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Trames actuelles des villes

les économies d’agglomération et de réseau

3.2. Les trames urbaines: potentiels d’interaction des villes dans le système urbain européen

3.2.2. Trames actuelles des villes

Le SDEC (Schéma Directeur de l’Espace Communautaire) préconisait en 1999, dans son objec- tif 3, la « coopération territoriale » permettant de « promouvoir un développement harmonieux et équilibré du territoire de l’Union » (Commission européenne, 1999). Déjà, dès le début des années 1990 en France, la DATAR avait anticipé ce principe, l’appliquant particulièrement aux villes françaises à travers l’encouragement de « réseaux de villes » (fig.3.7) (Bertrand, Robert, 1991). Le lancement de ces réseaux de villes en France s’est appuyé sur la référence des réseaux régio-

naux historiques de villes, comme la Décapole fondée au XIVe siècle pour résister au Saint Em-

pire romain germanique, et qui dura près de trois siècles (réunissant Haguenau, Wissembourg, Obernai, Rosheim, Sélestat, Colmar, Turckheim, Kaysersberg, Munster et Mulhouse). D’autres

réseaux sont souvent cités comme celui de la Hanse, fondé également au XIVe siècle contre les

visées hégémoniques du Danemark sur le passage maritime et terrestre entre la mer du Nord et la Baltique (Degermann, 1991). Si ces réseaux anciens étaient fondés sur une volonté de maintenir des territoires indépendants et libres de développer leurs échanges commerciaux, la promotion des réseaux contemporains de villes tente de constituer des complémentarités et des régulations entre les villes.

Leur institutionnalisation en 1995, dans la loi d’orientation pour l’aménagement et le développe- ment des territoires, a été opérée dans un contexte de réduction de la dette publique (Damette, 1995, in Tesson 1996). Il s’agissait, pour les villes proches, de faire des économies d’échelle en partageant des équipements. Les villes auraient créé, selon leurs promoteurs, à l’échelle du ré- seau, un seul et même principe d’agglomération, puisqu’« en théorie, la logique de fonctionnement d’un réseau de villes est identique à la logique de fonctionnement d’une ville » (Degermann, 1991, p.25). Toutefois, peu des réseaux encouragés par la DATAR ont produit des collaborations visi- bles, mis à part ceux qui concernent des villes en difficulté dont les volontés politiques ont pu surmonter les concurrences locales (AIRE 198 : Poitiers-Angoulême-Niort-La Rochelle, ou le « Triangle » Saint-Dizier/Bar-le-Duc/Vitry-le-François) (Tesson et al., 1996).

2. Voir chapitre 2. 3. Voir 3.3.

Même s’il semble peu probable qu’une addition de villes soit capable de constituer un principe multiplicatif produisant des processus d’agglomération, il demeure intéressant, dans une réflexion sur les structures spatiales, de replacer ces types de réseaux de villes encouragés, dans le contexte européen des réseaux de proximité « possibles » (Rozenblat, 1995). En effet, la mise en réseau de villes peut, comme nous l’avons déjà suggéré, entraî- ner des processus de complémentarité et de partage d’équipements, favorisant l’intégra- tion des villes dans les courants économiques majeurs.

En conservant les principes de taille et de position géographique des villes, nous nous sommes appuyés sur le simple postulat selon lequel les interactions ont plus de facilités à être développées entre des villes proches. Le terme « proximité » est à prendre dans une acception théorique de la distance fondée sur l’espace des interactions sociales et non pas sur l’espace topographique. Selon le principe gravitaire, les villes de plus grande taille permettent, en effet, des interactions sur de plus longues distances. À distance égale, deux grandes villes sont plus « proches » que deux villes de taille plus réduites. Nous avons donc procédé en deux temps. Dans une première étape, nous avons représenté toutes les villes de plus de 10 000 habitants et leurs distances sur de courtes portées (moins de 25 et 50 km). Dans une seconde étape, nous avons isolé les villes de plus de 100 000 habitants afin de souligner leurs possibilités d’interactions sur des portées plus longues (moins de 100 et 150 km).

Population des agglomérations en 1990 9 320 000 5 000 000 2 300 000 600 000 0 100 200 km Figure 3.7

Réseaux de villes soutenus par la DATAR (1990)

Réseau de villes défini sur des objectifs stratégiques précis

Source: D.A.T.A.R. (in R.Camagni, C.Salone, Urban Studies, n°6, 1993) @GIP R.E.C.L.U.S., C.Rozenblat, 1995

Pour l’ensemble des pays européens (exceptés les pays de l’ex-URSS), la trame urbaine se compose d’un peu plus de 5 200 agglomérations qui avaient plus de 10 000 habitants en

19904. Les distances sont à vol d’oiseau, même si nous savons bien qu’il ne s’agit là que

d’une appréciation grossière5.

