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Traitements de l’infection au virus du papillome humain

1.1 Le virus du papillome humain : agent étiologique du cancer du col de l’utérus

1.1.8 Traitements de l’infection au virus du papillome humain

Une minorité des infections au VPH progresseront vers un état malin chez certains individus. Les traitements actuels consistent à l’ablation des lésions précancéreuses causées par le VPH et le traitement par radiothérapie et/ou chimiothérapie des lésions cancéreuses (203). Ces traitements sont de nature invasive. D’autres alternatives conçues pour inhiber le

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cycle viral ou stimuler une réponse immune contre le VPH ont été développées et seront le sujet des prochaines sections.

1.1.8.1 Traitements traditionnels

Les thérapies actuelles consistent à traiter les lésions bénignes telles que les condylomes avec de l’acide trichloroacétique, la podophyllotoxine et l’imiquimod. Le traitement physique des lésions à un stage plus avancé de l’infection se fait par cryothérapie et chirurgie où les tissus atteints sont excisés. Dans des cas radicaux, l’hystérectomie est requise (203).

Les autres thérapies administrées actuellement aux femmes avec un cancer à un stage précoce combinent la chimiothérapie à la radiation. La combinaison de ces deux approches améliore la survie globale et la survie sans progression de la maladie. La chimio- radiation avec l’utilisation de cisplatine augmente de 22-68% le taux de survie après 5 ans (204). La cisplatine est un composé qui interagit avec l’ADN et induit l’activation des voies de signalisation de l’apoptose faisant intervenir plusieurs composantes de la réponse à un dommage à l’ADN telles que ATR et p53 (205). Pour le traitement des femmes avec un CC à un stage avancé, l’ajout de bévacizumab, un anti-angiogénique, est également associé à une meilleure survie (206).

1.1.8.2 Traitements aux interférons

L’exposition à de faible doses d’IFN dans des kératinocytes immortalisés par le VPH16 stimule l’expression des gènes viraux précoces et résulte en une meilleure réplication virale (207). L’inhibition de la voie de signalisation JAK-STAT par l’intermédiaire des oncoprotéines E6 et E7 diminue la réponse induite par l’IFN (208-210). Toutefois, une exposition à de fortes doses d’IFN-β inhibe l’expression des gènes viraux et de la réplication virale (210, 211). Ainsi, l’effet des IFN dépend de la concentration utilisée, mais également du contexte cellulaire. Effectivement, l’IFN-γ induit des réponses différentes dans les cellules HeLa, CaSki, chez lesquelles l’expression de E6 et E7 est réduite, et dans les SiHa où la transcription des oncogènes est davantage favorisée (212).

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1.1.8.3 Traitements aux acides ribonucléiques interférents

Les petits ARNs interférents (ARNsi) permettent de cibler directement les séquences des VPHs, notamment E6 et E7, et peuvent être utilisés à grande échelle pour identifier de nouvelles cibles thérapeutiques (213, 214). Le traitement aux ARNsi est efficace pour réduire la taille des tumeurs en particulier lors de l’administration conjointe de cisplatine dans un modèle de xénogreffe de souris avec des cellules SiHa et CaSki (215). Certains groupes ont utilisé des ARNsi pour provoquer l’inhibition de E6 et E7. Par contre, il est encore incertain si c’est la sénescence des cellules ou l’apoptose qui est induite alors que les deux phénotypes ont été observés (216-219). Il faut noter que les séquences nucléotidiques de E6 et E7 sont différentes entre types et variantes de VPHs et que la conception d’un ARNsi unique ciblant E6 ou E7 pour tous les VPHs serait une tâche difficile. Le choix de la région génique à cibler est donc un élément déterminant important pour une efficacité optimale des ARNsi.

1.1.8.4 Traitements aux petites molécules inhibitrices

Les protéines E1 et E2 sont des cibles intéressantes pour le développement d’un antiviral puisqu’elles sont nécessaires à la réplication du génome viral (voir les sections 1.2.4 et 1.3). L’acide biphenylsulfonacétique, une petite molécule inhibitrice de l’activité ATPase de l’hélicase E1 du VPH6 et VPH18, a été identifiée lors d’un criblage à haut débit (220). L’inhibition de la réplication par cette molécule implique la tyrosine à la position 486 de E1 du VPH6 (Y492 chez le E1 du VPH18) située à proximité du site de liaison de l’ATP et bloque donc la liaison de l’ATP par un mécanisme allostérique (221).

