de la vie sous toutes ses formes." Et il continue : "sous ce

145 Illich, Œuvres complètes T2, p320 146 cf Deleuze et Guattari, 1980 147 Magnaghi, Clément, 2008, p47

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rapport, comme l'a dit Alain Touraine, le mouvement des femmes est un mouvement de libération non pas des femmes mais des hommes par les femmes."148

Ce local féminin ne signifie pas toujours de rester dans un registre du faible, du mineur et de la douceur ; parfois il laisse apparaître des démarches plus spectaculaires dont, justement, leurs mise en forme par des femmes accentue d’autres dimensions que celles habituelles ; ex Rotor qui rendent accessibles des espaces autrement inaccessibles (toits, terrasses, sculptures monumentales...). L’accent n’est plus, dans ce type de démarche, sur la performance physique, qui existe toujours, mais sur ie caractère soçial d’une telle démarche.

148 Gorz, 1980, pl20

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