Les zones de fortes densités de villes distantes de moins de 25 km apparaissent nombreuses sur la dorsale rhénane (fig. 3.8). Elles partent du Nord de l’Angleterre (vers Newcastle) jusqu’à la Sicile, interrompues par la Manche et les Alpes. De part et d’autre de cette zone de fortes densités de villes, les marges ont des aspects très différents. À l’est, s’organise un réseau de villes continu et régulièrement réparti notamment en Europe centrale, tandis qu’à l’ouest, la France et l’Espagne apparaissent pauvres en groupes de villes proches. Certains réseaux se détachent toutefois le long de vallées fluviales comme celles de la Seine ou du Rhône, ainsi que des trames relativement compactes en Andalousie, au Pays Basque, autour de Vigo ou de Porto. Le mailla- ge plus large (entre 25 et 50 km) confirme la répartition de ces inégales densités (fig. 3.9). Les villes les plus peuplées (plus de 100 000 habitants) offrent l’image du sommet de la hiérar- chie urbaine dans un schéma plus sélectif (fig. 3.10). On retrouve les continuités de fortes den- sités urbaines sur la dorsale rhénane et dans ses marges. Pourtant, d’autres réseaux moins denses, parce que dominés par des grandes villes, sont ici soulignés, notamment dans une diagonale allant de la Pologne à la Bulgarie. Deux continuités est-ouest relient la dorsale rhénane à cette diagonale : d’une part au nord par l’Allemagne, et d’autre part au sud par la Slovénie. Une autre diagonale, mais cette fois « du vide », apparaît de direction NO-SE du centre de l’Allemagne jusqu’aux Balkans, quasi symétrique, par rapport à la dorsale rhénane, à l’autre « diagonale du vide », plus connue, qui traverse l’Espagne et la France selon une direction SO-NE.

La comparaison de ces trois figures fait apparaître la permanence des densités de villes aux différents niveaux de la hiérarchie urbaine. L’invariance d’échelle du maillage urbain peut être interprétée comme le résultat historique des constitutions locales et régionales des trames urbai- nes (Christaller, 1933), sur lesquelles se sont appuyés les développements de réseaux nationaux et internationaux de villes (Pumain, Offner, 1996 ; Pumain, 1997). On peut dès lors s’interroger sur les différences interrégionales des systèmes de peuplement et sur leurs propriétés d’adaptation ou de développement dans les nouveaux réseaux d’échanges et de communication.

4. Le système statistique européen ne comporte toujours pas d’information détaillée sur la population des villes prises individuellement, faute d’une définition des entités urbaines qui soit harmonisée entre tous les pays (Pumain, Saint-Julien, Cattan, Rozenblat, 1991). Nous avons donc utilisé la base de données Geopolis mise au point par François Moriconi-Ebrard (1994) dans des limites d’agglomérations définies par la continuité du bâti en 1990.

5. Il semble que l’utilisation d’un SIG pour apprécier la tortuosité des routes et leurs vitesses différentielles, serait d’un coût de temps largement supérieur au gain de précision obtenu.

Moins de 25 km

Source, GEOPOLIS, F.Moriconi-Ebrard, 1993

@ G IP R.E .C .L.U .S ., Eq uip e P.A .R .I.S ., C .R oz en bla t, 19 95 Figure 3.8

Le maillage serré des villes européennes

Agglomérations* distantes de moins de 25 km

Distances entre centres villes

(à vol d'oiseau):

Source, GEOPOLIS, F.Moriconi-Ebrard, 1993 @ G IP R.E .C .L.U .S ., Eq uip e P.A .R .I.S ., C .R oz en bla t, 19 95 Figure 3.9

Le maillage des villes européennes

Agglomérations* distantes de 25 à 50 km

* agglomérations de plus de 10 000 habitants en 1990

Entre 25 et 50 km Distances entre centres villes

Source, GEOPOLIS, F.Moriconi-Ebrard, 1993 @ G IP R.E .C .L.U .S ., Eq uip e P.A .R .I.S ., C .R oz en bla t, 19 95 Figure 3.10

Le maillage des grandes villes européennes

Agglomérations* distantes de moins de 150 km

* agglomérations de plus de 100 000 habitants en 1990

Distances entre centres villes

(à vol d'oiseau):

Moins de 100 km Entre 100 et 150 km