Le recrutement de l’hélicase E1 est favorisé par son interaction avec la protéine E2 qui lie des séquences spécifiques de part et d’autre de l’origine de réplication virale ou ori (revue dans (222) et (223)). La protéine E2 a également des fonctions dans la ségrégation et la partition de l’épisome viral lors de la mitose et dans la régulation de l’expression des gènes viraux (224). L’interaction E1-E2 se fait au niveau de la partie C-terminale de E1, le domaine ATPase, et le domaine de transactivation (TAD) de E2 et peut être inhibée par des dérivés d’indanédione pour le VPH6 et 11 (225-228). Récemment, notre laboratoire a caractérisé une nouvelle interaction entre la protéine cellulaire p80/UAF1 et la protéine E1 du VPH31 qui dépend des 40 premiers acides aminés de E1 (229). La mutation de résidus

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clés dans cette région diminue la réplication de l’ADN viral de 70% (230, 231). La surexpression d’un court peptide dérivé de cette région (N40) est également suffisante pour inhiber la réplication de l’ADN viral. D’autres molécules ciblant cette fois-ci l’interaction E6-E6AP (ubiquitine ligase E3 associée à la protéine E6) ont été également développées pour prévenir la dégradation de p53 par ce complexe (214, 232, 233).

1.1.8.5 Immunothérapies

Les protéines virales E6 et E7 sont essentielles à la progression de l’infection au VPH vers le cancer invasif. Du fait qu’elles sont constitutivement exprimées lors du cycle viral, les protéines E6 et E7 sont des bonnes cibles pour l’induction d’une réponse immune. Plusieurs vaccins thérapeutiques sont présentement en développement dont certains montrent un potentiel réel pour le traitement des néoplasies.

1.1.8.5.1 Vaccins à base d’ADN et de peptides

Le vaccin à base d’ADN consiste à délivrer un plasmide codant pour une protéine virale non-pathogène, mais pouvant induire une bonne réponse immunitaire. L’efficacité d’un tel vaccin dépend entre autres du système de délivrance de l’ADN. Le vaccin p18ConE6E7 qui code pour une fusion de la protéine E6/E7 du VPH18 induit une forte réponse par les cellules T cytotoxiques chez des souris et des singes rhésus. Dans une autre étude, des femmes infectées par le VPH16 et présentant des lésions de haut-grade ont été immunisées avec le vaccin Sig-E7 (detox)-HSP70 qui consiste en une fusion protéine de E7 du VPH16 et la protéine HSP70 (234). Malheureusement, une faible réponse contre E7 a été induite chez la moitié des patientes injectées alors que la régression n’a été observée que chez 3 des 9 femmes évaluées.

Les vaccins à base de peptides consistent à injecter un ensemble de peptides restreint à un antigène des leucocytes humains (HLA) particulier. Dans un essai clinique, des femmes présentant des néoplasies intraépithéliales de la vulve de haut-grade ont été immunisées avec un vaccin contenant un mélange de peptides de E6 et E7 du VPH16 et un adjuvant de Freund incomplet. La régression des lésions n’a été observée que chez 5 des femmes des 20 vaccinées (235). Par contre, cette régression corréle avec une meilleure

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réponse immune des lymphocytes T. Dans une autre étude en phase II où un vaccin à base de peptides de E6/E7 du VPH16 a été injecté à des femmes infectées par le VPH16 et présentant des lésions de haut-grade, aucune infiltration des lymphocytes T au niveau des lésions n’a été observée bien qu’une réponse immune n’ait été détecté par ELISPOT (236).

1.1.8.5.2 Protéine et virus recombinant

Un vaccin à base de protéines recombinantes contient plusieurs épitopes d’un antigène. Pour en améliorer l’immunogénicité, les protéines E6 et E7 sont fusionnées avec des protéines de la capside virale ou avec des protéines bactériennes de choc thermique (Hsp). Le vaccin HPV16 L1E7 CVLP contient des protéines chimères L1-E7 assemblées en VLP chimère. Alors qu’une hausse du taux d’anticorps contre L1 et E7 a été mesurée suite à l’injection du vaccin chez des femmes infectées par le VPH16 et présentant des lésions de haut-grade, la régression des lésions n’a été observée que pour 39% des patientes contre 25% dans la groupe placebo (237). Le vaccin SGN-00101 qui contient des protéines Hsp de Mycobacterium bovis fusionnées à la protéine E7 du VPH16 n’a pas permis d’obtenir de meilleurs taux de régression alors que seulement 22-35% des femmes ont éliminé leurs lésions malgré une induction plus forte de la réponse immune par les lymphocytes CD4+ (238, 239).

Finalement, le vaccin MVA E2 utilisant le virus de la vaccine modifiée Ankara (MVA) comme vecteur codant la protéine E2 du virus du papillome bovin (VPB) a été injecté au niveau de l’utérus de 36 femmes présentant des lésions précancéreuses. Après 6 semaines de traitement, 94% des femmes ont montré une régression complète des lésions et dans certains cas, une élimination de l’infection due à l’induction d’une réponse immune cytotoxique et humorale (240). En essai clinique de phase 2, la régression complète de lésions de haut-grade a été observée chez 56% des femmes (241), alors qu’en phase 3, l’administration de ce vaccin corrèle avec une régression complète des lésions du col de l’utérus, de la vulve et de l’anus chez 89% des personnes (242).

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